Véritable personnage emblématique et fil conducteur de plus d’un demi siècle de rugby au pays des mégissiers, Pierre Cathalau nous a narré avec sa verve et sa passion caractéristique son amour pour les rouges et noirs. A 67 ans, le pharmacien de la cité du cuir a tout connu au SCG. Joueur, dirigeant, accompagnateur, président, ambianceur de vestiaire, ce tarno-gersois est un véritable couteau Suisse indéboulonnable des épopées graulhetoises. Entre admiration pour la légendaire équipe des années 70-80, anecdotes truculentes et vision sur le futur du club centre tarnais, Pierre Cathalau nous a amené dans un voyage au cœur de la petite et de la grande histoire de Graulhet. Un récit passionnant qui fleure bon les valeurs de l’ovalie .

Graulhet, le maillot rouge et noir et toi, c’est une histoire d’amour qui dure depuis combien de temps ? 40 ans ?
Ouh là, 40 ans, non. J’ai 65 ans, j’ai dû rentrer à l’école de rugby à Graulhet quand j’avais 7 ou 8 ans avec toute la tribu des Durand, Pauthe et compagnie donc ça fait quand même un bout de temps.

Plus d’un demi-siècle ?
Voilà, on va parler comme ça, tu as raison.

On le sait, cette école rouge et noire est plus que le club d’une ville, c’est le club d’un territoire. C’est une grande famille qui fonde les hommes de demain et qui laisse des valeurs imprégnées ?
Tout à fait, dans les valeurs du rugby que l’on a connues nous quand on a commencé puisque nous avions déjà une grosse équipe qui avait été fondée sous l’ère de Batigne, de Camille Bonnet plus ensuite tous les entraîneurs charismatiques qu’il y a eu à Graulhet, les Rouzières, les Auriol, les Bellot, même le père Sanz qui était passé et dont on parle encore. On a tous été forgé à l’image de cette équipe dure qui évoluait à cette époque-là, quand on a commencé nous, on allait tout le temps voir les grands s’entraîner et pour nous, c’était magique de voir cette équipe qui arrivait à torpiller tout le monde le dimanche. Quand il y avait des affiches avec des équipes comme Toulon, Dax, Brive, Graulhet et des matchs entre deux équipes comme ça, tu étais sûr qu’il y avait de la démonstration de force sur la pelouse. Pour nous, ces gars-là étaient des héros, c’était notre passion.

Et puis chemin faisant, en grandissant, tu as commencé à côtoyer l’équipe première avec cette équipe de Graulhetois qui était vraiment empreinte et à l’image de cette cité du cuir. Le surnom des Mégissiers n’est pas une légende mais vraiment parce-que vous étiez une cité industrielle avec un gros ADN ?
Oui, il y a avait cet ADN qui était bien imprégné chez chacun. Au sortir des juniors, pour moi, tu comprends bien que c’était de la figuration, très sympathique d’ailleurs mais quand tous les gars comme Gérard Durand, Pauthe, Gonthier, Icart, Montels, même s’il était un petit peu plus jeune, Eric (Montels), grand N°8 graulhetois, ils ont vraiment commencé à marquer eux aussi le club de leur identité. C’était toujours l’équipe des Mégissiers mais on reconnaissait dans ces jeunes de grosses valeurs qui ont permis d’amener jusque dans les années 85 / 87 sur des quarts de finale ou des demi-finales, perdus à chaque fois contre le Stade, mais c’était le haut du panier.

On peut dire qu’à l’époque, même si tu étais partie prenante de cette équipe, tu étais un peu comme on appelle maintenant dans le jargon moderne, un » ambianceur de vestiaire » et de 3e mi-temps ?
Peut-être, oui, tu as trouvé le terme, un ambianceur de vestiaire (rires). J’étais tout le temps dans les vestiaires en train d’écouter, ça me plaisait d’être aux côtés des joueurs, d’entendre les motivations des entraîneurs que ce soit » Papy Bellot » ou Henri Auriol. C’était prenant et puis, ça devient un rituel, que ce soit à Graulhet ou à l’extérieur, il y avait toujours des moments de frissons. Ce qui te gagne dans les vestiaires, tu l’as après toute la partie.

Un jour est venu que les légendes du rugby graulhetois en tant que dirigeants, les Batigne, Bardou, Roumegoux t’ont demandé de franchir le pas et de devenir toi aussi dirigeant ?
Le rugby m’a tellement donné et peut-être aussi que, comme tu le dis, par les relations que tu as dans le rugby, à Graulhet ou ailleurs. A l’époque, quand on te disait » il faut aller à Montchanin, au Creusot, à Bourg-en-Bresse » et bien, tu allais un dimanche à Bourg-en-Bresse et quinze jours après, tu partais à Chalon-sur-Saône mais personne ne rechignait, c’était comme ça et c’était pareil pour toutes les équipes du territoire. Ce qui fait râler aujourd’hui, c’est qu’on se retrouve nous à faire 12 000 kilomètres alors qu’on n’en aurait fait 6 000 dans l’autre poule parce qu’il n’y a aucune équité dans ce championnat d’aujourd’hui tandis qu’avant, tu attendais ta poule et tu faisais avec les gars de la poule. Ça nous a permis de connaître du monde, peut-être pas dans la France entière mais dans la France entière du rugby, oui. On pouvait aller à Vichy, on connaissait du monde, on pouvait aller à Brive, évidemment qu’on connaissait du monde, idem au Racing et à la Rochelle, encore plus à Saint-Jean de Luz et à Auch et dans le Gers autant que dans l’Ariège ou dans le pays Catalan.

Comment s’est fait ce passage de » joueur ambianceur » à dirigeant ? Comment est-ce que le président André Roumégoux a t’il réussi à t’attraper dans ses filets ?
Ce n’est pas compliqué. Un soir de déplacement, le président Roumégoux m’a dit » toi, maintenant, ça suffit, tu vas venir au comité directeur « , j’ai répondu » bien Mr André Roumégoux « , il a rajouté » et ce soir, c’est toi qui payeras le repas « . Quand tu étais en déplacement, il y avait toujours un dirigeant qui était là, il y avait aussi les repas qui étaient payés par le Sporting mais quand on était à Graulhet ou dans le coin, mais là, comme on était en déplacement, on avait dû s’arrêter sur une aire d’autoroute car, à l’époque, personne n’était pressé de rentrer. J’avais donc eu droit à ça, quant à la présidence, c’est simple aussi, il y avait un poste vacant et je me trouvais au stade dans les préfabriqués le jour où Maurice Bardou est passé avec Jean-Louis Lafitte, qui était déjà son chauffeur, en disant » tiens, je te présente le futur président « . Comme on a quand même avec Maurice des liens qui sont assez anciens et assez forts, il m’a dit » tu vas faire comme ci et comme ça, tu vas venir me voir, tu seras président » et ensuite, l’idée à trotté. J’étais assez prêt à l’idée de partir président car on avait été 5 à être présidents ensemble mais je n’avais pas un grand rôle et, à mon avis, quand tu veux être président, il faut être seul parce qu’au moins, tu prends les décisions. Il faut prendre des décisions réfléchies mais par contre, il faut être bien épaulé et c’est ce que je me suis appliqué à faire quand j’étais président. J’ai eu la chance de voir revenir Jean-Luc Cathalau sur Graulhet, qui a été très, très précieux en tant que secrétaire et un gars sur qui on peut toujours s’appuyer et les jeunes qui ont pris le relais aujourd’hui le savent bien qui est Bernard Rivière, très important. On sortait de la fusion loupée avec Gaillac et, après maintes réunions avec les dirigeants de Gaillac, avec Hubert Mauillon en tête, quand on a eu fini et que l’histoire s’est terminée, un gars très, très appréciable et très riche comme personne, Jacques Dary, m’a tapé sur l’épaule et m’a dit » écoute, si jamais tu as besoin de moi un jour, tu m’appelles » et je lui ai répondu » Jacques, je t’appelle tout de suite, tu viens avec moi « . C’est donc un gars qui est venu et qui est remarquable, le genre de gars qui ont de vraies valeurs, des gens comme on les aime, il n’y a pas une embrouille, tout est vrai, quand tu te tapes dans la main et bien, tu te tapes dans la main. Tout ça assorti d’une personne qui était à la communication et au partenariat qui s’appelle Sonia David qui a fait beaucoup, beaucoup, beaucoup à ce moment-là au Sporting, c’est elle qui ramenait pratiquement tout le budget à elle toute seule, c’est de là que sont nés les Jeudis Entreprises. Ça, c’était la base et après, on a eu le projet Horizon 2013 avec Xavier Blond, qui est un ami à moi, un ancien du Racing qui avait pris une année sabbatique et était allé faire une fac de sport à Limoges où ils passent tous mais pas que des rugbymen. Il avait besoin d’avoir un club support pour rendre son mémoire de sport et il a choisi Graulhet, c’est là où on a fait un projet Horizon 2013 qui était plus important puisqu’on parlait déjà de ce qui a été après le centre éducatif multisports, qui existe toujours. Là, j’ai connu Pascal Salvetat , un gars d’un gros potentiel, et qui s’est mis avec Christophe Delfaut, que tout le monde connaît, sur ce projet-là, Christian l’a ensuite porté tout seul pendant un moment puisque je crois qu’il a pris sa retraite l’an dernier. Tout ça était d’une intensité rare, il y avait des projets qui fusaient de partout, des gars qui étaient à l’œuvre de partout, il fallait rentrer des ronds et, de l’autre côté, avoir un projet sportif qui tienne la route donc on avait un projet sur la durée. Quand je suis arrivé, le gros point positif aussi au niveau sportif a été la connaissance de Philippe Perrault, un entraîneur qui était avant-gardiste et qui avait déjà des idées, l’histoire s’est mal finie, enfin, pas mal finie mais ça ne passait plus entre Philippe et le groupe tel qu’il était. On a eu Philippe Perrault, Raymond Bonnet, Patrick Rocca surtout, qui avait commencé avec Philippe Perrault, il y a donc eu de grands, grands moments avec tous ces gars-là.

Tu nous parlais de la fusion avortée avec Gaillac mais il y en avait une autre précédemment avortée, celle avec Albi. Est-ce que tu peux nous parler un peu de cette histoire ?
C’était sous l’ère Corniquet. Moi, je ne peux pas trop t’en parler mais Gérard Corniquet ayant compris que l’époque des Mégissiers était révolue puisqu’on avait connu notre période de gloire avec les mégissiers mais en tant que personnes physiques et quand le cuir a commencé à se casser la gueule, Gérard avait compris que ce serait dur et difficile pour Graulhet. Il pensait avoir une solution avec la fusion avec Albi, c’est lui qui avait traité un petit peu tout ça, je sais que ça lui tenait à cœur mais je ne m’en occupais pas trop, voire même pas du tout.

Dans ces années-là, tu as aussi fait un coup de maître en faisant venir une future légende du rugby français à Graulhet, un certain Bibi Auradou ?
Ça, ça avait été quelque chose ! Fabien Pelous était parti à Dax donc on était quand même privé d’un gabarit exceptionnel comme celui de Fabien et il fallait absolument qu’on en trouve un autre. On a quand même une stratégie qui a payé pas mal puisqu’à chaque fois, je disais » il faut aller recruter à Vic-Fezensac pendant les fêtes de Vic, il y a tout un tas de monde du rugby qui vient » et j’avais dit aux jeunes, à mon frère et à des copains à lui » dès que vous voyez un grand, vous m’appelez, il faut absolument que l’on ait un grand à Graulhet l’an prochain « . Une demi-journée après, il me dit » j’ai un grand, grand et il joue au rugby » alors je les ai suivis et puis quand j’ai vu cette tour, j’ai fait » waouh « . Je lui ai demandé s’il jouait au rugby, il m’a répondu » oui, je joue à Cahors « , on a discuté un petit moment, il m’a dit qu’il était du Havre, qu’il jouait au rugby à Cahors mais que ça ne se passait pas très, très bien et qu’il n’était pas très à l’aise. Quand je lui ai parlé de Graulhet, il a eu évidemment les yeux qui ont brillé un petit peu et il s’est dit » oui, pourquoi pas, je ferai mon possible » donc on se voit dans la semaine et il signait la semaine d’après. Disons que Bibi avait continué ses classes car il a quand même explosé après au Stade Français mais oui, Bibi Auradou a signé pendant les fêtes de Vic-Fezensac.

Tu nous parles de Vic-Fezensac et des fêtes et pour toi, après Graulhet, le Gers est aussi une terre d’attache ?
Ma mère étant gersoise, oui, c’est une terre d’attache, elle est de Gondrin qui est un petit village pas loin de Vic, à 18 km de Vic-Fezensac et où j’ai quand même passé pas mal de temps de ma jeunesse. Maintenant, partageant ma vie avec une auscitaine, je reviens dans le Gers très souvent dans l’année.

On va parler du rugby moderne. Toi qui es une véritable mémoire et un véritable fil conducteur des 60 dernières années du rugby à Graulhet, le retour de Mr Guy Laporte a aussi été fondateur pour relancer Graulhet ?
Tu sais que mon ami à Graulhet et dans la vie est Gérard Durand à qui j’avais dit » il faut que Guy prenne le Sporting, il faut que l’on ait une figure « . C’était une période chaotique, une période où on avait du mal à se faire une place et Gérard m’avait dit » mais non, Guy ne va pas venir se mouiller pour Graulhet » ce à quoi j’avais répondu » écoute, on verra bien « . Et puis, je me souviens très bien, j’ai vu Guy à Briatexte, on a parlé pendant 3/4 d’heures avant qu’il me dise » on en reparle » ce qui était déjà pas mal et tu comprends que je n’ai pas lâché l’affaire. Je l’ai revu le lendemain midi et il me dit » écoute, je veux bien mais pas tout seul « , il est donc après allé s’épauler de ses co-présidents (Pauthe, Grand et Montels) mais il a vite compris qu’il était un peu comme moi, quand tu as des idées et quand tu les as soumises à des personnes à qui tu fais confiance et qu’on te dit » on fonce « , tu prends tes décisions et tu avances. Tout le monde voyait bien qu’il avait les rênes, que Guy était LE président et tant mieux parce-que quand on sait tout ce qu’il a fait après, on n’en serait jamais là aujourd’hui d’abord si Guy n’avait pas été là et si deuzio, malheureusement après le décès de Guy, les jeunes qui ont porté le projet cette année n’étaient pas arrivés. C’est grâce à Guy en premier et aux jeunes en suivant qu’on est en Nationale 2 aujourd’hui et qu’on essaye d’y faire bonne figure.

Cette œuvre de Guy, la montée en Nationale 2 était son rêve de revoir Graulhet re-rayonner à l’échelle nationale. J’imagine que tu dois être fier de voir tous ces jeunes gars qui prennent la relève de la grande équipe de Graulhet ?
Ah oui, c’était extraordinaire ! Moi, je me suis positionné pour le maintien de Graulhet en Nationale 2 car tu as des joueurs qui ont acquis le droit d’évoluer en Nationale 2, on n’est pas invité, les joueurs l’on acquis sur le terrain, et que tu sais que c’était le vœu le plus cher de Guy d’évoluer en Nationale 2, et on a discuté avec Jérôme Montbroussous en premier, c’est un peu comme mon fils, je le vois tous les jours et on a un peu des débriefes toute la journée. Dans une période qui était aussi tumultueuse qu’à ce moment-là, quand il m’a dit » OK, il faut que l’on parte avec un projet « , il a écrit son projet qu’il l’a soumis à Romaric Maurel, ils ont monté leur équipe avec Julien Pauthe, Renaud et Laure Martinet plus les gars à côté comme Richard Mallié et Mathieu Poujade. En plus, Jérôme étant ami avec Yannick Jauzion, ce dernier lui a dit » je te promets que je viendrais te donner un coup de main » et c’est plus qu’un coup de main puisqu’il a une fonction officielle au sein du club, qu’est-ce que tu veux de mieux ? Je veux dire qu’ils ne peuvent inspirer que la fierté, le respect et la fierté.

On peut dire que, pour Graulhet, Yannick Jauzion est le Guy Laporte moderne ? C’est la nouvelle égérie qui peut permettre à Graulhet de rayonner aussi dans les instances ?
Tout à fait. Je salue et je félicite Yannick car certes, il a ses enfants qui poussent mais avec tout ce qu’il a connu et tout ce qu’il connaîtra plus le fait qu’il soit un homme d’affaires, de prendre le temps comme ça de venir s’investir auprès des joueurs à Graulhet et surtout d’adhérer au projet club, car il faut souligner que ce n’est pas un projet équipe une mais un projet club, dont il fait partie intégrante. C’est le chef d’orchestre donc tu vois un peu la chance que l’on a de l’avoir.

Et toi, au milieu de tout ça, quelles sont tes fonctions maintenant à Graulhet ?
Je ne veux pas dire que j’ai soulagé Richard Mallié mais Richard étant un type qui a 400 000 idées à la seconde et qu’il était responsable du pôle communication / innovations, qu’il touche aussi aux festivités de par toutes ses activités entre les bars, les chapiteaux, les containers, tout ce qu’il peut amener, la télé et tutti quanti, je lui ai dit » si tu veux que je m’occupe de la communication et que je t’aide un petit peu sur tout ce qui est com, moi, je veux bien et toi, tu t’occupes du pôle innovations, c’est parfait « . Quand tu vas chez lui, tu sais bien comment c’est, il y a des plans partout, » qu’est-ce qu’on peut faire là, qu’est-ce qu’on peut faire là ? « , tu vois presque le stade du futur en 3D chez lui. Donc, mes fonctions sont à la communication, responsable du pôle communication.

Au soutien dans les rucks comme on dit ?
Exactement.

Comment vois-tu, rêves-tu et souhaites-tu le Graulhet de demain ?
J’irais même piquer une phrase de Jérôme Montbroussous en disant qu’il y ait un jour un Antoine Dupont qui sorte de Graulhet. Ça serait bien, ça voudrait dire qu’on est quand même arrivé à stabiliser un niveau à Graulhet car moi, je pense que le niveau Nationale 2 est parfait, très bien et on verra plus tard, donc qu’on arrive à se stabiliser là car c’est très attractif. Le projet club fait que, justement, on redonne de la force à toutes les sections en dessous de l’équipe une, je vois que les cadets sont invaincus et qu’ils attaquent leur seconde phase avec des ambitions. C’est génial quand on peut avoir des joueurs qui ont l’équipe une en point de mire car l’équipe une a un certain niveau et donc, qu’on puisse avoir de bonnes sections à Graulhet et de bons résultats dans toutes les sections.

Merci de nous avoir parlé avec ton cœur, ta passion et ton amour des rouge et noir
Merci.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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