#Rugby – Nationale / Eric Escribano (Blagnac) : «Le professionnalisme tue le romantisme!»

Le Blagnac Rugby défie depuis le début de saison « les lois de la gravité sociologique » de la Nationale. En effet les Caouecs, seule équipe 100% pluri activive de la Nationale après une brillante 4eme place durant les phases régulières, ont prolongé leur épopée en se qualifiant aux dépends de Bourgoin en 1/2 finale d’accession Pro D2. A l’aube de défier Dax dans la manche aller, le timonier du secteur sportif Blagnacais, Éric Escribano, nous a accordé un entretien. Le technicien gersois du club haut garonnais nous a parlé avec la passion qui le caractérise, de cet état de grâce dont dispose son équipe, du plaisir qu’il partage avec son groupe et des vertus d’un modèle Caouecs loin des carcans du professionnalisme. Rencontre avec un coach dont le goût certain pour le romantisme de la pluri activité est affichée et dont le labeur de 3 exercices porte ses fruits en cette année de centenaire du Blagnac Rugby.

Crédit photo Blagnac Rugby

 

Blagnac a encore passé une nouvelle étape la semaine dernière devant un stade Ernest Argelès incandescent garni de 2 500 personnes et en plus, face à un bastion du rugby qui vous réussit bien, le CSBJ, l’équipe de Bourgoin ? 

 

Exactement, on a passé un nouveau cap. On s’était offert ce barrage à domicile, il y avait beaucoup d’appréhension de mes joueurs au début, la peur de mal faire, et ils ont su se libérer à la mi-temps. Je crois qu’avec le staff, on a su trouver les mots pour se libérer et leur permettre de continuer ce magnifique rêve qu’ils sont en train de vivre et de faire vivre à tout un club l’année de son centenaire. 

 

Pourtant, le début de ce match a quand même été très compliqué pour Blagnac avec une équipe de Bourgoin qui est venue crânement jouer sa chance ? 

 

Bourgoin était une superbe équipe, ils s’étaient préparés à ce match et ils sont montés en puissance. Nos joueurs ont été un peu timorés et n’ont pas réussi à lancer notre capacité à jouer et à mettre du rythme ni à mettre l’équipe adverse à la faute mais on a su les libérer par des mots simples à la mi-temps, que ce soit Fred ou Romain. Ça a permis à ce groupe de se dire à la pause  » on va jouer notre coup à fond et on ne lâche rien  » et je crois que, depuis le début de la saison, on a montré qu’on ne lâchait aucun match. Ça a encore été efficace, Antoine Renaud a réussi à convertir toutes les fautes adverses ce qui nous a fait un bien fou dans un match pareil. 

 

Cette saison que vous vivez, que ce soit toi, le staff, les joueurs, c’est vraiment votre récompense car vous avez travaillé pendant trois ans avec ce groupe pour monter en puissance et là, vous vous récompensez déjà en vivant une aventure humaine mais aussi sportive ? 

 

C’est une aventure humaine et sportive à la fois. Au niveau sportif, je dis que c’est tout le travail que sont capables de faire les joueurs mais humainement, c’est vraiment énorme, on vit quelque chose que j’ai rarement vécu dans un vestiaire. Il y a une osmose, une entente entre les anciens et les jeunes, les anciens ont su montrer la voie aux jeunes au début et la jeunesse nous apporte cette folie qu’il nous manquait peut-être les autres années. Là où je suis fier, c’est que je n’aligne que des joueurs français sortis de cette formation française grâce à tous les clubs qui sont autour de nous que ce soit Toulouse, Colomiers et Castres qui nous ont aidé cette saison. Ça nous permet aussi de réussir et de montrer qu’en France, on a de très bons jeunes et qu’il faut leur laisser la part belle dans ce championnat. 

 

S’annonce maintenant une double confrontation face à Dax dont le vainqueur ira en Pro D2. Avant de penser à l’après, on va penser au statut que vous avez : face à Bourgoin, vous étiez les favoris car vous aviez fini devant au classement mais là, vous récupérer la pancarte d’outsider, une pancarte qui vous plaît bien ? 

 

Oui, c’est une pancarte qui nous plaît bien car je crois que pendant toute la saison, tout le monde nous a considéré comme ça. On reçoit l’ogre de la Nationale, l’année dernière, il y avait Massy, cette année, il y a Dax qui a roulé sur tout le monde. Je crois que Jeff Dubois a fait un super boulot avec le staff pour les amener là où ils sont, on a retrouvé le jeu à la dacquoise des années 97 à 2000. Nous, on ne va rien lâcher, c’est une belle équipe et quoi qu’il se passe, on se battra avec nos armes, avec nos qualités et avec nos valeurs humaines et on verra bien si l’aventure continue. Quand on est en demi-finale, on a envie qu’elle continue et je dirais que le meilleur gagne sur ces deux confrontations et ces 160 minutes. 

 

Qu’est-ce que tu redoutes le plus de cette équipe de Dax ? Sa ligne de 3/4 ? 

 

Tout le monde pense à la ligne de 3/4 mais je crois que c’est surtout la ligne d’avants qui leur apporte de supers ballons. Ils ont une conquête très équilibrée grâce au travail de Durquety et Dal Maso qui leur permet d’abord une bonne rampe de lancement, ce n’est peut-être pas la plus puissante de toute la poule mais elle est très, très efficace et elle fait les choses à la perfection. C’est vrai qu’ils ont un facteur X, on parle tous d’Antoine Dupont en Top 14 mais je crois que Marta est le facteur X de cette équipe, on ne peut pas faire de plan contre lui, c’est un plan X de cette formation qui débloque toutes les situations depuis le début de la saison grâce au travail de tous les autres. On verra bien si on trouve des solutions mais il faut les trouver tous ensemble, rien n’a été préparé contre ce joueur, ce joueur qui est le facteur X et qui fait gagner les matchs. 

 

On le sait, vous êtes pluriactifs, que ce soit les joueurs ou le staff, vous finissez le boulot vers 16 ou 17h pour ensuite vous plonger dans le rugby à 18h. Est-ce que pour préparer ces deux matchs qui sont quand même l’aboutissement d’une génération à Blagnac, vous avez adapté vos semaines de travail, est-ce que chacun a un peu pris sur soi pour essayer de se dégager des plages de repos ou de rugby en plus ? 

 

Je dirai que notre chance est que les phases finales sont au mois de Mai donc ça nous a permis à mes joueurs de se reposer le lundi. Ça a été une récup un peu plus importante que d’habitude et pour vendredi prochain, j’ai demandé à mes joueurs de choisir et ils ont tous accepté de prendre la demi-journée en congé pour pouvoir se préparer au mieux pour cette demi-finale retour à Dax. Je les en félicite et les en remercie ainsi que les employeurs qui ont accepté de libérer les joueurs pour qu’ils puissent prendre un jour de congé. 

 

Quel est l’état d’esprit dans le vestiaire à quelques heures de ce match face à Dax ? 

 

C’est toujours notre bonne humeur et la convivialité, je crois qu’il y a des choses qui ne vont pas changer, le goûter que font les 3/4 entre eux tous les vendredis soir a eu lieu hier. Quoi qu’il se passe, ça sera une belle fête pour nous. 

 

La semaine dernière, Benoit Trey avait lancé une opération  » tous au stade Ernest Argelès « . 2 500 personnes à Ernest Argelès, ça ne s’était pas vu depuis de nombreuses années, est-ce que ça a participé au fait de vous permettre de vous transcender ? 

 

Oui, ça nous a permis de nous transcender mais je crois que ce qui a surtout transcendé ce groupe, c’est la présence de tous les joueurs hors groupe qui ont créé un kop et qui ont chanté tout le match en l’honneur de leur copain. C’est ça qui est la force de ce groupe, j’ai 45 garçons extraordinaires, les jeunes, les plus anciens, les blessés et qui étaient là pour soutenir leurs copains. Ils ont chanté tout le match et je leur tire mon chapeau car c’est très dur de ne pas être dans un groupe qui joue les phases finales quand on a participé à la fête. 

 

Il va falloir que cet élan populaire se reperpétue car avec Dax, il va encore y avoir du lourd et de l’épais. Il faut peut-être refaire un appel au peuple Caouec ? 

 

J’espère surtout que tout le monde a pris du plaisir la semaine dernière et va revenir. Dans un second temps, on sent qu’il y a un gros frémissement dans la région avec l’avantage que le Stade Toulousain ne jouera pas là et que Colomiers a fini sa saison donc j’espère qu’on va dépasser les 3 500 au pur bonheur de mes bénévoles qui seront heureux. Ils ont du travail mais ils sont heureux de participer à une telle fête. 

 

Si d’aventure vous allez en Pro D2 et que vous battez Dax, il va falloir faire un monument à l’effigie de ce groupe et de cette génération ? 

 

Je ne parle pas de Pro D2 avec mes joueurs, c’est surtout le travail du président. Je leur ai dit  » vous êtes en train d’écrire votre livre, écrivez-le et tournez les pages jusqu’au bout pour qu’elles soient belles « . Ça leur appartient, c’est leur histoire et personne ne leur enlèvera, ce sont des valeurs humaines qui resteront à jamais gravées et quoi qu’il se passe, ça sera gravé. S’ils arrivent au bout, ils pourront mettre un petit liseré en or autour. 

 

Encore bravo pour les émotions que vous avez donné à tout le microcosme de la Nationale durant cette saison et, en même temps, on va dire que vous avez fait taire quelques mauvaises langues ? 

 

Moi, je crois à ce système de la pluriactivité, il a ses limites mais il permet aussi de remobiliser les hommes. Je dirais que mes joueurs travaillent à fond ainsi que nous aussi, le staff, oui, ça fait des semaines à 70 ou 80 heures mais ce n’est pas grave. C’est pour un pur bonheur, la passion est parfois plus forte que beaucoup de choses et je crois que le professionnalisme tue le romantisme et les valeurs de mon sport. Je préfère être dans mon camp et il faudrait que tout le monde y pense.

 

Merci et on te souhaite à toi et à tes hommes que l’épopée soit belle 

 

Merci beaucoup.

Propos recueillis par Loïc Colombié

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