Olivier Gradel, le président de l’Olympique Marcquois Rugby, qui va défier ce samedi à Pélissou le Sporting Club Graulhetois, pour le compte de la 8eme journée de Nationale 2, nous a accordé un entretien grand format pour nous parler en profondeur du club nordiste.
SC Graulhet Vs Olympique Marcquois (J8 Nationale 2) une rencontre à suivre en direct web radio ce samedi des 15h15 via Le #MagSport et LFM81

Vous êtes le président de l’OMR depuis maintenant bientôt 4 saisons. Qu’est-ce qui vous a amené à relever le défi de l’Olympique Marcquois ?
C’est un club que j’ai intégré il y a beaucoup plus longtemps que ça, j’y suis rentré comme simple bénévole car mon fils, qui a aujourd’hui 20 ans, est arrivé à l’école de rugby à l’âge de 6 ans. Je suis moi-même issu du monde sportif et d’une famille de rugbymen puisque mon père a été président du Comité des Flandres et mon grand-père fondateur du club d’Arras donc je baigne dans l’environnement rugby depuis que je suis tout petit même si j’étais un peu le vilain petit canard de la famille puisque j’ai plutôt fait du handball que du rugby dans ma carrière. Je suis arrivé au club par mon fils et on m’a proposé d’intégrer le Comité Directeur en 2013, il y effectivement eu un grand changement à partir de l’année 2016 puisqu’à cette époque, le LMR, Lille Métropole Rugby, a déposé le bilan. C’était le club qui avait l’ambition de monter en Pro D2, qui avait d’ailleurs acquis cette montée sur le pré et, suite à ce dépôt de bilan, les collectivités nous ont sollicité pour repartir d’une page blanche et construire un gros projet. A l’époque, on n’avait pas du tout vocation à cette ambition-là, on était plus un club satellite du LMR, un club qui existe depuis 1971 et qui a toujours été vers la formation de jeunes. C’est un gros club puisqu’aujourd’hui, on a près de 600 licenciés et qu’en termes d’effectif, on a toujours été le plus gros club au nord de Paris. Il y a donc eu la première bascule en 2016 où nous étions en Fédérale 3, on est monté en Fédérale 2 puis en Fédérale 1 et, grâce à notre victoire contre Oloron, on a gagné le droit d’évoluer en Nationale 2 cette saison. J’ai envie de dire que c’est un projet qui se structure étape par étape, on essaye d’avancer chaque année mais sans aller trop vite car on n’est pas sur un territoire de rugby donc on ne bénéficie pas de la chance d’avoir un socle de jeunes licenciés aussi important qu’on peut le trouver dans les départements du sud. Mais on essaye aussi d’avancer main dans la main avec la Ligue pour justement développer le nombre de licenciés sur notre territoire puisqu’on est très attaché à notre identité culturelle et à la formation de jeunes.

On a l’impression que la blessure de l’échec du LMR de monter en Pro D2, que l’implosion du LMR est encore assez profonde et que ça vous a marqué. Vous n’avez pas envie de reproduire les mêmes erreurs ?
Complètement. On va déjà dire que pendant les 2 / 3 premières saisons, entre 2016 et 2019, on ne nous parlait que de ça alors qu’aujourd’hui, on en parle beaucoup moins voire plus du tout mais on s’en inspire pour essayer de ne pas reproduire les mêmes erreurs, notamment en termes de gestion financière. Il ne faut cependant pas se cacher qu’aujourd’hui, le rugby » professionnel » est un sport qui coûte cher car, après le foot, c’est quand même le sport qui, en termes de masse salariale, propose les plus gros salaires dans le sport professionnel en France. En plus, l’autre particularité, c’est que nous sommes sur des effectifs qui sont beaucoup plus conséquents que dans les autres disciplines de sport collectif puisqu’aujourd’hui, un groupe dans un club, c’est 40 joueurs. On se doit donc d’être extrêmement vigilant au niveau financier pour ne pas déraper et Dieu sait qu’un dérapage peut vite arriver. C’est un sujet sur lequel nous essayons d’être extrêmement sensibilisés pour justement ne pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé, même si ce n’est pas facile et surtout dans un contexte où il ne faut pas oublier que l’on sort de deux années de Covid et qu’on est dans un contexte de crise économique avec un taux d’inflation qui n’est pas simple. Mobiliser des partenaires et les autres dans ce cadre-là n’est pas une mince affaire mais ce n’est pas une problématique locale, c’est une problématique nationale à laquelle est confrontée l’ensemble des clubs du territoire.

Quelle est la sociologie de l’OMR, un mix entre semi-pros et professionnels, entre pluriactivité et professionnels ? Et quel est son budget ?
Aujourd’hui, par rapport à la Nationale 2, on a un gros budget puisqu’on a 2M sur la SA et un peu plus de 500 000€ sur l’Association. On a 32 joueurs sous contrat dont 21 qui sont exclusifs, les 11 autres sont pluriactifs et après, dans le groupe des 40 joueurs, on va dire qu’on a 8 aspirants qui sont plutôt des joueurs issus du centre de formation et des espoirs et qui sont étudiants à côté. On évolue vers » de plus en plus de professionnalisme » et aujourd’hui, dans notre ligne de fonctionnement notamment sur les entraînements, on est plus proche d’un club pro que d’un club semi-pro puisqu’en fait, nos joueurs s’entraînent en journée et qu’on arrive à les libérer pour qu’ils puissent avoir une planification d’entraînements proche de ce qui se fait à ce jour en Top 14 et en Pro D2.

Vous découvrez la Nationale 2, cette nouvelle division crée par la Fédération Française de Rugby mais quand on vous entend, vous êtes déjà quasiment calibrés pour, peut-être, franchir le pas et aller en Nationale ?
On est calibré sur beaucoup de sujets à commencer par les infrastructures puisqu’on a la chance d’évoluer au Stadium à Villeneuve d’Ascq qui est un stade avec une capacité de 10 000 places et qui en plus, rentre dans le cadre de la Coupe du Monde 2023 puisque ça sera l’un des camps d’entraînement. Il est en train d’être complètement rénové ce qui veut dire que d’ici deux ou trois ans, on aura un outil comparable à des outils de Pro D2. C’est un atout exceptionnel car, au Stadium, on a non seulement un terrain d’honneur mais aussi des installations pour faire de la musculation, des salles annexes et des terrains annexes. On va dire qu’on commence aussi à être calibré en termes de planification d’entraînements, de suivi médical et d’organisation car là, effectivement, on est plus proche d’un club de Nationale voire de Pro D2 que d’un club de Nationale 2 ou de Fédérale 1. Par contre, là où on reste en gros déficit par rapport aux clubs du Sud-Ouest ou même du Sud-Est, c’est que, même si on a 50% de joueurs issus du Nord, même si on arrive à sortir des joueurs de notre centre d’entraînement labellisé, on n’est pas aussi efficace aujourd’hui que les clubs historiques du rugby français sur la formation et c’est vraiment dans ce domaine-là que l’on doit travailler, continuer à se développer et à grandir. En fait, on a un gros budget pour de la Nationale 2 mais ce budget est lissé sur deux choses, la première, c’est qu’on a un budget déplacement qui est beaucoup plus important que les autres clubs puisque, quand vous regardez notre situation géographique, on est quand même très excentré et que notre déplacement le plus proche est Dijon qui est à 500 km, on descend jusqu’à La Seyne ou Graulhet et là, on parle de 1 000 km. En parallèle de ça, quand on fait venir des joueurs de l’extérieur, ça nous coûte plus cher que si on était au cœur du Sud-Ouest car il faut souvent héberger ces joueurs-là, leur fournir des véhicules et d’autres choses. Quand on me parle de notre budget, j’ai tendance aussi à minimiser en disant qu’on a des coûts supplémentaires que les autres clubs n’ont pas et il faut les prendre en compte.

Quel est le timing pour arriver en Nationale et, peut-être, en Pro D2 ? Est-ce qu’il y a des objectifs, un timing ou un plan qui ont été mis en place ?
On s’est créé un plan à 5 ans, l’objectif est de monter en Nationale sous deux ans pour ensuite viser la Pro D2 en trois ans. Après, il y a les objectifs et il y a la réalité, on le voit déjà cette année car la Nationale 2 est un championnat de haut niveau. Moi, je trouve que sur les matchs que j’ai pu voir depuis le début de saison, c’est beaucoup plus relevé que la Fédérale 1 ou, en tous cas, beaucoup plus homogène. Tous les clubs se sont renforcés et souvent en allant chercher d’anciens pros ou des pros en fin de carrière ce qui, forcément, élève le niveau. Pour cette année, notre ambition est déjà de nous maintenir le plus rapidement possible car, on a pu le constater dans notre poule, tout le monde est capable de battre tout le monde, on l’a encore vu sur les derniers résultats où on enterrait probablement Beaune et Rumilly un peu trop vite alors qu’ils nous ont montré qu’ils seraient compétitifs. Chaque match va être disputé donc le premier objectif cette année est de se maintenir, si on peut accrocher les play-offs pour vivre une expérience play-offs car c’est toujours très sympa, on ne s’en privera pas. Par contre, on prépare surtout la saison prochaine où là, on aura l’ambition de jouer la montée mais, entre ce qu’on ambitionne et la réalité du terrain, vous le savez très bien, il faut rester très prudent et surtout très humble.

Il peut parfois y avoir un delta ?
Tout à fait (rires). On le voit dans tous les sports, ce n’est ni l’argent ni la structuration qui font tout, il y a aussi l’état d’esprit et une part de chance sinon, le PSG ou Manchester City au foot seraient déjà champions d’Europe. L’argent ne fait pas tout et ça, c’est la belle réalité du sport.

Cette Nationale qui, on ne va pas se le cacher, est une belle réussite, permet aussi de brasser des clubs émergents comme l’Olympique Marcquois à de vieux bastions historiques du rugby français comme le Sporting Club Graulhetois. Quel est votre regard sur cet adversaire du week-end ?
C’est un club historique du rugby français, on a beaucoup de respect pour ces clubs-là car ce sont eux qui ont construit le développement du rugby. C’est un club, dans l’état d’esprit et la culture, que je compare un petit peu à Oloron qu’on a affronté en barrages l’année dernière. C’était à la fois de beaux affrontements sur le terrain mais aussi de beaux échanges humains que ce soit avec le président et les dirigeants donc je pense que là, ça sera pareil. Je ne serai malheureusement pas là dimanche car on a un hommage suite au décès de Grégoire (Grégoire Boidoux, jeune joueur espoir de l’OMR, subitement décédé le 3 Novembre à 19 ans suite à un arrêt cardiaque survenu àl’entraînement, NDLR) mais j’aurais bien aimé y aller. En tous cas, j’ai beaucoup de respect pour ce rugby » terroir » car je sais que c’est lui qui a forgé l’ADN du rugby français et il faut leur rendre hommage. C’est vrai qu’aujourd’hui, c’est bien qu’on ait des clubs comme Graulhet en Nationale 2 même si je sais que ça sera probablement compliqué dans le futur car peut-être qu’à un moment, ils ne seront plus capables de suivre financièrement. C’est malheureusement la réalité de notre sport aujourd’hui qui devient très contraignant d’un point de vue économique.

Vous nous parliez de l’hommage à Grégoire Boidoux. On sait qu’être président, c’est être papa, vous êtes papa de joueurs mais surtout de tous les licenciés de ce club et j’imagine que le coup du sort qui vous est tombé dessus la semaine dernière a dû mettre une chape de plomb et un voile sur l’ensemble du club ?
Complètement. A titre personnel, j’ai été bouleversé car j’ai un fils qui a joué au rugby, qui a eu un grave accident il y a plus d’un an et qui s’en est sorti vivant mais qui a aussi failli disparaître donc j’ai vécu cette étape personnellement. Je me transpose complètement dans ce que vivent les parents aujourd’hui même si moi, j’ai la chance d’avoir mon gamin qui est encore en vie. Au niveau du club, on a tous été bouleversé car perdre un proche est déjà très, très dur mais perdre un jeune et dans des circonstances comme celles-là, c’est terrible parce-que ce n’est pas » dans le sens » de la nature et de l’histoire. Ce qui est formidable, c’est toute la mobilisation qu’il y a pu avoir, que ce soit au niveau du club, du monde du rugby et même au niveau du monde du sport en général avec les messages de soutien que l’on a reçu depuis l’annonce du décès et même avant puisqu’on espérait le sortir de là. Les obsèques ont eu lieu jeudi après-midi, ce qui va aussi contribuer à la phase de deuil car je pense que maintenant, sans oublier Grégoire, il faut que l’on fasse ce deuil et qu’on reprenne le cours normal de la vie à partir de la semaine prochaine. La vie, ce sont aussi des moments difficiles mais il faut savoir les surmonter et repartir sur de l’avant.

Si vous aviez quelques mots et quelques images pour nous donner l’ADN et les caractéristiques de cet Olympique Marcquois, quels seraient-ils ?
C’est un club vraiment familial dans l’esprit et qui essaye de cultiver cet esprit familial avec ses adhérents, ses licenciés, ses supporters, ses partenaires qui correspondent bien aux valeurs du rugby. C’est un club qui a toujours été tourné vers la formation et ça, c’est vraiment quelque chose qui fait partie de notre ADN et qu’on cherche non seulement à maintenir mais à développer encore plus fortement avec les enjeux sportifs que l’on a dans le futur. Ensuite, c’est un club qui incarne bien les valeurs des gens du Nord c’est à dire à la fois cet esprit convivial et d’accueil exceptionnel quand on accueille des gens mais également cet esprit de labeur, de rigueur, de travail et de combat. Je trouve qu’on est assez représentatif des valeurs de notre territoire et de celles des gens du Nord, ce contraste entre la convivialité et le sens de l’accueil et le côté combattant, laborieux, dur au mal qui est lié à notre histoire et à » la rigueur » de notre climat même si, avec le réchauffement climatique, on va dire qu’on a un climat qui se radoucit de plus en plus.

En clair, si on fait une synthèse, un club ambitieux mais bien ancré dans son histoire, sa culture et ses racines ?
Tout à fait, c’est bien ça.

On vous remercie pour cette interview et on vous souhaite une belle saison avec l’OMR
Merci à vous et bon match samedi.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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