Focus sur Julien Veniat qui fait des derniers tours de piste en Isère avec le CS Vienne, l’une des 8 équipes qualifiés en 1/4 de finale de Fédérale 1. Le manager des «drapiers » va quitter le club pour relever le défi mâconnais en Nationale 2, mais fait durer le plaisir à Etcheberry, car ses gars ont acquis le droit passer un nouveau tour en se défaisant des redoutables Ariégeois de Pamiers. Le CS Vienne et son coach Julien Véniat, assurée d’accéder à la naissante Nationale 2 vont défier les grandissimes favoris de Hyères Carqueiranne La Crau dans un 1/4 de finale qui risque de valoir son pesant d’or. Entretien avec un coach qui souhaite clôturer son aventure iséroise de la plus belle des manières pour basculer avec ambition et motivation sur le projet de l’AS Mâcon Rugby.

Vous avez fait une belle perf le week-end dernier en faisant tomber Pamiers, l’un des favoris aux play-off ou, du moins, au dernier carré de ces play-off. J’imagine que tu es un entraîneur ravi et satisfait de cette performance que vous avez réalisée ?
Oui, un entraîneur fatigué mais vraiment ravi de poursuivre deux semaines de plus avec ce groupe fabuleux, ce groupe d’hommes géniaux avec qui on se régale depuis le début d’année. On a eu un passage à vide sur les 4 derniers matchs de championnat où les mecs avaient moins la tête au rugby et plus aux prolongations de contrat ou aux départs et autres. Du coup, comme depuis le début de l’année, ils ont su se reconcentrer au moment des phases finales et des matchs cruciaux et, malgré les blessures et la fin de saison de beaucoup, les mecs qui prennent le relais font le job. Il est sûr qu’on a fait une énorme performance car l’équipe de Pamiers est vraiment impressionnante, j’en profite pour remercier tous les dirigeants, les joueurs pour leur accueil à Pamiers où on a vraiment été accueillis comme des rois entre l’hôtel, le stade, les présidents, les dirigeants, la réception d’après-match. Je félicite vraiment ce club qui a un potentiel énorme, il y avait 3 000 personnes et surtout une équipe avec une identité et une intensité assez impressionnante. Ils ont des supers joueurs à tous les postes et, du coup, chapeau à tous mes joueurs car on avait bien bétonné et bien préparé mais ils ont su aller se la chercher à la 78e quand c’était plié. Mais c’est aussi révélateur de l’ambiance qui règne dans ce groupe et de tout ce que sont capables de faire les mecs.

La prochaine étape est aussi du lourd et de l’épais puisque Hyères-Carqueiranne La Crau est quand même l’épouvantail et le mastodonte de la Fédérale 1 ?
Absolument, c’est le rouleau compresseur mais là, pareil, on n’aura pas grand-chose à perdre. Entre l’intensité et la densité de Pamiers et maintenant, encore deux matchs contre Hyères-Carqueiranne, il est sûr qu’on enchaîne du très lourd. Là, on est sur du fonctionnement pro, une équipe taillée pour monter au-dessus et l’ambition d’y monter, une ambition légitime vu leur saison. On n’a pas grand-chose à perdre, on va mettre les ingrédients pour, on va essayer de passer outre la fatigue et les blessures et de donner le maximum mais il est sûr qu’en quatre semaines, on aura pris deux cylindrées assez énormes.

Et puis, on va dire qu’après deux saisons tronquées à cause du Covid, vous ne boudez pas votre plaisir de regoûter aux joies, au bonheur et même aux voluptes des play-off ?
Tout à fait et c’est ce que je dis aux mecs, qu’on ne peut pas se permettre le luxe de dire » on est fatigué, tant pis, on n’est pas passé et maintenant, on va pouvoir se reposer « . Non, ce n’est pas possible, comme tu le dis, ça fait deux années qu’on galère, que le virus plane autour de nous, qu’on a terminé avec des matchs à huis-clos à certains moments ou la saison au bout de 5 matchs. Là, on finit la semaine dernière et c’est fabuleux, on avait tous les larmes aux yeux, il y avait 3 000 personnes, on gagne à la 78e minute, il y avait des fumigènes partout et une ambiance de folie, on s’entraîne toute l’année et on joue au rugby pour ça. Toutes les préparations de matchs sont pour passer des moments comme ça et se faire plaisir mais surtout, encore une fois, on ne peut pas se permettre le luxe de se dire » on est fatigué, tant pis, on n’est pas passé « . Je leur ai dit qu’il ne fallait pas avoir de regret, de prendre tout ce qu’on a à prendre et de profiter de ces moments, on a trop galéré depuis deux ans. Je dis aussi à certains, des jeunes, des anciens qui vont raccrocher, que la carrière est tellement courte qu’on n’a pas tous les ans des moments de vive émotion comme ça. Parfois, on galère ou il y a des saisons qui finissent mi-mars, d’autres où on ne se qualifie pas ou on joue le maintien donc là, il faut en profiter. Ca s’arrêtera peut-être certainementdans deux semaines, et encore, on verra mais moi, je veux surtout qu’on prenne tous les moments d’entraînement, de bus, de tout pour en profiter au maximum. Et les 5 dernières minutes à Pamiers sont vraiment révélatrices de l’état d’esprit du groupe.

Dans tous les cas, quoi qu’il arrive, la saison est réussie puisque vous êtes montés en Nationale 2, ce qui était l’objectif que vous avaient fixé les présidents. Maintenant, ce n’est que du bonus, vous êtes un peu sans pression ?
Oui, ça n’est que du bonus et puis, certaines personnes ont peut-être oublié le début d’année quand la poule a été annoncée. Si on nous avait dit à ce moment-là qu’on allait finir 6es, jouer le barrage aller / retour de la Nationale 2 et monter, on aurait signé et finalement, on est 2e toute l’année, on fait une super saison, on s’écroule un petit peu sur les 4 derniers matchs de championnat mais on finit 3e de cette poule avec le 9e budget de la poule, un fonctionnement complètement pluriactif, aucun pro et on passe le premier tour. Moi, ce qui me tenait à cœur, c’était de redorer notre blason devant nos supporters, on voulait gagner ce match aller car on sortait de deux défaites à domicile contre Rumilly et Issoire ce qui faisait 4 défaites de suite. Et c’est vrai que les gens, et même nous, on ne se reconnaissait plus, on se disait que les mecs allaient briller pour les phases finales et nous ramener de l’enthousiasme mais, c’est une chose de se le dire et le faire en est une autre. Pour le coup, ça s’est vérifié et les mecs sont revenus avec beaucoup d’appétit et d’enthousiasme dès qu’on a basculé sur ces phases finales. Donc, évidemment que la saison est pleinement validée et réussie et maintenant, comme je te le disais, on prend tout ce qu’il y a à prendre.

Dans cette saison, j’imagine qu’il y a aussi eu des moments forts ?
Des moments forts mais aussi des moments de tristesse quand on voit certains mecs qui vont raccrocher et qui se blessent et finissent leur saison. Globalement, ce sont des moments d’émotions fortes car c’est un groupe fabuleux et humainement, on se régale tous. On s’y retrouve aussi, on sent quand il y a de l’osmose dans un groupe et quand ça se passe bien, on n’a pas envie que ça s’arrête, ce qui est le cas. Toutes les victoires jusqu’à mi-Mars plus ces phases finales où on passe du temps et de bons moments ensemble, c’est assez fabuleux et on profite, on n’a pas envie que ça s’arrête. L’aventure va forcément s’arrêter car il y a un turn-over de joueurs, je m’en vais mais ça, c’est secondaire et surtout, c’est une nouvelle aventure qui va commencer pour Vienne l’année prochaine donc on veut finir bien comme il faut avec ce groupe-là.

Quelle est l’image que tu garderas de ce club de Vienne que tu as entraîné pendant deux saisons, même si la première a été tronquée par le Covid ?
Un club profondément sain et humainement génial, des dirigeants qui ne m’ont jamais mis la pression et ont toujours été positifs, qui ont un management humain auprès de leurs employés et des joueurs qu’on voit rarement. Au-delà du management, au-delà du sportif, c’est ce qui fait que les gens se sentent bien dans le club et je remercie Claude Laynaud, le président et Yann Arnaud, le directeur. C’est à moi de faire perdurer cette ambiance et ce management auprès des joueurs mais je pense qu’on a réussi à faire un bel amalgame avec un bel effectif cette année pour se régaler.

Dans quelques semaines, tu vas clôturer la page du CS Vienne et en ouvrir une nouvelle avec l’AS Mâcon. Comment fait-on pour avoir un pied dans un projet et un pied dans l’autre ?
Je ne te cache pas que c’est infernal. Actuellement, je suis pluriactif, je suis prof donc j’ai mes cours en plus, mes conseils de classes, mes réunions parents / profs, mes entraînements / préparations de matchs, mon recrutement, pas mal de choses et c’est vrai que du coup, quand on a un pied partout et qu’en l’occurrence, il faudrait 3 pieds, on est un peu moins performant partout et c’est quelque chose que je n’aime pas trop. Ce qui est surtout infernal, c’est qu’on rate des choses, des appels, on n’est pas présent sur place à Mâcon pour pouvoir voir des choses en présentiel et donc, ce sont des choses qui sont assez délicates. On verra sur la préparation de Mâcon et sur le recrutement quand on annoncera un peu tout le monde mais globalement, je ne suis quand même pas mécontent de ce qu’il se fait, autant sur la fin de saison avec Vienne que je voulais absolument bétonner. C’est vrai qu’avec ces 4 défaites de suite en fin de saison, je ne voulais surtout pas que les gens se disent que j’avais lâché parce-que, depuis que je l’ai annoncé à Noël, ça n’a jamais été le cas. Au contraire, j’ai toujours voulu en faire encore plus pour qu’on ne puisse pas dire ça et d’avoir passé ce tour, ça le valide et les mecs me le rendent bien donc je suis très content. Et par rapport à Mâcon, on prépare ça au mieux avec André Hough qui est sur place et on essaye de faire au mieux. Mais c’est une période qui est un peu délicate et qui commence à être un peu longue parce-que ça dure depuis Noël mais c’est parce-que je le veux bien donc je ne vais pas me plaindre. Je n’ai pas envie que Vienne s’arrête et c’est pour ça que je suis ravi de passer des nuits blanches à préparer les matchs le plus tard possible mais c’est vrai que ça n’est pas très confortable d’avancer sur deux projets en même temps. On essaye d’être réglo et intègre autant avec Mâcon qu’avec Vienne et l’éducation Nationale donc on essaye de faire au mieux pour satisfaire tout le monde et surtout être droit dans ses baskets.

Heureusement que le destin t’a privé d’un Vienne / Mâcon autrement tu aurais eu le cul entre deux chaises dans cette histoire ?
J’ai eu Mâcon / Vienne en Février et j’en reviens à ce que j’ai dit, j’ai toujours voulu être réglo et droit dans mes baskets en allant gagner à Mâcon, en bétonnant le match comme je l’ai fait et comme les joueurs l’ont abordé. Je me tirais peut-être une balle dans le pied pour la qualification de Mâcon en Nationale 2 mais le destin m’a donné raison puisque Mâcon monte en Nationale 2 et nous aussi. Je n’avais surtout pas envie que les gens se disent » il a envoyé les espoirs à Mâcon et Mâcon a gagné parce qu’il y va l’an prochain « .C’était quelque chose d’inenvisageable pour moi, je n’ai pas été éduqué comme ça et je suis content que ça se soit passé de cette façon. C’est pour cela que je ne voulais pas que ces 4 derniers matchs de championnat, ces 4 défaites, viennent gâcher le sentiment des gens de Vienne et c’est pour ça que ces deux matchs gagnés contre Pamiers permettent de bien mettre les choses au clair par rapport à mon investissement, s’il y en avait besoin. Je n’ai pas eu l’impression d’être remis en question sur mon investissement après ces 4 défaites mais je suis vraiment content que ça se termine de cette manière avec ce club.

Qu’est-ce qui t’a séduit et t’a amené à accepter le projet mâconnais ? Le projet de club, le discours du président Piguet, le club en lui-même ?
Tout d’abord le discours du président qui sait ce qu’il veut. Alain est connu dans le milieu pour ça, c’est quelqu’un de passionné qui sait ce qu’il veut donc il a su trouver les arguments pour me convaincre. Et surtout, le projet pro car, comme je te le disais, je commençais un petit peu à fatiguer sur la pluriactivité où, quand on veut vraiment tout bien mener de front, ça fait énormément de travail. Comme je suis quelqu’un qui s’investit à 200% partout, c’est vrai qu’au bout d’un moment, on fatigue un petit peu. Ça fait 4 ans que je fais ça, où j’enchaîne les cours et le rugby et je veux aussi préserver ma vie de famille qui est primordiale pour moi. C’est vrai que là, on commençait à arriver à la limite donc c’est la possibilité pour moi de ne faire que ça, que du rugby dans un projet complètement pro avec des joueurs à disposition qui ne font que ça avec aussi des infrastructures, je n’ai pas peur de le dire, dignes de la Pro D2 et du haut de tableau de la Nationale. Donc, un beau projet, un discours ambitieux et légitime avec de belles ambitions et de belles infrastructures mais, avant tout, c’est aussi un choix de vie de famille pour ne pouvoir faire que ça et s’investir à 500% dans le rugby.

L’ambition sera clairement de monter en Nationale l’année prochaine ?
J’ai toujours fonctionné comme ça partout où je suis passé, avec ambition mais aussi humilité. Il faut de l’ambition car sinon on se morfond, il faut également qu’elle soit légitime et là, c’est le cas mais avec humilité. Il y a les moyens à Mâcon de faire quelque chose de beau; il y a un nombre de partenaires assez impressionnant, des infrastructures, un fonctionnement qui permet de pouvoir penser à la Nationale. Ça, c’est l’ambition et après, il y aura l’humilité et la rigueur que je veux amener pour essayer de faire passer un cap au club et monter en Nationale. Ce sera à court terme, pas forcément l’année prochaine, mais, et c’est aussi pour ça que j’ai rejoint le projet, je suis convaincu que Mâcon a sa place en Nationale.

Quelles que soient les ambitions de Mâcon, dans tous les cas, cette Nationale 2 sera lourde et épaisse ? On a maintenant les 24 qualifiés, 2 vont monter en Nationale et Dijon et Aubenas ou Cognac Saint Jean d’Angély redescendront, ce qui va donner un championnat très, très relevé ?
Oui, ça va être épais de chez épais. La chance qu’on a dans cette Nationale 2, autant Vienne que Mâcon, c’est qu’on en a eu une première ébauche. Cette année, quand il fallait aller chacailler à Issoire, à Beaune qui étaient soi-disant dans la 2e partie de tableau, il n’y avait rien de facile. La poule était tellement épaisse que ça nous a donné une première année de ce qu’allait être la Nationale 2. C’est sûr qu’il n’y aura pas de week-end pour se reposer, il va falloir de l’effectif et c’est là que le fonctionnement pro prend tout son sens parce-quand il va falloir aller jouer Marcq-en-Barœul le dimanche et redescendre à La Seyne le week-end d’après, c’est compliqué de récupérer si on bosse le lundi matin, il n’y a pas débat. Donc, c’est vrai que là, le fonctionnement pro prendra tout son sens l’année prochaine mais ça va être ultra intéressant, vraiment très, très intéressant. Moi, je me suis régalé toute l’année dans notre poule, c’était dur, c’est une certitude mais je me suis régalé à préparer les matchs et à les voir avec ces belles écuries que l’on risque de retrouver l’année prochaine dans la poule de Nationale 2.

Graulhet a posé quelques soucis à Hyères-Carqueiranne La Crau. Est-ce qu’il y a des recettes graulhetoises et tarnaises qui vont être exportées dans l’Isère ?
Pour avoir joué deux fois Hyères-Carqueiranne, il y a très, très peu de points faibles voire pas du tout. Un effectif impressionnant, même quand il y a des blessés et que ça tourne, ce sont d’anciens joueurs de Pro D2, c’est de la densité et de l’impact donc on se gratte la tête. On a réussi mais si on rejoue ce match 10 fois, on le perd 9 à la maison mais on a encore une fois réussi à le gagner avec l’état d’esprit du groupe. On avait réussi à les faire douter au match aller où on perd 9-3 avec une occasion d’essai à la dernière minute mais c’est pareil, si on rejoue cette rencontre 10 fois, je pense qu’on le perd aussi 9 fois. On va voir ce qu’il en est mais concernant Graulhet, et pour avoir joué Pamiers et vu Nîmes contre Mâcon ainsi que Marmande à Rumilly au match aller, la poule 3 était très, très relevée donc Graulhet avait vraiment des armes et a fait deux belles prestations contre Hyères. Donc, des recettes à exporter, pas forcément, on va essayer de jouer notre jeu avec notre fond de commerce et essayer de les faire douter mais on sait pertinemment que ça va être très relevé.

On va te souhaiter un long dernier tour de piste avec Vienne, ça voudra dire que vous êtes allés loin et que vous avez vécu une belle aventure humaine
L’aventure humaine est fabuleuse, on profite de chaque moment et même si la logique est respectée et qu’on s’arrête dans deux semaines, la saison aura été magnifique. On finit bien, devant notre public, j’espère qu’il y aura beaucoup de monde dimanche à Etcheberry pour, encore une fois, vivre un bon moment et on verra bien ce qu’il se passe. On profite, on n’a plus rien à perdre, la saison est réussie et on profite de tout.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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