#Rugby – Fed1 / G.Laporte ( Graulhet) : «Il faut à tout prix qu’il y ait cette division de poule élite ou D3»

Guy Laporte , le président du Sporting Club Graulhetois, ex-ouvreur du XV de France, demi-finaliste avec les mégissiers du championnat de France 86, est une des figures de ce rugby du midi d’antan. Pour le truculent homme fort du club centre-tarnais , cette fédérale 1 brassant Pros et monde semi-amateur est une totale hérésie. Pour cela , à quelques heures d’un derby opposant le SCG, aux frères ennemis professionnels Albigeois, Guy Laporte avec sa gouaille légendaire, pousse un coup de gueule en forme de cri du cœur auprès des instances du rugby français. Dans ce championnat de la disproportion , athlétique, financière et sportive, l’ancien ouvreur tricolore dénonce une compétition dangereuse où tout le monde s’ennuie et des équipe comme albi : « Commencent leur saison en Mai et les finissent en Mai. ». Un entretien, aussi, en forme de voyage dans un passé, Guy Laporte et ses comparses, dominaient sur le pré, l’ovalie hexagonale, dans un rugby fait d’envolées valant toutes les littératures du monde et de parties de manivelles dont le folklore fut un des ferments de ce sport.

 

 

Guy Laporte, pour vous, on va dire que ce match entre Albi et Graulhet va vous rappeler certains souvenirs. Une époque pas si lointaine mais qui, en même temps, commence à être lointaine où Albi et Graulhet était dans la même division. Ce qui donnait lieu à quelques joutes enflammées voire quelques fois rugueuses ? 

 

C’était un autre monde ça (rires)

 

C’était le rugby d’antan comme on dit ? 

 

C’était le rugby d’antan. C’est vrai qu’il ne fallait pas les mêmes budgets pour jouer en première division. C’était le cas et ça donner l’occasion de pouvoir se mesurer, se confronter. Des rencontres intéressantes parce qu’il y avait quand même du jeu qui était développé mais c’était le moment d’alors qui le permettait. Aujourd’hui, il faut des sommes qui, pour nous, sont hors d’atteinte, monstrueuses (rires)

 

A l’époque, il y avait du beau jeu développé mais il y avait aussi parfois un peu de grêle, quelques soupes de phalanges. C’était aussi des derbys un peu caliente, ces Albi-Graulhet ? C’était un peu la suprématie locale ? 

 

Je dirai qu’on s’adaptait au règlement, c’était un peu plus permissif à l’époque. Les règles n’étaient pas les mêmes, il n’y avait pas cette peur de l’accident, cette règlementation qui est aujourd’hui sévère et contraignante pour les clubs et pour les joueurs. Oui, une autre époque où l’arbitrage était beaucoup large va t’on dire. 

 

On était dans le règne du  » pas vu, pas pris  » comme on dit ? 

 

Pas vu, pas pris et puis, la police se faisait sur le terrain quand l’arbitre ne la faisait pas (rires).

 

Ca nous parle, en effet

 

On peut appeler ça une certaine régulation. Ce n’était pas mon domaine et j’assistais de mon poste mais, par exemple, quand il y avait des joueurs qui trichaient en mêlées ou en touches, si l’arbitre ne le voyait pas, les joueurs de seconde ligne corrigeaient la position. Et ensuite, tout se calmait et ça revenait dans le bon endroit. 

 

Tout se passait dans la mêlée, dans le feutré ? 

 

Oui, dans le feutré et puis, c’est vrai que c’était un peu plus viril d’autant plus que maintenant parce qu’on n’avait pas de protection. Maintenant, on a des protections pour les épaules. Les regroupements, il valait mieux ne pas en faire parce qu’on n’était pas sûrs de se relever. Parce qu’on n’aimait pas que les joueurs traînent par terre à côté du ballon, c’était un autre monde. Et puis, il y avait quelques fois des générales qui réveillaient aussi un petit peu le public parce-que cela faisait partie du folklore de l’époque. 

 

Crédit photo DDM

En parlant de folklore et d’anecdotes, dans ces joutes entre Albi et Graulhet, est-ce qu’il y a une anecdote bien spéciale qui vous revient en tête ? Un match qui a marqué votre esprit ? 

 

Non, pas tellement. D’abord, parce qu’on ne se rencontre pas très souvent, il faut quand même le spécifier. On se respectait aussi parce qu’on se connaissait quand même entre les deux équipes. Ce qui était convenu à l’époque, c’était de gagner à domicile, à l’extérieur, on essayait de faire bonne figure et de ne pas trop subir, c’était à peu près ça. 

 

Vous vous rappelez quand même d’une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Le Sporting Club Albigeois et le Sporting Club Graulhetois, un peu à l’image de Biarritz et Bayonne, ont tenté de fusionner au cœur des années 90 ? Ça a été aussi tout un pan de l’histoire locale et ça a fait couler de l’encre ? 

 

Oui, j’y étais favorable et d’ailleurs, c’est moi qui avais lancé l’opération. 

 

Avec Louis Barret 

 

Louis Barret, le père Chamayou, tout ça. Mais voilà, les mentalités n’étaient pas prêtes. 

 

Est-ce qu’aujourd’hui, cette fusion aurait un sens ? 

 

Disons que les rapports se sont un peu inversés. A l’époque, nous on jouait au haut-niveau, qu’Albi ne jouait pas. Par contre Albi, c’était quand même la préfecture, des structures beaucoup plus importantes et qui pouvaient accueillir. Nous, on était plus concentrés sur le jeu et les joueurs. Mais ça ne s’est pas fait parce-que les mentalités n’étaient pas prêtes et qu’il y avait des dirigeants disons assez âgés qui préféraient que la tradition se maintienne plutôt que d’aller se lancer dans une association. 

 

Des petites guerres de clocher et d’égo comme on dit ? 

 

Association qui, c’est vrai, aurait occasionné des déplacements, des mobilités, qui révolutionnait un petit peu le quotidien et qui n’était pas fait pour ces mentalités. Ça ne s’est pas fait pour ça, il y a eu des impossibilités. Et un petit peu un conflit des générations. Les jeunes étaient plus ouverts, les anciens plus fermés, ce qui peut s’expliquer. Je ne sais pas si c’est bien ou pas, la preuve, c’est que les deux équipes sont en 3e division pour le moment. 

 

Crédit photo Rugby Amateur

On va en parler de cette croisée des chemins, de ce retour face à face entre Albi et Graulhet. 86, vous y étiez, demi-finale de championnat de France pour Graulhet, un des summums du club, 2006, Albi arrive en Top 14. Entre-temps, il y a eu une lente croisée des chemins. Albi a attrapé par le bout de la manche le professionnalisme quand Graulhet a un peu trébuché à l’aube de ce professionnalisme. Comment vous analysez cette croisée du chemin et maintenant, ce retour face à face dans une Fédérale 1 qui brasse un peu tout le monde ? 

 

Graulhet a trébuché, Graulhet a toujours joué avec le même budget alors qu’Albi … 

 

Ce n’est pas péjoratif quand je dis trébuché

 

Non, non, pas du tout. En plus, on avait une activité industrielle forte, les mégisseries qui ont aujourd’hui disparu donc, on se retrouve démuni sur le plan économique. Alors qu’Albi reste quand même la première ville du département avec quand même des possibilités de financements et de partenariats que n’a pas Graulhet, manifestement. Mais, c’est pareil, ils connaissent quand même quelques difficultés parce qu’avec un budget un peu plus élevé, c’est sûr qu’ils seraient en Pro D2. Qui, à mon avis, représente aussi leur véritable place. Ils n’ont rien à faire en Fédérale 1 aujourd’hui, ils perdent leur temps, ils s’ennuient. La saison d’Albi commence au mois de Mai et finit au mois de Mai, pour la vraie compétition. Pour le moment, ils s’entraînent. Ce n’est pas normal parce qu’ils ont un budget qui est peut-être sept fois comme le nôtre. 

 

Graulhet est un bastion de l’ovalie française mais qui est resté dans le berceau amateur du rugby, enfin, semi-amateur parce-que les vrais amateurs sont ceux qui se battent pour un short, un maillot et l’amour  du clocher. A part en séries, cela fait longtemps qu’en Fédérales, cela n’existe plus ceux qui se battent pour un maillot et l’amour du clocher. Comment, à Graulhet, arrivez-vous à trouver de nouvelles ressources et de nouveaux leviers pour exister dans cette Fédérale 1 qui se professionnalise de plus en plus et où l’on voit des armadas plus calibrées pour la Pro D2 que pour la Fédérale 1 ? 

 

Tout à fait. Nous, par exemple, on a deux ou trois joueurs qui, c’est vrai, ne travaillent pas. Mais à Albi, personne ne travaille, ils s’entraînent deux fois par jour et nous, on s’entraîne 3 fois et souvent 2 fois par semaine, comme quand je jouais il y a 50 ans (rires). On est resté au stade de l’amateurisme mais on ne peut pas faire autrement ! Notre budget reste stable et ça passe ou ça ne passe pas. C’est le problème aujourd’hui, on a une véritable hécatombe. C’est pour ça qu’on va à Albi très diminué. On essaye de faire le dos rond et il faut faire avec. Après, qu’est-ce qu’on cherche nous ? Que les joueurs s’amusent, à former de jeunes joueurs et ce n’est pas évident parce-que là aussi, on est tributaire de la démographie. On n’est quand même pas un gros bassin. On cherche à former des jeunes mais en plus, on est pris dans l’étau parce-que, quand ils montrent des qualités, ils sont recrutés à partir des minimes par Albi ou Castres et bien sûr, ils y vont avec plein d’ambitions. Donc, on est démunis, on est obligé d’être un club formateur, de se regénérer chaque année. C’est ça ou disparaître. 

 

Pour des petits clubs comme les vôtres, je pense à Graulhet, à Oloron ou à Bagnères qui sont d’anciens bastions, des clubs qui ont tenu le haut du pavé du rugby français, on est dans une période avant élections qui vont arriver en 2020. Ne serait-ce pas le moment de tirer la sonnette d’alarme, de faire un appel aux instances de la Fédé en leur disant  » nous, petits clubs, anciens bastions, cette Fédérale 1, on ne s’y retrouve pas totalement  » ? 

 

Ce n’est pas une question d’anciens bastions, ça, c’est une lecture de l’histoire. 

 

Quand on est un ancien bastion, on est un peu plus écouté que les autres. 

 

Ah mais moi, je milite chaque dimanche pour un retour à une espèce de Pro D3 où  Albi jouerait cette année, comme d’autres clubs de notre poule. Ils y sont facilement à 10 ou 12. Et qu’on revienne à un rugby de Fédérale 1 qui concerne quand même les amateurs et les semi-pros très light. Il faut y arriver à tous prix parce qu’on n’a rien à faire à se mélanger entre amateurs et professionnels. Un, pour l’intégrité physique car c’est dangereux. Il y en a quand même qui sont gaillards, qui sont hyper entraînés, ça peut engendrer des blessures assez graves. Et de l’autre côté, on ne peut pas rivaliser avec des gars qui ont été achetés pour leurs qualités à un prix beaucoup plus élevé que nous, on peut se le permettre. Et puis les jeunes n’auront jamais assez de temps de jeu pour essayer de progresser et de développer, évidemment, leur jeu et leurs ambitions. Il faut à tout prix qu’il y ait cette division de poule élite ou D3, comme ils veulent. 

 

Et, quand il y a trop d’écart entre deux équipes, que ce soit vers le haut ou vers le bas, il n’y a plus de notion de plaisir ? 

 

Non parce-que figurez-vous que, vous allez à Albi, on met une croix dessus. On essaie de se réserver les meilleurs ou ceux qui ont un petit problème pour le match suivant. C’est pour ça que tout le monde prend 60 points à Albi. Ce n’est quand même pas difficile de le comprendre ! Ils le voient pas ça à la Fédération ?   

Même les jaunes et noirs, les joueurs d’Albi, ne prennent pas du plaisir à mettre 60 points à une équipe

 

Exactement. Il faut quand même être aveugle à la Fédération pour ne pas voir ça. C’est un confort pour eux parce qu’il y a eu deux, trois équipes qui ont eu des soucis financiers et on a tout reversé dans la Fédérale 1. Mais, ils ne sont pas tous d’accord, parce-que, quand on reçoit Albi, on fait un peu plus de recette. Mais bon, pour trois sous … 

 

Oui, ce sont les trésoriers et les gérants de la buvette qui sont les plus contents

 

Exactement (rires). On va réserver des tables et tout le monde est content pour 4 000 € de plus de recette. 

 

Dernière question. Partant de ce constat-là, qu’attendez-vous de ce derby ? Du fait que c’est un derby des extrêmes entre un petit club et un club qui tend vers le professionnalisme. 

 

Pour être honnête et ce n’est pas pour le galvauder, aujourd’hui, on est trop handicapé. On a une douzaine de blessés, à notre niveau, c’est énorme. Donc, aujourd’hui, on y va, on essayer de lutter pour ceux qui seront là, courageusement. J’espère que le match retour à Graulhet donnera une bonne réplique. 

 

Rendez-vous est pris à Pélissou pour connaître les ambiances graulhetoises

 

SI on en a les moyens, on essaiera de leur poser des problèmes le plus longtemps possible. Et c’est sûr. 

 

Je pense que ce sera entendu 5 sur 5 et il nous tarde d’être à ce match retour à Pélissou. Mais déjà, ce soir, il y a match, il y a derby et on espère que Graulhet et Albi montreront un beau visage du rugby tarnais. 

 

Pourquoi pas ? 

 

A bientôt Guy Laporte

 

Au revoir

Propos recueillis par Loïc Colombié

Plus d’informations dans le #MagSport – RadioAlbiges du 18 octobre 2019 : https://hearthis.at/radio.albiges/le-magsport18102019-version-podcast/

 

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