Du côté du stade Ernest Argelès avant le derby occitan où les Caouecs de Blagnac, 5es de Nationale, vont affronter les abeilles du Sporting Club Albigeois, 4es ont attend cette ultime joute de l’année 2022 avec envie et appétit. Pour nous parler de ce match, nous sommes allés à la rencontre de Benoit Trey, le président du Blagnac Rugby qui en a profité pour nous faire un bilan de mi saison et nous livrer son regard sur l’actualité de la Nationale et du rugby hexagonal.

On peut dire que cette année, Blagnac est en train d’arriver à maturité dans votre projet sportif en Nationale. Les deux premières années avaient été un peu plus compliquées en début de saison mais là, vous faites un début de saison rayonnant et vous êtes dans les 6 premiers. On a l’impression de retrouver le Blagnac de l’époque Fédérale 1 qui joutait avec les grosses équipes ?
Il faut rester humble, c’est un peu notre marque de fabrique. Disons qu’on est dans une bonne dynamique, on fait une bonne saison, on réalise un début de saison quasi parfait donc oui, on va dire qu’on est dans une bonne dynamique mais de là à dire que c’est à maturité, je n’irai pas jusque-là. On continue à bien travailler, à bien nous développer et à performer dans la division dans laquelle nous sommes, comme à l’époque de la Fédérale comme tu l’as dit. Cette Nationale nous va bien, on s’y sent bien et on prouver que malgré notre organisation et notre fonctionnement différents des 13 autres, on prouve qu’on existe et qu’on peut jouer les premiers rôles puisque c’est aussi un peu notre projet de jouer les premiers rôles chaque fois qu’on participe à une division.

Je parlais de maturité car, de l’extérieur, on a l’impression que, sur la première année, vous aviez un peu » payé pour voir » comment fonctionnait cette Nationale. Lors de la seconde, vous avez aménagé votre fonctionnement et cette année, on sent quand même que vous avez trouvé la bonne carburation ?
En effet, ça donne cette impression-là de l’extérieur mais pour nous, de l’intérieur, c’est plus étape par étape. On découvrait cette division puis on s’est adapté et, petit à petit, on arrive à s’y révéler donc oui, on va dire que l’alchimie est là et que, comme on dit, le groupe vit bien. La réussite sportive est là aussi, on a le bon rythme, on est fort sur les fondamentaux, on a une grosse défense, un groupe qui joue bien au rugby, qui s’entend bien entre eux, qui est sain, qui a l’amour du maillot et du club donc, comme le dit souvent l’expression, on a » les voiles gonflées « .

C’est une bonne nouvelle pour le centenaire, ça vient mettre une cerise sur le gâteau de ce beau centenaire que vous êtes en train de fêter ?
C’est toujours bien lorsque le sportif est là et réagit bien dans une saison d’anniversaire comme les 100 ans d’un club. Bien sûr qu’on est dans une dynamique positive sur l’ensemble des catégories du club, il y a la locomotive, la tête de gondole, qui est l’équipe une en Nationale puis on a les filles qui sont la 2e figure de proue donc on a nos deux équipes premières, filles et garçons, qui brillent. On a toutes les autres catégories qui suivent derrière car on n’a jamais été dans une dynamique telle que celle-là, que ce soit sur les résultats sportifs ou sur l’engouement ou en nombre de licenciés puisqu’on n’a jamais eu autant de licenciés dans les rangs du club ni jamais autant de personnes qui l’accompagne tant sur les bénévoles que sur les partenaires. On va donc dire que l’année du centenaire est une magnifique année, en tous cas une magnifique saison qu’on est en train de vivre tous ensemble, que ce soit chez les filles ou chez les garçons.

La meilleure des récompenses est peut-être aussi d’avoir quasiment une dizaine de joueuses en permanence en équipe de France dont à la Coupe du Monde qui vient de se disputer ?
Chez les filles, c’est là-aussi un projet à chaque fois basé sur le long terme. On a des ambitions, elles sont mesurées, on fait étape par étape comme pour les garçons, on prend le temps. Même si on sait parfois que ça va être dur, on préfère se dire qu’on lance un projet basé sur la formation qui va peut-être prendre 6 ans au lieu de 2. A chaque fois qu’on lance nos projets, on est donc sur des cycles très longs et en effet, pour les filles aussi, c’est un travail de sape et de long terme qui est en train de payer. Les 10 internationales sont 10 joueuses qui ont été championnes de France cadettes à Blagnac et sur les filles, c’est donc également un travail de formation et sur la durée qui est en train de payer maintenant.

Quand on voit le budget de Blagnac qui est l’un des plus petits de Nationale et votre positionnement, 5es à une journée de la trêve, ça montre qu’il n’y a pas non plus besoin d’avoir des millions pour faire de belles choses ? Avec un peu de courage, de l’huile de coude et de la franche camaraderie, on arrive à déplacer des montagnes ?
Je suis le premier à dire que quand on nous a demandé » est-ce que Blagnac veut en être dans cette division « , j’avais répondu » oui mais prenez-nous comme on est « . A l’époque, j’avais dit aux garçons, aux joueurs, » on y va et on verra bien, si vous faîtes le job, on sera derrière vous » et c’est ce qu’ils ont fait. On ne fait pas les choses comme les autres à Blagnac, ce n’est pas la course à l’armement, on est dans une sérénité, dans un apaisement et dans une vision terre à terre qui font qu’on a nos convictions basées sur la formation des jeunes, aussi bien chez les filles que chez les garçons. On se dit qu’on est dans le vrai car, en effet, on n’a pas besoin de dépenser des millions chaque saison pour briller dans les divisions dans lesquelles nous sommes. Il faut être agile, habile, à l’écoute, à l’échelle humaine, il faut avoir un projet différent, structurant et c’est ce que l’on fait puisqu’au-delà du financier et de l’accompagnement financier que l’on peut proposer à nos joueurs ou à nos joueuses, on propose autre chose. On a une commission emplois et formations qui permet de leur trouver des boulots, des emplois, des CDI ce qui fait que nos joueurs et nos joueuses sont bien en place dans leur club et dans leur ville, ils ont un métier, des amis et la famille à côté. On a donc cet esprit et on compense le côté financier que l’on n’a peut-être pas par tout le reste à savoir l’accompagnement extra-sportif ainsi que l’amour du club et l’amour des gens.

On sait que l’objectif premier de Blagnac était le maintien et, quand on voit le nombre de points que vous avez, vous n’êtes pas loin d’avoir mathématiquement acquis le maintien. L’appétit viendra sûrement en mangeant et vous allez viser plus haut et de vous pérenniser dans ces 6 premières places ?
En effet, l’objectif cette saison est encore de rester dans cette division et de faire au moins la même saison que l’an dernier. Pour l’instant, pari réussi mais encore une fois, on parle d’humilité car l’an dernier à Noël, on était 6es aussi, on était qualifiables et puis on a eu un mois de Janvier et Février difficiles et dantesques qui ont fait que, finalement, on est redescendu dans le classement. Donc, encore une fois, étape par étape, beaucoup d’humilité, pas de projections trop hâtives, du boulot, match après match comme on dit. Peut-être qu’effectivement, on est en meilleure posture que l’année dernière pour peut-être jouer une qualif mais on n’en est pas là. Pour l’instant, on savoure et on se régale de ces bonnes performances avec ces garçons qui nous étonnent de match en match et on les accompagne comme on peut avec notre énergie. Il faut souligner non pas des exploits tous les week-ends mais les magnifiques performances qu’ils nous font qui prêtent à rêver. Bien sûr qu’on regarde toujours en haut et que jouer le maintien chaque année serait un manque d’ambition et là, on peut dire qu’on peut peut-être rêver à une qualif mais on verra bien, on n’en est pas là. Il y a encore un long chemin, la Nationale est un marathon, on n’est qu’à la moitié de ce marathon et il en reste encore donc on va dire match après match.

On va aussi parler du match de ce week-end, un derby occitan face à Albi, une équipe que vous connaissez bien puisque ça fait maintenant 4 ans que vous les jouez chaque saison. On sait que vous avez battu le Sporting Club Albigeois à l’aller et là, vous allez arriver au Stadium avec déjà l’ambition de finir en apothéose cette année 2022 et peut-être de montrer à tout le monde qu’il faudra compter avec Blagnac tout au long de la saison ?
C’est le slogan que reprennent les joueurs dans le vestiaire et d’ailleurs, ils nous sortent à chaque fois la chanson » on ne lâche rien « . Évidemment qu’aucun match n’est laissé de côté, on les joue tous pour les gagner et c’est aussi ce qui fait notre force. Même si la saison est longue et même si les blocs s’enchaînent, on a fait en sorte d’avoir un effectif avec nos jeunes, un recrutement ciblé, intelligent et malin et des cadres anciens qui sont là et qui eux aussi nous font une saison hors norme, on est capable de gagner partout. On se l’est dit donc oui, on va dire qu’on joue tous les coups y compris chez les gros donc on ne laisse passer aucun match et Albi non plus. On va y aller avec nos armes mais on sait très bien qu’Albi fait partie des grosses écuries de cette Nationale et qu’ils ont des ambitions autres que les nôtres, en tous cas hautes. On sait qu’on va être reçu, que ça va être dur, que c’est une équipe qui est en place et qui s’entraîne 4 fois plus que nous mais, en tous cas, on va faire le maximum pour faire quelque chose à Albi.

On va maintenant parler des sujets d’actualité, entre autres de Cognac-Saint Jean d’Angély qui après avoir joué contre Alb, après avoir eu pléthore de blessés et après avoir vécu une saison noire avec 12 défaites en autant de matchs, a été obligé de déclarer forfait face à Valence-Romans Drôme Rugby. En tant que président, que penses-tu de cette histoire et est-ce que ça te donne des éléments de réflexion car ça peut très vite arriver à n’importe quel club qui manque de profondeur de banc ?
Bien sûr que ça nous a étonné et interpellé. Je leur envoie tout mon soutien et je n’aimerai pas être à leur place, c’est vraiment une saison noire, ils enchaînent les pépins plus ou moins graves et, en effet, l’annonce de leur forfait a été vécu comme une grosse surprise chez nous. Ça a été un peu un électrochoc en se disant qu’une spirale négative peut arriver dans tous les clubs, la leur est dure et difficile, ce sont des amis et on ne le souhaite à personne et en tous cas pas à nos amis. Tout mon soutien pour eux dans cette période difficile, je ne juge pas leur décision, je n’ai pas les éléments pour le faire et je ne me le permettrai pas, s’ils ont pris cette décision, c’est que c’était la meilleure pour eux donc je la respecte. La question que ça amène, c’est par rapport au championnat et pour la suite du championnat, par rapport à leurs problématiques actuelles, est-ce qu’ils pourront continuer ? Est-ce qu’il y aura d’autres forfaits ? Ça nous interpelle mais il est trop tôt pour en tirer les enseignements et à part leur amener notre soutien car, quelque part, on est dans le même bateau, ça m’amène des questions. On n’aura pas les réponses maintenant mais ça nous interpelle.

Il y a deux semaines s’est tenu un séminaire à la Fédération Française de Rugby autour de Patrick Buisson, le vice-président du rugby amateur, où tous les clubs étaient conviés et où ils étaient quasiment tous présents à l’exception du Stade Niçois. Qu’est-il ressorti de ces débats et est-ce que le séminaire a été productif ?
A chaque fois que la Fédération réunit les présidents, on est dans l’échange et la construction ce qui a à nouveau été le cas lors de cette réunion. Elle permet d’échanger les bonnes pratiques, de nous connaître mieux, notamment pour ceux qui viennent de nous rejoindre. C’est toujours intéressant de nous réunir comme cela dans un esprit de co-construction qu’il faut garder car c’est quand même le point de vigilance que j’amène à chaque fois en disant que cette division a été co-construite avec les 14 clubs qui ont participé en tant que pionniers il y a trois ans lors de sa création. Il faut que l’on garde cet esprit de co-construction, d’échanges, de votes de chaque décision qui auront un impact sur le fonctionnement de la Nationale à l’avenir. Il faut que ce soit co-échangé, co-discuté et co-validé et que ce ne soit pas le fait d’un seul homme ou d’une seule entité, c’est vraiment dans cet esprit-là, que l’on garde bien sûr, que cette Nationale continuera de briller. Cette division est une véritable réussite, tout le monde est d’accord pour le dire et il faut donc que l’on puisse se réunir très souvent comme on l’a fait là et même encore plus souvent pour échanger sur des sujets divers qui impactent et qui ont un impact positif sur cette division.

Quels ont été les 2 / 3 grands axes des débats lors de ce séminaire ?
On a échangé sur la télédiffusion, sur le fait qu’on est maintenant un diffuseur et donc sur les premiers bilans, les premières projections et les enjeux à venir de cette télédiffusion. On a aussi échangé sur l’arbitrage, sur les centres de formation, sur le fait que la Fédération a également besoin de se structurer pour mieux accompagner ces clubs de Nationale et de Nationale 2 avant le lancement d’une consultation auprès des clubs concernés pour avoir un peu une vision de leurs besoins à venir. La problématique actuelle est qu’il n’y a que 5 salariés de la Fédé qui s’occupent des 1 800 clubs sur l’aspect compétitions et l’objectif est qu’il y ait une véritable mini-ligue en gros, qui restera bien évidemment sous le giron fédéral, avec un service dédié marketing, communication, juridique et le reste pour les clubs de Nationale et Nationale 2 à l’avenir car il y a des besoins qui sont beaucoup plus importants sur ces divisions-là en termes d’infrastructures, d’accompagnement et autres. Il est aussi question de cahier des charges d’accueil et d’organisation, chaque club est en ce moment visité par des délégués sécurité qui viennent amener leurs conseils et leur vision sur comment mieux accueillir le public et les clubs. Va en découler un cahier des charges officiel d’organisation pour les matchs de Nationale. On a aussi parlé de l’organisation de la finale et du fait que la finale de Nationale doit rester dans le giron nationale à savoir que, et c’est un peu mon credo, la finale doit être organisée par un club de Nationale.

Et pas par Carcassonne ou Colomiers comme ça aurait pu être le cas l’année dernière ?
Pas par des clubs de Pro D2, tout simplement parce qu’on a une légitimité. Je me suis fait brancher par des collègues présidents parce qu’on a organisé la finale Elite féminine à Blagnac puis la finale de la Nationale l’an dernier. Je leur ai expliqué que si on l’avait fait à Blagnac, c’est parce qu’on ne voulait pas que ça parte dans d’autres clubs qui ne sont pas représentatifs des divisions concernées. Si on a candidaté pour que Blagnac organise la finale Elite féminine, c’est parce qu’on est légitime et qu’on se sent légitime dans le rugby féminin, et je pense qu’on a raison. C’est pour cette raison que l’on voulait que ça reste dans un club représentatif et ça a aussi été le cas pour la Nationale puisqu’on était le seul club de Nationale à candidater et c’est l’une des raisons qui a fait qu’on ait eu l’organisation. On a donc parlé de ça, des clubs se sont positionnés, ça reste encore confidentiel mais, en gros, je peux dire que la finale sera bien organisée au sein d’un club de Nationale en Juin prochain.

On a vu que le président de la Fédération Française de rugby avait été condamné en première instance. Il a fait appel et derrière, on a vu une sorte d’hystérie médiatique voire politique. Que penses-tu de cette situation ? Ça ne fait pas du bien au rugby et, de plus, on a l’impression que de nos jours, une seule allumette et une poudrière explose ?
C’est ça, ça ne fait pas du bien à notre rugby, je suis d’accord. Moi, je pense que tout le monde s’en mêle et que trop de personnes s’en mêlent, je prône pour une stabilité à 9 mois d’une échéance mondiale à organiser dans notre pays. Je ne suis pas pour cette cabale et, encore une fois, je suis pour une stabilité et les charognards qui s’attaquent comme ça, ce n’est pas dans mon état d’esprit ni ce que je cautionne.

On te remercie pour ce point de passage au Blagnac Rugby qui fête ses 100 ans, 100 ans mais toujours fringant
Exactement et toutes ses dents (rires).
Propos recueillis par Loïc Colombié

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