Interview Grand format au cœur des Alpes, en Haute-Savoie, au RC Rumilly avec le demi de mêlée, Arthur Guigue, dont le parcours l’a mené à tutoyer les très haut niveau durant sa formation à Clermont et Montpellier avant qu’une blessure entrave son ascension. Mais ce pur produit du rugby provençal qui a commencé son parcours rugbystique à Gardanne a trouvé dans le club haut-savoyard, une seconde famille et un terre d’accueil pour relancer sa carrière en Nationale 2. Rencontre avec un joueur reconnaissant avec le RCSR qui compte bien participer activer à la palpitante fin de saison des rumilliens qui va osciller entre lutte pour le maintien et possible qualification en playoffs.

Avant de poser tes valises dans un coin des Alpes, tu as eu une carrière qui a quand même été émaillée de pas mal de clubs et une jeunesse qui t’a permis de côtoyer le très, très haut niveau ?
Exactement. J’ai commencé le rugby à 5 ans dans un petit village à côté d’Aix-en-Provence, à Gardanne et je suis ensuite parti au PARC, aujourd’hui Provence Rugby, où j’ai fait mon école de rugby. A 15 ans, j’ai eu la chance d’être contacté et appelé par Clermont-Ferrand où j’ai vécu 3 belles années durant ma dernière année cadet et deux années Crabos avant de retourner dans le sud à Montpellier où j’ai fait deux années espoirs dont la première année où j’ai côtoyé l’équipe première. J’ai eu la chance de faire quelques feuilles de matchs en Top 14 et d’apprendre beaucoup aux côtés de ces grands joueurs. Après, j’ai eu une petite mésaventure et j’ai dû être opéré, ça a été compliqué, j’ai été éloigné des terrains pendant un an et je suis du coup retourné à la maison, à Aix-en-Provence, pour jouer en espoirs mais malheureusement, j’avais signé trop tard et je me suis retrouvé sans club. Ça s’était fait très tardivement, j’avais quand même la chance de pouvoir continuer à jouer en espoirs à Aix mais je n’avais pas l’opportunité de pouvoir m’exprimer avec l’équipe première. J’ai notamment travaillé avec Yannick Osmond, que j’ai rencontré là-bas et avec qui le courant est très bien passé, il m’a redonné envie de retrouver du plaisir dans le rugby. Dans cette notion de plaisir, j’ai voulu aller à Trélissac pour relancer un peu ma carrière et surtout pour m’amuser mais malheureusement, il y a eu le Covid après 5 matchs et, sans revenir sur le contexte du club, ça a été compliqué. Du coup, j’ai pu poser mes valises grâce à Sébastien Decarre qui nous a appelés, on est venu avec Clément Iarussi, notre capitaine, et Keith Masima et j’ai eu la chance de pouvoir rebondir dans un si beau club qu’est le RCSR.

Remettons les choses dans l’ordre et revenons au début de ta carrière, dans le rugby provençal. Parle nous un peu de ce dernier, que ce soit à Gardanne ou à Provence Rugby, l’ex PARC
Le rugby provençal est quand même un rugby assez attachant, on n’y croit pas mais c’est aussi une belle terre de rugby avec de belles valeurs. Je crois qu’aujourd’hui, la progression de Provence Rugby est vraiment, vraiment opportune pour le rugby provençal et ce qui est assez intéressant, c’est qu’il emmène aussi tous les clubs aux alentours qui gravitent autour. Je suis très content pour ce club qui se structure d’année en année et qui n’est pas loin de pouvoir jouer maintenant les play-off d’accession en Top 14. Quant à Gardanne, j’ai toujours une petite attache avec ce club, de temps en temps, je prends plaisir à aller les revoir, discuter, je suis toujours en contact avec d’anciens joueurs que j’ai côtoyé tout jeune là-bas. C’est toujours important de garder des liens avec ses racines et ses premières terres de rugby car c’est de là que tout a commencé. Je suis content et fier d’être sorti de la formation provençale comme actuellement beaucoup de joueurs professionnels ou amateurs.

Parlons de la suite et de ta formation avec Clermont et Montpellier. Tu as touché du doigt le très haut niveau en rentrant dans un club, qui est plus qu’un club mais une institution, Clermont, puis en allant ensuite dans l’une des plus grosses machines financières du rugby français, Montpellier. Parle nous de ces deux clubs
Clermont était aussi un choix du fait que je voulais avoir un double projet sportif tout en poursuivant mes études et, à l’époque, Clermont était quand même ce qui se faisait de mieux en termes de formation. On avait un suivi vraiment incroyable et ça m’a permis de jouer dès 15 ans au plus haut niveau français de notre catégorie d’âge tout en ayant un suivi et tout en permettant de grandir aussi car quand tu pars à 15 ans de chez toi, à 5hde chez papa / maman, il faut grandir et se débrouiller un petit peu tout seul. J’ai rencontré de supers personnes là-bas, on a été très bien accueillis et rugbystiquement, ça a peut-être été les années les plus marquantes car tu commences à toucher le haut niveau donc, forcément, ça commence à être parfois dur et parfois plus facile. Il faut arriver à trouver le juste équilibre entre une vie perso et le fait de vouloir avoir une carrière de rugby donc ça a été très, très formateur. J’ai eu la chance ensuite de pouvoir rejoindre Montpellier sur mes années espoirs, c’était plutôt un choix extra-sportif au début car j’avais envie de retourner dans le sud et Montpellier nous offrait la possibilité de pouvoir continuer mes études sur une école de commerce et c’était le choix N°1 que je voulais faire. Du coup, en allant à Montpellier, j’avais vraiment pour ambition de juste jouer en espoirs et de continuer à être formé mais avec le jeu des blessures et des formes, j’ai eu la chance de côtoyer les pros du groupe professionnel avec Vern Cotter pendant six mois. Pour un gosse qui regarde le rugby à la télé depuis tout petit, ça a vraiment été le rêve absolu de côtoyer des champions du monde comme François Steyn, Ruan Pienaar, des stars du club comme Benoît Paillaugue, Fulgence Ouedraogo et toutes les stars montantes actuellement comme Momo Haouas, Arthur Vincent, Thomas Darmon. Tout ça a vraiment été très, très formateur, j’ai été très bien accueilli, j’ai quand même eu la chance au mois de Janvier de connaître mes premières minutes en Top 14 contre le Stade Français. C’est vraiment un souvenir qui restera à jamais gravé dans ma mémoire que de pouvoir suivre le groupe pendant l’épopée jusqu’à la finale malheureusement perdue contre Castres en 2018. Tout ça restera mes plus beaux souvenirs de rugby mais malheureusement, comme je te l’ai dit, j’ai connu une blessure, un coup de pas de bol puisque j’ai été opéré d’un kyste et que j’ai mis du temps à revenir. J’ai un peu laissé passer le train et le wagon et, du coup, mon séjour dans l’Hérault s’est un petit peu écourté à cause de ça.

Après ça, tu vas à Trélissac. Sans revenir sur le contexte économique et extra sportif, tu as surtout vu ta carrière se percuter avec le Covid, 5 matchs et le championnat s’en va pour une saison qui était par terre, une saison quasi blanche. Dans ta construction personnelle, après avoir subi une blessure, arrive ce fait qui ne pouvait pas être appréhendé à l’avance entre le Covid et tout le contexte qu’il y avait à Trélissac. J’imagine que ça t’a aussi permis de te construire en tant que joueur en te disant » une carrière, une saison, ça ne tient pas à grand-chose » ?
Avant de partir à Trélissac, j’ai fait une petite boucle et je suis repassé par chez moi pour rejoindre les espoirs de Provence Rugby où j’ai clairement voulu juste reprendre du plaisir et goût à ce sport après un an et demi de galères et une cicatrisation un peu compliquée. Là, j’ai rencontré Yannick Osmond qui m’a vraiment remis sur pied, avec qui on a eu beaucoup d’échanges et qui m’a vraiment redonné goût à l’envie de jouer et de me dépasser dans ce sport. Sur plusieurs discussions, il m’a dit » tu devrais trouver un club où tu peux prendre du plaisir et t’amuser » et j’ai eu la chance à l’époque que Mathieu Queheille, qui était l’entraîneur de Trélissac, m’appelle. Au début, je ne savais même pas où était Trélissac sur une carte mais le feeling est très, très bien passé, il m’a donné de bons mots pour me donner envie de les rejoindre mais aussi pour me rassurer car, évidemment quand tu passes un an et demi sans jouer, tu n’as plus trop de repères et tu n’es pas forcément le même joueur. Du coup, j’ai rejoint Trélissac qui a été une aventure humaine très forte avec la rencontre de beaucoup de très, très gentilles personnes que j’aimerai mettre en avant comme Mathieu, Bernard Daudou, l’intendant du club qui est une personne extraordinaire. C’est aussi une rencontre avec des joueurs très attachants mais malheureusement, comme tu l’a dit, il y a eu ensuite eu ce fameux Covid et on n’a pas pu beaucoup jouer, juste 5 matchs avec en plus le contexte économique du club. C’était encore » un coup dur « , un de plus car après un an et demi sans jouer, tu vas dans un club où tu ne peux jouer que 5 matchs dans la saison, c’est toujours compliqué mais je n’ai jamais baissé les bras, je crois toujours en moi. Je vais faire aussi un clin d’œil à Clément Iarussi, notre capitaine de Rumilly avec qui on a passé toute la saison arrêtée à aller courir, à fendre du bois, à faire de la montagne pour rester prêts physiquement si un club nous appelait et on a eu la chance que Rumilly nous appelle. Cette période a été bénéfique car quand tu ne peux pas jouer au rugby, il faut se concentrer sur autre chose, on a pu bien travailler pendant cette période-là et on a été récompensés par un appel de Rumilly ce qui nous a vraiment fait très plaisir.

Après quasiment trois saisons de galères, tu arrives à Rumilly et tu joues enfin une vraie saison en entier avec en plus une épopée humaine et sportive puisque vous allez jusqu’en en play-off où vous faîtes un super parcours. J’imagine que pour toi, ça a été une bouffée d’oxygène ?
Oui, comme tu le dis. J’arrivais un peu sans repère après deux saisons un peu galères mais les coaches nous ont tout de suite rassurés, nous ont mis dans le bain et nous ont aussi expliqué pourquoi ils nous avaient choisis. On a été super bien accueillis ici en Haute-Savoie par les joueurs, les supporters et même par les partenaires. J’ai un double emploi en étant chargé de communication pour le club, il a donc forcément fallu appréhender très vite le club et prendre le projet en main, grâce au président Frédéric Moine qui, je pense, fait un travail très, très conséquent pour structurer et développer le club. On a vraiment été accueillis à bras ouverts par cette équipe et on a tout de suite été mis dans le bain par la réception, je me rappellerai toujours du premier match à domicile contre Hyères-Carqueiranne, qui était un peu l’ogre de la poule, où ça finit par un match nul devant un stade quasiment plein avec une ambiance de folie et là, on s’est dit » ah ouais, on est vraiment bien tombé « . Ça a été une renaissance toute l’année parce-que j’ai pu avoir du temps de jeu, enchaîner les matchs, retrouver aussi cette sensation de pourquoi on vivait ce genre d’émotions et de pourquoi on aimait ce sport. Petit à petit, la confiance s’est réinstallée, j’ai aussi eu la chance d’avoir un bon taux de réussite aux tirs au but l’année dernière et de pouvoir aider l’équipe à remporter des victoires précieuses. Ça a forcément été une belle réussite pour moi et on a vécu une montée, ce qui est quelque chose qui restera gravé à jamais dans la mémoire d’un rugbyman car c’est une aventure, qu’il ne faut rien lâcher de l’année. On ne nous attendait pas forcément à ce niveau et, au final, on a réussi à déjouer pas mal de pronostics et je ne remercierai jamais assez ce club de m’avoir donné la chance de pouvoir, après deux saisons de galères, me ré-exprimer à un certain niveau. On le voit chaque année, la Nationale 2 et la Fédérale 1 ne cessent d’augmenter et pouvoir jouer à ce niveau est quand même une vraie bouffée d’oxygène pour moi.

Cette année, découverte de la Nationale 2 avec Rumilly, une découverte qui n’a pas commencé sous les meilleurs auspices puisque ça a été compliqué sur les 5 premiers matchs où vous avez enchaîné 5 défaites. Petit à petit, vous vous êtes fait au rythme, vous êtes re-rentrés dans le rang et pour l’instant, vous pouvez encore ambitionner une aventure printanière car avec un match en retard et 3 matchs à jouer, vous pouvez encore vous qualifier en play-off. Il faudra quand même faire attention car derrière, le maintien n’est pas non plus acquis ?
Exactement. On ne va pas trop parler du passé mais c’est vrai qu’on n’a pas commencé la saison de la meilleure des manières, il y a eu du turn-over et le temps que les choses se mettent en place, d’assimiler toutes les consignes des coaches et de se mettre en route, on a eu un démarrage un petit peu plus tardif. On a retrouvé cette âme sur la fin d’année 2022 et le début 2023, de ce qu’était le rugby à Rumilly, cet ADN qui nous fait gagner des matchs, on ne lâche jamais rien, on est soudé, on arrive à remonter des scores comme à Beaune où on est mené 21-5 à la mi-temps et qu’on arrive à remporter ce match, des matchs que l’on pensait être pliés. On a vraiment cette bande de copains qui ne lâchent jamais rien et c’est sûrement ce qui va faire notre force pour cette fin de saison même si, comme tu l’as dit, on a un peu » le cul entre deux chaises » entre regarder derrière et regarder devant, même si nous, on s’interdit de regarder derrière. Maintenant, on aborde chaque match comme un match de phases finales, un match à élimination directe, on va prendre le temps de construire nos matchs et j’espère qu’on aura une belle récompense au bout. De toute façon, on a encore 3 réceptions sur 4 matchs et ici, comme tu as pu le voir, le public joue aussi un rôle très important et au début, malgré les défaites et les matchs un peu compliqués, on ne nous a jamais lâché. Aujourd’hui, le stade est encore plein, les repas sont pleins à tous les matchs donc on sait qu’on va être poussés et qu’on aura ce supplément d’âme qui, je l’espère, nous fera avoir une belle surprise à la fin de l’année qui viendra récompenser le travail de toute une saison du groupe et surtout du staff car ils ont aussi beaucoup, beaucoup bossé. C’est leur première expérience en tant qu’entraîneurs ensemble ici et j’espère que pour eux et surtout pour nous, on va pouvoir se récompenser par une belle place à la fin de l’année.

Qu’est-ce qui, pour toi, caractérise le plus ce club de Rumilly ?
C’est une question compliquée car, pour moi, il y a beaucoup de choses qui le caractérisent. Il y a déjà son passé glorieux, quand on parle de Rumilly, c’est quand même de belles épopées et de beaux souvenirs, on voit qu’il y a un public de connaisseurs avec d’anciennes gloires et c’est toujours plaisant d’avoir un stade avec des gens qui connaissent vraiment le rugby. Moi, ce qui m’a frappé, c’est l’attachement qu’il y a dans ce club, on ne peut pas faire grand-chose le dimanche à Rumilly à part venir au stade, c’est le rendez-vous hebdomadaire des gens et les gens sont d’une gentillesse et d’un attachement rares. Comme je te le disais, on a vraiment été accueillis les bras ouverts par l’équipe et par les gens ici et c’est vraiment marquant de ce club où on t’accueille les bras ouverts et où on te pousse, que ce soit dur ou facile. On a quand même des supporters qui sont venus à Marcq-en-Barœul et à Graulhet, qui ont fait les très longs déplacements l’année dernière à Marmande donc il y a vraiment cet attachement entre les gens d’ici et l’équipe ce qui est vraiment très, très marquant pour un joueur quand on sait que même à l’extérieur, on peut jouer devant notre public. Ce qui me marque aussi, c’est qu’ici, ce qu’on ne dirait pas, c’est une terre de rugby et le dimanche, les gens vivent pour ce sport. Rumilly m’a donné une seconde chance de m’exprimer, à moi, maintenant de leur rendre, en ne me posant plus de questions et en donnant le meilleur de moi même chaque fois que l’occasion se présente.

Question décalée : est-ce que tu es plus rapide que Léo Angelier et vas-tu faire un relais 4×100 avec lui aux JO 2024 à Paris ?
(rires). La vitesse n’est pas forcément mon point fort mais vu ses performances et ses records, je peux me rapprocher de lui doucement et sûrement. Quant à la question du relais, on va déjà le laisser bien se remettre sur pied et je te propose qu’on fasse plus un relais de natation ou un relais pétanque, on sera meilleurs que sur un relais en course (rires).

Merci et on te souhaite une belle saison avec le RC Rumilly Savoie
Merci.

Propos recueillis par Loïc Colombié

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