Du côté du Bassin Aquitain, Christophe Hamacek, le manager de Langon s’épanouit dans sa nouvelle aventure en Fédérale 1, après avoir coaché successivement Tyrosse, Béziers, Cognac et Rouen. Au Stade Langonnais, ce béarnais prônant un rugby total se retrouve totalement dans les valeurs du club girondin même si les joutes du très haut niveaux peuvent parfois lui manquer. Entretien avec un passionné qui pose un regard sur son parcours de coach tout en nous livrant le bilan de cette mi saison 2022-2023.

Tu as rechaussé les crampons d’entraîneur cette année et repris le tableau noir pour une belle aventure avec Langon en Fédérale 1. Après six mois d’exercice dans ce beau club de Langon, on peut dire que c’est une chose qui s’est bien faite et qui est une belle réussite ?
Effectivement, nous avons eu quelques jolies victoires avec des joueurs qui pratiquent un rugby agréable. Avec Romain Cabannes, nous essayons de mettre en place un rugby attractif et efficace. Personnellement, je retrouve un petit peu ce que j’ai vécu il y a une dizaine d’années quand j’entraînais Tyrosse qui jouait la montée en Pro D2 (1/2 finale contre Carcassonne et Béziers). Il y a beaucoup de similitudes.

Quel est le projet de jeu que vous avez mis en place avec ton alter-ego Romain Cabannes ?
On essaye de pratiquer un rugby total et donc, qui dit rugby total, dit faire progresser les joueurs sur de l’intelligence tactique, du jeu lecture ( l’intelligence situationnelle chère à Pierre Villepreux). Derrière en découle une volonté de vouloir jouer debout et donc une organisation des soutiens pour qu’il y ait de la continuité dans notre jeu. On s’appuie sur une conquête forte, on a une mêlée qui très solide et une touche qui est plutôt intéressante.

Ce projet de jeu est un peu ce que tu avais déjà mis en place à Cognac-Saint Jean d’Angély avec réussite et avec Titi Cabannes ?
En fait, que ce soit avec Romain ou avec Titi, on a la même sensibilité sur le jeu. On est des enfants du Sud-Ouest et faire une passe dans nos 22 mètres n’est pas du tout une prise de risque et, au contraire, si la défense n’est pas bien placée, c’est même très intelligent. On retrouve exactement les mêmes priorités et la même volonté de faire vivre le ballon.

Après ta dernière aventure au Rouen Normandie Rugby en Pro D2, tu as pris une année sabbatique. Est-ce que ça t’a permis de prendre un peu de hauteur, de » t’ouvrir les chakras » et de regarder ce qu’il se fait un peu partout ?
Oui, de regarder et de me rendre compte que le rugby est quand même ma passion et c’est pour ça que j’ai répondu favorablement à l’appel de Langon. Quel que soit le niveau, de la Fédérale à la Pro D2, j’aime entrainer, j’ai envie de vivre de belles aventures maintenant.

Après avoir entraîné Cognac-Saint Jean d’Angély et Rouen, où vous aviez des modes d’entraînement pro et vous entraîniez la journée, vous vous entraînez maintenant le soir, comme tu le disais, avec Langon. Là aussi, ça te permet d’étendre ta palette et d’adapter ton projet de jeu à une façon différente et distincte d’appréhender le rugby ?
Effectivement, on a beaucoup moins de temps. Il faut aussi prendre en compte que les gars bossent la journée, il y en a certain qui ont des métiers difficiles donc les mecs arrivent aussi à l’entraînement pour s’amuser. Il faut donc trouver un équilibre entre le jeu, construire des entraînements ludiques et efficaces mais surtout, bien définir les priorités qui te permettent de gagner le dimanche.

Qu’est-ce qui a changé dans le rugby depuis que tu as entraîné le grand Béziers puis Cognac-Saint Jean d’Angély ?
Il y a maintenant de staffs à avec énormément d’entraîneurs et beaucoup de datas donc, pour l’avoir vécu à Rouen, je trouve qu’on se marche un peu sur les pieds. Personnellement j’aime bien faire pas mal de choses. Dans le rugby, on a la chance d’avoir une palette variée entre la touche, la mêlée, la défense, les rucks, et c’est bien d’avoir une maîtrise totale de ces situations de jeu.

On va parler du Stade Langonnais. Vous avez longtemps été premiers nationaux et vous êtes premiers de poule donc, pour l’instant, tous les voyants sont au vert ?
Oui, c’est bien et surtout sur la manière. Les joueurs ont adhérés de suite ; ils prennent du plaisir et en donnent aussi beaucoup. On est un peu dans le dur car les conditions hivernales nous compliquent un peu notre jeu de passes et de vitesse. Mais après l’hiver viendra le printemps…

Si d’aventure, vous décrochiez une accession en Nationale 2 à la fin de la saison, est-ce que vous pourriez faire partie des clubs qui acceptent la montée en Nationale 2 ?
C’est évident, il faut être ambitieux et il faut se donner les moyens de ses ambitions. Langon est un beau et grand club. Aujourd’hui, le club est en train de se structurer pour pouvoir monter en Nationale 2 et surtout s’y maintenir.

Du coup, tu dois regarder ce championnat de Nationale 2 avec un œil vif et acéré ?
Je regarde tout le rugby et effectivement tout ce qui se fait au-dessus.

On va parler de quelque chose qui doit te toucher, ce qui est arrivé à ton ancien joueur Mikael Hygonnet qui, après une commotion, a eu des crises d’épilepsie et est sûrement un » enfant » perdu pour le rugby. On sait que pour toi, Cognac-Saint Jean d’Angély est quand même l’une de tes belles parenthèses avec une saison 2018 / 2019 où vous aviez fait trembler le grand Rouen qui allait monter en Pro D2. On va déjà te demander ton regard sur la bête blessée qu’est Cognac-Saint Jean d’Angély mais surtout sur ce qui arrive à Mikael ?
Déjà, je sais qu’il va mieux et heureusement. C’est triste, dur et violent, on ne s’y attend pas. Je suis très content qu’il aille mieux car il y a le rugby mais il y a tout le reste, la vie est belle à vivre. Ce n’est pas le seul, il y a de plus en plus de commotions dans le rugby donc c’est vrai que ça fait froid dans le dos. Quant à Cognac-Saint Jean d’Angély, c’était une belle aventure humaine avec un staff qui aimait gagner. C’est vrai qu’avec un petit budget à cette période, on avait mis en place un beau rugby, un rugby efficace puisque, si on nous n’avons pas des points en moins contre Bergerac sur une bagarre, on peut jouer la montée. J’aurais toujours le regret de ne pas avoir pu jouer et défendre nos chances sur le terrain. Comme tu l’as dit, on avait perdu d’un point à Rouen qui, cette année-là, avait un budget trois fois supérieur au nôtre.

Et la situation actuelle de Cognac-Saint Jean d’Angély qui a dû déclarer forfait face à VRDR il y a quelques semaines de cela doit aussi te faire de la peine ?
Je les suis de loin et bien évidemment que ça m’attriste. Nous avions construit un bel outil. Que ce soit au niveau sportif, des structures, on avait aussi un centre d’entraînement performant. Il y a beaucoup de sociétés à Cognac qui gagnent énormément d’argent ; malheureusement très peu d’entre elles s’intéressent au rugby et ont adhéré à cette fusion. C’est dommage car ce club pourrait facilement monter en ProD2.

Pour le moment, tu te ressources dans le rugby amateur à Langon, dans la Fédérale 1, mais on sait que tu as connu le très haut niveau en tant que joueur et en tant qu’entraîneur, entre autres à Béziers. Si d’ici 1 à 3 ans, il y avait un projet qui se présentait à toi, est-ce que tu relèverais le défi et que tu replongerais dans le monde pro ?
J’aime le rugby, j’aime entraîner, je suis un compétiteur et j’ai maintenant un peu d’expérience donc bien évidemment que tu es toujours attiré par le haut niveau parce qu’il y a beaucoup plus d’adrénaline ! Mais pour l’instant, je vais vivre de bons moments avec Langon parce-que je sais qu’on va faire des phases finales et on va d’abord commencer à vivre ça en Gironde.

En parlant du rugby de très haut niveau et du rugby pro, on sait qu’il y a des effets pervers. On te sait très proche de Christophe Urios et ce qui lui est arrivé doit aussi l’interpeller ?
Oui mais on le voit à tous les niveaux, on le ressent effectivement pour Christophe car c’est très médiatisé. Dans notre poule je sais qu’il y a 3 staffs qui ont été remerciés. J’aime dire que dans un club, les joueurs doivent jouer, les entraineurs entrainer, et le président diriger ; souvent les problèmes arrivent quand les uns ou les autres sortent de leur prérogatives… Du coup, derrière, il y a des catastrophes comme ça. Christophe est un grand manager, un bon mec, un chouette gars et ce qui lui arrive me désole personnellement. Se faire virer est un moment douloureux et violent.

Maintenant que tu es ancré dans ce club de Langon, est-ce que tu peux nous parler de sa sociologie, de comment on y vit, de comment on y joue au rugby et de comment on y vibre ?
Je m’y régale car je revois des choses que je n’avais pas vu depuis longtemps. C’est un club où il y a énormément, mais énormément, de bénévoles avec des dames qui font les repas d’après-entraînements, avec des bénévoles tous les dimanches au stade, avec du public qui vient au stade, avec de nombreux éducateurs, avec beaucoup de gamins à l’école de rugby, avec des équipes cadets et deux équipes juniors, une équipe cadette féminine, des séniors féminines … C’est vraiment un club où il fait bon entrainer, il fait bon vivre à Langon.

C’est la période des vœux donc qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Christophe Hamacek et à Langon pour 2023 ?
Qu’on vive des moments de joie intense comme seul le sport permet d’en vivre. Je veux vivre des moments avec Langon, je veux que les joueurs vivent des moments et on sait que les plus beaux moments au rugby sont les phases finales, surtout quand elles sont longues, bruyantes et colorées.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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