Samuel Fau, le coach de l’Association sportive jeunesse Soyaux-Charente qui vient de se maintenir en D1 féminine lors de la dernière journée via une opération commando nous a accordé un entretien pour nous narrer ce parcours semé d’embûches se terminant en happy end. Après l’épilogue heureux lors de l’ultime journée de championnat face à l’AS Saint Etienne et alors que l’ASJ vit avec l’épée de Damoclès d’une relégation financière par la DNCG, celui qui a pris au pied levé en cours de saison la succession par intérim de Dragan Cvetkovic (Coach principal) , a vécu une évolution grande vitesse dans son jeune parcours de technicien. À tout juste 26 ans celui qui avait déjà connu le haut niveau aux côtés de Patrice Garrigues et Clément Galien à Albi puis au Havre en tant qu’adjoint de Thierry Huvenard voit cette expérience sojaldicienne comme une aubaine pour emmagasiner de l’expérience. Samuel Fau n’en fait plus mystère, après ce maintien acquis de haute lutte, premier fait d’arme de son parcours footballistique, il vise dans un futur proche un statut de numéro 1 dans un staff professionnel. Entretien avec un coach qui de part ses origines Tarn et garonnaise a su infuser certaines valeurs de l’ovalie comme l’abnégation et la résilience.

Tu as attaqué ta seconde saison dans le plus haut niveau du foot féminin, après un premier passage au Havre où tu avais commencé à faire tes armes aux côtés du coach Uvenard ?
C’est ça, je suis parti au Havre avec Thierry Uvenard ce qui, pour moi, a été une super expérience. On sait que Thierry est quand même un entraîneur renommé, déjà de par son diplôme, le BEPF mais aussi de par son expérience où il a œuvré pendant plusieurs saisons en Ligue 1 au poste d’adjoint d’Alain Casanova. Pour moi, ça a vraiment été une bonne année, j’ai énormément progressé et ça m’a permis d ‘évoluer donc c’était vraiment une belle expérience.

Quand l’aventure au Havre s’est terminée et que la proposition de Soyaux est arrivée, c’était un peu un changement de paradigme car Le Havre était la grosse machine et le gros budget tandis que Soyaux-Angoulême est un peu plus modeste en termes de budget ?
Il y avait ce point à prendre en compte et, à titre personnel, ça m’a permis de passer un diplôme cette année. Ça devrait le faire et j’espère obtenir la licence UEFA à la fin de la saison donc c’est une évolution à la fois personnelle et collective puisque ça m’a permis de voir autre chose et d’être pleinement dans un autre projet avec une autre dynamique et c’était intéressant.

Parle-nous un peu de ce club de Soyaux-Angoulême, de comment il est et quel est son ADN ?
C’est un club très familial plutôt sur un statut semi-professionnel qui se développe et c’est là que le travail est intéressant car il y a encore pas mal de choses pour se développer. On doit encore évoluer au niveau des structures mais on essaye d’avancer et je pense que c’est ce qu’on a fait cette saison. Certes, on a obtenu le maintien en fin de saison mais on fait tout pour se développer avec un président qui fait aussi le maximum pour cela.

L’analogie entre Le Havre et Soyaux-Angoulême est que, comme tu le disais, vous avez fait une opération maintien qui, cette année, a été réussie. J’imagine que l’expérience que tu avais acquise sur le maintien avec Le Havre t’a servi pour le vivre avec Soyaux ?
C’est certain. Depuis que j’ai commencé ma petite carrière, je suis aussi passé par Albi où il fallait aller chercher ce maintien, ce qui n’était pas facile, il y a eu Le Havre et là, on a réussi avec Soyaux. On a été en difficulté sur une grande partie de la saison avant de finir fort et d’expérience, je savais qu’il fallait être en capacité de resserrer le groupe et de continuer d’aller sur le même chemin pour aller chercher ce maintien. Ca fait quelques années que je joue le maintien donc j’ai de l’expérience sur le sujet mais si je peux éviter de le jouer l’année prochaine, ça m’irait bien.

On dit souvent qu’émotionnellement, un maintien a la même saveur qu’une montée ou qu’un titre, tu confirmes ?
Clairement ! Au niveau des émotions, je ne cache pas que sur la fin de saison, après le match contre Saint-Etienne, j’étais rincé, on a tout donné, que ce soit physiquement ou mentalement mais surtout sur l’aspect mental. J’ai passé une semaine après un peu compliquée car il est sûr que c’est beaucoup d’émotions et que nous, le staff, on ne doit rien laisser paraître mais au contraire donner énormément pour le groupe et là-dessus, il est certain que c’est beau. En plus, on a eu la finalité à la dernière journée donc c’est encore plus beau.

Cette saison va quand même être fondatrice pour toi car au gré des problématiques qu’il y a eu en interne au club, tu as pris le leadership dans le staff et c’était la première fois que ça t’arrivait. C’est une première étape ?
J’ai pris énormément de plaisir à cela. Comme tu l’as dit, j’ai pris l’équipe en tant que N°1 sur les trois derniers mois et forcément, c’est toi qui fais les choix donc il y a eu une approche un peu différente que sur le poste d’adjoint. Pour moi, c’était bien et de toute façon, je ne m’en cache pas, ce sera l’objectif premier sur les années à venir d’évoluer en tant que N°1 et sur une saison entière.

Quand c’est arrivé, en plus en cours de saison car c’est différent lorsque ça se produit d’une saison à une autre, tu n’as pas eu une petite » peur du vide » quand on t’a catapulté premier d’un coup ?
Non car, de toute façon, on était dans une spirale assez négative donc ça a permis de faire évoluer quelques points qui me semblaient importants. Je n’ai pas non plus hésité à resserrer le groupe et à faire des groupes de 16 sur des feuilles à 18 noms donc il fallait recréer une dynamique là-dessus. J’ai rapidement convoqué mon » groupe de sages » avec 3 / 4 joueuses essentielles au sein du groupe pour amener ça et après, sur l’aspect terrain, être en capacité de s’entraîner à très haute intensité. C’est un peu ce qui ressort du sport de haut niveau et moi, je reviens un peu dessus à savoir être capable de s’entraîner en semaine plus dur que le week-end. Je me doutais bien que la récompense allait tomber un jour ou l’autre car on faisait des matchs assez cohérents, on perd 1-0 contre Fleury, 2-1 contre Reims, on fait 2-0 au PSG par exemple et nos contenus de matchs étaient plutôt bons mais on n’engrangeait pas. Sur la fin de saison, on a peut-être eu des contenus on va dire moins conséquents mais on a gagné en efficacité et ça nous a permis de battre Guingamp et Saint-Etienne.

Toi qui es issu d’une ville de rugby, Montauban, on a vu sur certaines causeries que tu as mises sur les réseaux sociaux t’être servi de quelques leviers motivationnels existants dans le rugby ?
Je viens du Sud-Ouest, j’ai une famille qui suit beaucoup le rugby et moi le premier, j’adore ce sport. Chaque causerie est différente, il faut être en capacité de trouver des leviers différents pour motiver les filles et le rugby est un sport qui m’inspire beaucoup, je ne le cache pas. Même sur la fin de saison, j’ai essayé de m’inspirer de pas mal de sports autour de nous, on a fait une séance de boxe, une autre de handball, on s’est aussi rapproché du club de rugby, j’ai pas mal d’amis qui sont dans le rugby et le don de soi dans ce sport est quelque chose qui me plaît énormément.

Parle-nous maintenant du futur à Soyaux-Angoulême, de comment il va s’articuler ?
On est en période de pré-saison, j’ai rencontré les filles et il y a forcément eu des départs tout comme il y aura des arrivées. On part sur une dynamique de filles qui connaissent un peu plus la D1, la D2 et le championnat français car l’année dernière, on a eu un recrutement assez large sur des étrangères et, finalement, c’est assez dur. Il faut déjà s’habituer à la ville, à la langue puis au terrain donc ça fait beaucoup de choses et on a peu recentré le recrutement. Il y aura la reprise le 23 Juillet sur Angoulême et après, on fera un petit stage de préparation pas loin suivi de 5 matchs amicaux pour une reprise du championnat le 10 Septembre.

Avec, une fois de plus, un objectif maintien en D1 féminine pour Soyaux-Angoulême ?
C’est certain. Dans un premier temps, le maintien car on a vu les clubs qui montaient, Rodez et Le Havre qui sont des structures professionnelles donc je pense qu’il y aura de la qualité. On va se battre avec les équipes que l’on connaît bien, Guingamp, Dijon, Brest mais on sait que le haut du panier se renforce aussi, quand on voit les résultats en Ligue des Champions de Lyon et du PSG ainsi que le Paris FC qui s’est bien développé. Donc ce sera forcément le maintien dans un premier temps mais si on peut vivre une saison un peu plus » tranquille « , on va tout faire pour.

Est-ce que tu as un regard sur les deux équipes qui montent de D2F ?
Je connais bien l’entraîneur de Rodez, Mathieu. C’est une équipe assez solide en D2 avec des joueuses d’expérience comme leur capitaine Laurie Cance qui a largement le niveau D1 et, ce n’est pas un secret, une colonne vertébrale avec Sieber dans les buts qui est une bonne gardienne et ça va être solide. Pour le Havre, j’y suis passé comme tu l’as dit donc je connais la structure mais aussi les moyens et je pense que ça va être du solide. Ça va être deux belles équipes de D1 l’année prochaine et je pense que ce sera un championnat qui sera de qualité.

Parlons de toi, quel va être ton poste l’année prochaine? Tu étais N°1 par intérim la saison dernière, est-ce que tu vas repasser N°2 ?
Sûrement vu que ce sont des contraintes au niveau du diplôme donc il y a sûrement un entraîneur qui va arriver avec DES donc je vais rebasculer sur un poste d’adjoint pour une saison et après, sur les années à venir, être en capacité de postuler pour passer ce DES pour continuer d’évoluer et pourquoi pas prendre une équipe en N°1 dans le futur.

Avec ton expérience de cette année et ta connaissance du club, on peut dire que tu es N° 1,5 ?
Oui (rires). Il faut rester lucide mais je ne m’en cache pas, ça fait partie de mes motivations d’évoluer mais aussi de franchir des paliers car je pense que c’est important. Je suis de nature un peu impatiente mais ça va être de continuer encore à apprendre car je pense qu’on apprend tous les jours pour ensuite, à court ou moyen terme, être en capacité de passer N°1.
J’imagine que maintenant que tu es rompu au foot de haut niveau, tu es au courant de la lessiveuse médiatique. Il y a souvent de l’infox ou de l’intox, voire des fake news et au mois de Mars, via des réseaux un peu obscurs, on avait entendu dire que tu aurais fait un retour à l’AMTF. Et le présent et l’avenir nous ont montré que non donc, tu nous rassures, c’était vraiment une fake news ?
Ah oui, complètement. De toute façon, j’étais lié sous contrat du côté de Soyaux-Angoulême donc il n’y avait pas de discussion possible là-dessus connaissant un peu le souhait de mon président. Qui plus est, de mon avis, je pense que ce n’est pas forcément une bonne chose que de revenir dans un club où vous êtes déjà passé. Ça, c’est ma première idée et connaissant bien le président Espié, s’il y avait eu discussion, ça aurait pu être un peu plus rapide mais il n’y a pas eu matière à la discussion. Nous, on jouait le maintien et, comme je l’ai dit, j’étais sous contrat donc oui, plutôt fake news. Mais ce n’était pas la première et ce ne sera pas la dernière, comme tu le dis, c’est le monde du sport.

En parlant de l’AMTF, on sait que tu as quand même gardé un petit lien avec ce club, on t’a vu venir voir un match au printemps pendant une pause. Quel regard portes-tu sur la saison de l’AMTF et sur son futur avec un entraîneur de renom, Alain Bénédet ?
De toute façon, ça s’est assez bien passé dans tous les clubs où j’ai été puisque je fais tout pour. Tout le monde sait que j’aime beaucoup cette ville d’Albi et notamment son club, j’ai mon cousin qui y joue et qui entraîne et il est sûr que c’est un club que je suis. Pour les garçons, j’ai malheureusement suivi la descente mais je pense que, vu que la réserve monte en R3, ce serait bien que la R2 arrive à remonter en R1. Avoir cette équipe en R3 peut attirer vu que c’est du régional et ça peut être assez intéressant. Au niveau des filles et pour être honnête avec toi, je pense que ça va être une saison assez costaud vu qu’il va y avoir beaucoup de descente avec, comme tout le monde le sait, cette création de la D3. Il faudra être en capacité de performer car, quand je vois certains budgets de clubs de D2 qui se développent et ce qu’ils sont en capacité de mettre sur le marché des transferts, je me dis que ça va être relevé. Quant à l’entraîneur, c’est bien car quand on voit le parcours de Mr Bénédet, il est sûr que c’est une sacrée pioche, il faudra aussi qu’il s’habitue au public féminin qu’il ne connaît peut-être pas et ce sera peut-être sa manière de manager qui va changer mais sur les compétences footballistiques, je pense que je n’ai pas grand-chose à juger sur le profil.

Qu’est-ce qu’on peut souhaiter à Samuel Fau pour cette saison 2022 / 2023 ?
On va souhaiter du calme, de la stabilité et de la performance. Je pense qu’on est un club qui a pas mal bougé, on va essayer d’avoir une certaine stabilité et d’être en capacité de mettre en place un projet à moyen terme pour après toujours aller chercher la performance de par notre travail et assurer un maintien un peu plus tranquillement que lors de la dernière journée. Si on doit aller le chercher à la dernière journée encore la saison prochaine, on fera tout pour mais si on peut l’avoir avant, ce sera mieux.
Merci
Merci à toi.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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