Lors de la conférence de presse hebdomadaire du Sporting Club Albigeois, le manager tarnais, Mathieu Bonello est arrivé avec la sérénité du devoir accompli en qualifiant les jaunes et noirs en 1/2 finale d’accession à la ProD2. Celui qui n’avait pas fait d’un objectif intangible de la montée à l’échelon supérieur, veut que ses joueurs profitent de ce genre de moment qui n’arrivent que peu souvent dans une carrière. Fin connaisseur de cette redoutable équipe de Massy qu’il a coaché durant 2 saisons, l’ex talonneur de Castres sait totalement le défi qui attend les albigeois. Outre un hommage appuyé à son capitaine Matthieu André qui effectuera sa dernière rencontre au Stadium, Mathieu Bonello a aussi exhorter le 16eme d’embraser le Stadium pour rendre à cette 1/2 finale sa légitime ferveur .
Chemin faisant, on se rapproche à deux matchs de la Pro D2 mais pour arriver à cette dernière, il y a un obstacle, ou un épouvantail, de grande taille, le RC Massy, un club que tu connais sur le bout des doigts ?
Pour nous, c’est un match de phases finales mais on ne s’arrête pas trop sur ce qu’on a à y gagner. C’est un match de phases finales donc, forcément, tu le prépares pour le gagner mais je sais l’ogre que c’est. Oui, je connais bien ce club, ils ont fait une saison juste remarquable et ce n’est pas un hasard s’ils ont été devant pratiquement toute la saison et qu’ils ont fini avec beaucoup de marge, ça veut dire qu’ils ont écrasé ce championnat.
Malgré tout, vous arrivez en phases finales contre eux qui reprennent un peu la compétition et qui ne sont plus trop dans un climat » il faut absolument qu’on gagne les matchs pour être premiers » puisque leur chemin était déjà tout tracé. Ce n’est peut-être pas forcément l’idéal pour eux d’attaquer les phases finales dans cet état-là, justement peut-être moins compétitifs ?
Je ne sais pas, je ne me mets pas à leur place. Je sais la machine que c’est, je sais qu’ils ont des individualités fortes dans leur effectif et je ne suis pas persuadé que la situation les pénalise. Aujourd’hui, ils ont quand même eu la chance de beaucoup tourner, enfin, ils ont pu tourner car ils n’avaient non plus besoin de points. Je trouve que c’est une bonne chose d’écraser le championnat comme ça, tu te qualifies hyper tôt, tu as des points d’avance qui te permettent de jouer aussi sans pression donc, pour moi, il n’y a rien à dire sur la performance de Massy cette année. C’étaient bien eux les meilleurs.
Ce seront quand même eux qui auront la pression car vous êtes clairement outsiders et eux seront les favoris, au moins chez les pronostiqueurs. On peut qualifier ça de piégeux pour eux tandis que vous, vous allez jouer à fond cette carte ?
Non, on va jouer un match de rugby de phases finales. On a fait une belle chose la semaine dernière en se qualifiant pour les demis, c’est une belle récompense pour l’ensemble du groupe, pour tous les joueurs, pour tout le staff, l’ensemble du club, l’ensemble des composantes, les supporters, les dirigeants, la mairie, tous les gens qui nous suivent et qui ont été derrière nous. C’est une belle récompense et aujourd’hui, on prépare un match pour faire au mieux mais en tous cas, on essaye de ne pas trop analyser ce qui se fait en face car je pense que ce serait se tromper et on se concentre sur nous.
Tu connais JB Martino par cœur autant que lui te connaît par cœur. Ça va être comme dans le jeu de stratégie » Risk « , une guerre du tableau noir ?
Il est certain que je les connais bien et qu’ils me connaissent très bien aussi. Je le redis comme je l’avais dit en début d’année, c’est un club qui m’a accueilli les bras ouverts, sachant que j’y suis monté tout seul et je vais recroiser des amis. Avec JB, on a créé une amitié comme quand tu es joueur sur un terrain à savoir qu’il y a le match et ce qu’il y a en-dehors. En tous cas, j’ai beaucoup de respect pour lui car je sais que c’est une belle personne.
Comme il te connaît, le but pour lui sera peut-être de faire l’inverse de ce que ferait Mathieu Bonello et vice-versa pour toi ?
Si on va par là, oui, ça va être une guerre stratégique mais je ne le crois pas, j’essaye d’être moi-même. Ce n’est pas un match JB contre Mathieu ou l’inverse, c’est Albi contre Massy et le match appartient aux joueurs, nous, on les accompagne, chaque staff accompagne son équipe. En tous cas, quand je parle d’eux, c’est toujours en bien parce-que c’est un chouette club.
J’imagine que le mot d’ordre cette semaine a été fraîcheur dans tous les sens du terme, au niveau du climat mais aussi dans la capacité à récupérer ?
Il fait très, très chaud, les joueurs ont forcément joué sous une forte chaleur dimanche donc il faut récupérer, régénérer, nettoyer les petits bobos. C’est aussi ce qu’il y a de compliqué mais ces matchs de phases finales, c’est beau même si c’est vrai qu’on a plutôt un temps de mois de Juillet que de mois de Mai mais il faut faire avec et les organismes sont quand même plus éprouvés dans ces périodes-là avec ces chaleurs.
Il y a aussi la gestion de l’adrénaline car après une performance comme celle contre Chambéry, il y a une redescente naturelle d’adrénaline. Il faut ensuite la faire remonter pour monter en pression pour les demi-finales ?
Bien sûr mais c’est un peu différent en phases finales car les joueurs ont l’excitation de jouer ces matchs-là. Ils ont tous travaillé pour aller le plus loin possible et le fait d’avoir passé ce quart de finale leur donne de la satisfaction donc je suis persuadé qu’ils replongeront vite dedans. Mais je suis d’accord qu’il faudra vite se remettre dedans et c’est à nous, le staff, de contrôler à régénérer tout en repartant au travail pour être prêt le jour J. Mais aujourd’hui, c’est la cerise sur le gâteau.
Vous parlez de bien remettre tout le monde dans cet état-là. Est-ce qu’il y a des leviers de motivation particuliers que vous utilisez l’un ou l’autre ?
Ce qu’on utilise avec Alex, c’est qu’aujourd’hui, on n’a pas la pression du résultat et qu’il faut se faire plaisir, s’amuser, se régaler. Si vous vous rappelez bien, lors du premier discours que j’ai fait en début de saison, et même si je suis parfois passé pour un fou, je vous ai dit que l’objectif premier n’était pas la montée en Pro D2 et je ne vais pas changer aujourd’hui parce qu’on a deux matchs pour essayer de monter, pas du tout. L’objectif est toujours le même à savoir aller le plus loin, se faire plaisir, construire notre saison petit à petit et aujourd’hui, on n’a pas changé. Donc, le levier n’est pas de la mauvaise pression car aujourd’hui, on n’est pas câblé pour la Pro D2, on ne va pas se mentir. On est en demi, on est content et on agit sur le plaisir que peuvent prendre les joueurs sur ces matchs-là, pour eux mais aussi pour le collectif qu’ils ont construit avec une équipe qui a une forte âme. C’est là-dessus qu’on agit car vous avez vécu ce poids-là par le passé et c’était une obligation mais nous, on n’a pas cette obligation-là même si, on ne va pas se le cacher, on joue les matchs pour les gagner. Nous, en tous cas, on agit sur le plaisir.
Est-ce que le fait que ce soit un match aller / retour vous amène à faire plus de gestion ou pas du tout
Non, on est d’abord dans le premier match et on ne pense pas au retour. On va faire ce match et on ne peut pas dire » on gère un type pour le préserver « , ça serait une belle erreur, on prend ce premier match et point barre. On va dire qu’on ne banalise pas l’évènement de la demi-finale, pas parce qu’on se dit que c’est facile d’y aller, pas du tout. Avec Alex, on a la chance d’en avoir fait à différents niveaux et différents statuts, ou joueurs ou entraîneurs et c’est quelque chose d’exceptionnel. Par contre, on » diminue » l’événement car on veut que les joueurs ne soient pas pris par cet événement-là et si tu le mets trop devant, tu as le poids du match et nous, on veut en revenir au plaisir dont on parlait. On veut qu’ils aient ça devant les yeux plutôt que de se dire » je joue une demi-finale » mais on ne la banalise pas parce qu’on sait que, pour arriver à ces moments de saison, c’est long et c’est dur donc on est très fier de ce que le groupe a pu donner jusque-là.
Est-ce qu’il y a justement la peur d’être pris par l’émotion et débordé ?
Parfois, bien sûr. C’est toujours pareil, quand tu vas au bout et que tu vas loin, cette gestion de l’émotion est hyper importante. Quand tu as vu ta tatie ou ton tonton dans les tribunes avec trois drapeaux et que tu es pris par l’émotion, il est sûr que tu fais le match avant ou après mais pas pendant donc, il faut avoir ce contrôle-là. Il faut quand même être honnête, plus tu joues de phases finales, plus tu en as l’habitude et ça joue.
C’est aussi pour cette raison-là que tu évites d’amener les joueurs devant la presse ?
Nous, on voulait faire quelque chose de différent aujourd’hui. On n’est jamais venu tous les deux de la saison et je veux juste que les joueurs soient focus sur le rugby et rien d’autre. Je trouvais que c’était cohérent de venir tous les deux à ce moment de la saison.
Le climat et la météo vont être prépondérants, on annonce entre 35 et 38° sur Albi dimanche. Est-ce que vous faîtes s’entraîner les joueurs à l’heure du match, en plein cagnard pour qu’ils commencent un peu à s’adapter et à jouer sous ces chaleurs car ce n’est pas simple vu qu’on est passé d’une moyenne de 20° à 30° en une semaine ?
Non, on est parti du principe qu’ils ont joué deux matchs sous ces conditions-là et la semaine dernière, il faisait très chaud quand on s’est entraîné, c’est la même chaleur de 11h à 19h. Ce n’est pas qu’on est habitué à ces chaleurs mais on s’entraîne quand même beaucoup et qu’on s’entraîne à une ou deux heures près, ça ne fait pas de différence, on ne le fait juste pas à 8h du matin. Je pense que les matchs qu’on a joués vont nous aider à le supporter, même si tu ne le supportes jamais vraiment surtout quand tu es dans le paquet d’avant (rires).
Massy n’est peut-être pas habitué à ça ?
J’étais là-bas et il fait aussi très chaud et avec la pollution, c’est hyper dur de respirer. La chaleur et pas un pète de vent, ils connaissent et je suis sûr et certain que ça ne jouera pas.
On a vu de la sérénité en seconde période. Quand vous êtes rentrés aux vestiaires, est-ce que vous avez senti que les gars n’étaient pas trop affolés, même s’ils avaient pris un petit coup de bambou de voir un come-back comme ça ? Ils savaient ce qu’ils avaient à faire et ils étaient dans le plan ?
Oui, c’était aussi notre objectif de maintenir et d’être le plus transparent et honnête possible sur l’analyse de la première mi-temps donc on les a confortés dans ça. Bien sûr qu’ils avaient pris un petit coup de carafe comme toutes les équipes quand tu te dis » pfff, on en est là malgré la première mi-temps qu’on a fait « . On les a confortés et rassurés dans les bonnes choses et c’était une analyse honnête, ce qu’un joueur attend, c’est une analyse honnête du match et quand tu es entraîneur, tu dois savoir les moments où tu peux ou ne peux pas appuyer et donner de la confiance. Là, on faisait une très bonne première mi-temps, on a eu plein de faits de jeu et d’approximation pendant une période qui ont fait qu’ils ont recollé mais on était content et convaincu de l’investissement qu’on y mettait donc on est resté sur la confiance.
La Pro D2 n’est pas une obligation mais ramener le premier titre de champion de France de l’histoire d’Albi, ça aurait quand même de la gueule ?
Ce n’est pas une obligation non plus (rires).
Certes mais ça ne serait quand même pas mal
On sait tous que ce qui marque la carrière d’un joueur, d’un entraîneur, d’un club, ce sont les titres bien sûr mais on en est loin. On a une très grosse montagne devant nous et on n’y pense pas du tout parce qu’aujourd’hui, l’obstacle qu’on va avoir est ce qui se fait de mieux en Nationale.
Sur quoi est-ce que vous craignez surtout Massy ?
Quand tu as maîtrisé le championnat comme ça avec autant de points d’avance, c’est que tu n’as pas un secteur en déficit. Je trouve qu’ils ont progressé sur plein de secteurs, on les connaît, on sait très bien que le jeu est dans l’ADN du club et des joueurs, ils ont progressé dans toutes les phases statiques. C’est un très gros morceau et ça ne m’étonne pas qu’ils aient performé comme ça en étant premiers toute la saison. Ils ont réussi à y aller pour être premiers, ils ont réussi à maintenir cette cadence et quand tu arrives à faire ça, c’est déjà que tu as un effectif conséquent, car il y a des blessés comme partout, qui te permet de maintenir le niveau de l’équipe mais surtout, c’est que tu n’as pas un secteur où tu es vraiment déficient, tu as des secteurs qui sont plus forts que d’autres. Aujourd’hui, c’est une équipe que je trouve complète, j’ai passé deux ans là-haut donc je connais son ADN et les joueurs qui la composent. Franchement, je suis bien placé pour savoir que c’est une grande équipe.
On parlait des forces de Massy mais vous avez vous aussi des certitudes. On a vu la qualité de la touche défensive dimanche mais il y a aussi d’autres atouts ?
Si on est là, c’est également parce qu’on le mérite. Quand on regarde les compositions des demi-finales, ce sont les 4 premiers du championnat, il y a une logique de respectée et je trouve ça bien pour le championnat et pour la régularité. On a aussi des points forts et il faut qu’on s’appuie dessus aujourd’hui tout en élevant notre niveau car, je le dis, ce qu’on a fait par le passé ne suffira pas. On veut arriver à être meilleur car je sais qu’avec le niveau qu’on a affiché ces dernières semaines avec des hauts et des bas et sur une bonne dynamique contre Chambéry, même ça ne suffira pas donc il faut qu’on élève le niveau dans tous les secteurs de jeu.
Là, il faut quasiment sortir le match parfait ?
Vous l’avez connu même dans d’autres sports, si tu ne sors pas le match parfait, Massy gagnera les deux matchs mais c’est dur de sortir le match parfait.
Au niveau des troupes, on a vu que Théo était sorti ainsi que Maxime. Est-ce qu’on a des nouvelles par rapport à ces bobos ou est-ce en cours de rémission ?
C’est la même chose pour les deux, on leur a laissé quelques jours un peu off. On prendra la décision au dernier moment pour dimanche mais là où je suis content, c’est qu’on n’a pas de gros blessés. J’ai envie de dire qu’on fait un sport qu’est le rugby où ça secoue un peu et comme le dit l’expression, il n’y a pas d’omelette sans casser des œufs donc, pour l’instant, on est assez content de l’effectif que l’on a à notre disposition.
Après le match, on a eu Gilen Queheille en interview à chaud. Il a dit que le public leur avait aussi permis de basculer du bon côté du karma quand ils avaient eu peur. C’est pareil, le public a fait un bon match mais il faut aussi qu’il sorte le match parfait ce week-end et que ça monte encore plus en pression ?
C’est ce que je te disais dimanche, ils ont fait un très bon match mais comme nous, il faut monter le curseur et être encore meilleur. Il faut que ce public se lâche même dans les moments où on est dominé ou quand on est derrière. En tous cas, j’ai senti le Stadium pousser fort derrière nous et je leur demande de faire encore plus de la 1ère à la 80e minute, peu importe les scénarios. En résumé, il faut tous élever notre niveau (rires).
Un petit mot sur Pierre Roussel ?
C’est une bonne recrue et ça apportera aussi une plus-value à l’équipe. On est très content, c’est quelqu’un qu’on connaît, qui a de fortes valeurs et ça colle bien avec notre rugby et qu’on veut faire. Il va nous apporter toute son expérience.
Avec le départ annoncé de Mathieu André, tu fais rentrer un cadre du vestiaire, quelqu’un qui a de l’expérience, un peu un » papa » du vestiaire ?
Bien sûr, il faut renouveler, remplacer les arrêts et mettre aussi un peu de fraîcheur. Dans le rôle du leader, c’est quelqu’un qui sait faire donc c’est une bonne chose qu’il rejoigne le club mais, encore une fois, on parle de cette année et uniquement de cette année car je suis très content de l’effectif entier que j’ai.
Mathieu André fera justement son dernier match au Stadium quoi qu’il arrive. Tu peux nous parler de lui un petit peu ?
On va réserver un gros truc à Mathieu. C’est quelqu’un d’exemplaire, il a marqué le club dans sa durée, dans son efficacité et son engagement. Ça a été un fidèle et quand tu as des fidèles qui s’arrêtent et qui arrêtent leur carrière, il y a toujours un sentiment de nostalgie. J’ai eu la chance de le connaître cette année, je ne le connais pas personnellement et c’est vrai que c’est quelqu’un de très posé, qui sait prendre les décisions au bon moment et au bon endroit, qui a aussi une capacité à absorber les événements. Je trouve que ça a été un grand joueur pour le club et, honnêtement, j’espère qu’il aura une belle fin et on a essayé de mettre des choses en œuvre pour qu’il ait une belle fin. Ça sera aussi le terrain mais il est sûr que quand une personne comme ça arrête, ça laisse un vide.
Ironie du sort, tous clubs confondus, Stade Toulousain, Dax, Albi, ce sera son 300e match ici au Stadium. Pour lui, de finir au Stadium lors de son 300e match en pro, c’est quand même rêvé ? Il ne manquera que la victoire pour fêter ça
C’est juste énorme, 300 matchs, c’est énorme et puis, il a toujours été fidèle aux couleurs albigeoises quoi qu’il se soit passé. Si je ne dis pas de bêtise, il a connu toutes les épopées et ça montre son engagement pour le club. Pour ça, c’est juste dire bravo.
Propos recueillis par Loïc Colombié
Le #MagSport 