En amont du choc de cette 24e journée de Nationale entre Soyaux-Angoulême et le Sporting Club Albigeois, nous sommes partis du côté du stade Chanzy avec le directeur général du club, Antoine Roger pour faire un point sur la situation en Charente . Après avoir porté les couleurs de Soyaux Angoulême durant 6 saison, Antoine Roger est devenu une fois sa carrière terminée le bras droit du Président Pitcho, et gère aujourd’hui les destinées des ex pensionnaires de Pro D2. Après une saison 2020-2021 douloureuse ponctuée par une descente en Nationale, l’ex joueur du Stade Phocéen s’est évertué avec ses dirigeants à préserver un cadre et une dynamique vertueuse pour que le charentais retrouve la Pro D2 au plus tôt. Un brin déçu des résultats actuels qui voient le SAXV évoluer à la 4eme place du championnat, a quelques heures du choc face à Albi, Antoine Roger nous a fait un tour d’horizon administrative-sportif de la situation du club manager par Vincent Etcheto et a répondu aux voix qui s’élèvent face au recrutement tout au long de la saison des charentais. Rencontre avec un DG qui veut développer le SAXV et revoir dès la saison prochaine les occupants de Chanzy fouler les pelouses de l’antichambre du Top 14.

Après une belle carrière de rugbyman, tu as basculé dans un poste assez inhabituel pour des joueurs de rugby, celui de directeur général pour lequel on a plutôt l’habitude de voir des profils administratifs. Comment est-ce qu’on bascule du rugby professionnel sur gérer un club de rugby ?
C’est vrai que c’est plutôt rare, les joueurs basculent généralement entraîneurs. J’avais fait des études pour et étant donné qu’il y avait une affection particulière qui s’était créée entre le président et moi-même, puisque j’avais fait 10 ans en tant que joueur, il m’a proposé de basculer de cette manière. Donc, j’ai relevé le défi, ça n’a pas été simple puisque la première année, avec le Covid et les huis-clos, on est malheureusement descendu en Nationale. Ca forge le caractère, c’est enrichissant niveau expérience mais c’est un peu difficile moralement, je préfère encore la casquette sportive plutôt que directeur parce-que ce ne sont pas les mêmes contraintes et contrariétés, on va dire.
La première fois où tu as dû renégocier des contrats avec des joueurs n’a pas non plus du être simple. Quand tu te retrouves d’un côté de la barrière après avoir été de l’autre, ça doit être compliqué ?
De négocier les contrats, c’est plutôt le rôle du président même si je fais forcément partie de la cellule pour décider qui on garde ou qui on ne garde pas, même si c’est surtout le rôle du manager Vincent Etcheto. C’est vrai que de devoir le dire parfois à quelqu’un que tu connais ou que tu as côtoyé en tant que joueur, ça n’est jamais simple mais en même temps, je suis de ceux qui pensent qu’avec de la franchise et de l’honnêteté, ça passe mieux qu’avec des on-dit. Au moins, ça permet au joueur de basculer et de rebondir un peu plus rapidement et de ne pas garder de rancœur envers les personnes qui sont dirigeantes. Je pense que tout le monde est assez grand garçon pour se dire que ça fait forcément partie du monde et du rugby professionnels, on est malheureusement tous de passage dans un club, la carrière est courte et précaire donc il faut être assez grand et assez adulte pour pouvoir l’entendre.

Autre challenge qui t’attendait dès ta prise de fonction, celui de faire la transition entre la Pro D2 et la Nationale avec la perte des droits TV et des recettes qui ne sont pas les mêmes en Nationale qu’en Pro D2. Quand on est directeur général des services, c’est encore une histoire qui ne doit pas être facile ?
Non, c’est vrai que ça a vraiment été un coup de massue. Il y a la descente sportive mais c’est vrai que de changer de densité, de passer de la LNR à la FFR, il y a énormément de changements et, comme tu l’as évoqué, c’est notamment la perte des droits TV. C’est une perte sèche de plus d’1M5 de rentrées et de recettes donc, c’est vrai que ce manque à gagner est difficile avec en plus le fait de se dire que, potentiellement, nos partenaires vont moins nous suivre. Ca n’a pas été le cas mais il a fallu qu’on se batte pour y arriver mais, en même temps, ça ne permet pas de combler ce trou d’1M5. C’est un peu un casse-tête de se dire » comment on va faire pour s’en sortir « ; il y avait toujours une gestion très prudente du président et le club n’était pas en danger pour autant mais c’est une double sanction, la sportive et la sanction financière qui va avec. Il faut repartir de zéro et puis, s’il y a descente, c’est aussi qu’il y a eu échec, on ne met pas la faute sur les arbitres ou le manque de public, c’est qu’il y a eu un échec qui était plus global que sportif. Donc, on reconstruit, on se remet d’abord en question et on essaye de reconstruire avec des bases plus saines, différentes on va dire, pour éviter de commettre les mêmes erreurs.
Quel est ton regard sportif et économique sur cette Nationale qui est récente ? C’est sa seconde année, vous la découvrez avec Soyaux-Angoulême et maintenant que l’on arrive quasiment à la fin de la saison, qu’en penses-tu ?
Honnêtement, je vais dire heureusement que cette Nationale existe parce-que je pense qu’on a limité les pertes grâce à ça. Aujourd’hui, cette Nationale permet quand même de rencontrer des clubs pratiquement tous professionnels, qui ont connu le haut niveau et si on prend Albi par exemple, c’est un club qui a une histoire dans le monde professionnel qui est plutôt récente et également plus importante que la nôtre. C’est un club qu’on a rencontré en Pro D2 donc c’est vrai que ça nous permet quand même d’être attractif auprès de nos acteurs économiques avec aussi un niveau intéressant. Je pense qu’il n’y a que des points favorables c’est à dire que, quand on remonte, on est forcément plus préparé qu’à l’époque de la Fédérale 1, il y a un fossé qui est moins grand et ça, c’est vraiment bénéfique pour tout le monde. Il y a un modèle qui est un peu calqué sur la Pro D2, je pense qu’il y a encore des marges pour progresser et j’espère que ça sera le cas. Qu’on y soit ou qu’on n’y soit pas, je pense que ça va dans le bon sens.

On parle souvent du fossé qu’il y a entre la Nationale et la Pro D2. Est-ce qu’il s’est réduit ces dernières années ?
Clairement, je le pense. J’ai envie de dire que c’est un peu moins le cas cette année car ça a aussi été un peu faussé par le manque de préparation, l’arrêt de la compétition, car il ne faut pas oublier que la Nationale a été arrêtée pendant une bonne partie même si je trouve qu’on s’en sort plutôt bien. Donc, il y a eu moins de temps de jeu que des clubs de Pro D2 qui eux ont continué mais je pense que le fossé est moins grand. Narbonne ne s’était peut-être aussi pas préparé à monter, ce n’étaient pas eux qui étaient favoris l’année dernière, Bourg-en-Bresse risque peut-être de se maintenir ce qui veut dire que l’un des 4 ou des 6 qui va se qualifier et monter ne part pas pour redescendre l’année prochaine. J’espère que ce sera notre cas de pouvoir se maintenir si on devait monter mais il est sûr qu’il y a un fossé qui est moins grand.
A trois journées de la fin, et même si le côté sportif revient à Vincent Etcheto, quel est ton regard sur le bilan sportif ? Est-ce que vous êtes dans les clous de ce que vous attendiez ?
En toute honnêteté, non, ça n’est pas dans les clous. On a gardé la majorité de nos joueurs, des joueurs qui étaient en Top 14 ou en Pro D2 ces dernières années, on a maintenu une structure ultra professionnelle, on leur a donné les moyens d’y arriver donc ce n’est pas leur taper dessus que de dire qu’on espérait mieux. Il y a eu un très mauvais début de saison qui n’est pas que de leur fait, ça faisait aussi partie de cet échec de l’année dernière et du mal à basculer mais pour tout le monde donc c’était un échec global. Après, il y a eu une meilleure période puisqu’on a enchaîné des victoires, de belles victoires dont notamment une à Albi. On était un peu plus confiant et puis, il y a peut-être eu un peu de relâchement ou un peu de pression sur cette fin de saison qui font qu’on enchaîne bonnes et mauvaises prestations. Donc, on est un peu mitigé sur cette période-là mais après, ce sont les phases finales et c’est ce qui fait la beauté de ce sport, à aujourd’hui, personne n’est assuré de monter l’année prochaine en Pro D2. Ça va se jouer sur un, deux ou trois matchs pour pouvoir accéder à l’échelon supérieur donc on essaye de travailler, comme les autres équipes. Il y a un match important qui arrive ce soir contre une équipe qui est en forme, la pression est plus de notre côté que de la leur donc on va voir comment réagissent les garçons. L’objectif est forcément de le gagner mais oui, on s’attend à un match très difficile.

A l’aller, vous aviez roulé sur Albi au Stadium et là, pour l’instant, vous êtes à 6 points des Albigeois. On peut dire que c’est la dernière cartouche pour continuer espérer d’accrocher un strapontin direct pour les demi-finales ?
Totalement, aujourd’hui, on sait clairement que si on perd ce match, on se battra même pour essayer d’avoir un barrage à domicile même si, dans nos têtes, on part plutôt dans l’idée d’avoir un barrage à domicile. On sait qu’il y a encore cette opportunité et tant que ce n’est pas mort, on va se battre pour essayer de finir le plus haut possible. On voit ce match comme une préparation aux phases finales, Albi est en forme en ce moment, dégage de la sérénité de ce qu’on peut en voir et c’est le match pour s’étalonner. Au match aller, je pense que nous étions nous peut-être dans un bon jour et eux dans un mauvais, c’est vrai que c’était une belle victoire pour nous mais c’est loin maintenant. La réalité, c’est qu’Albi est devant nous et qu’on a tous oublié ce match, ou qu’en tous cas, on l’aura tous oublié, ce n’est pas le match qui comptera à la fin. On s’attend avant tout à une belle fête car il va y avoir un peu de monde au stade face à une belle équipe avec du soleil, on espère voir du beau jeu avec un résultat qu’on souhaite forcément en notre faveur à la fin.
On a une question un peu polémique : on entend beaucoup de clubs qui râlent ou sont un peu jaloux de Soyaux-Angoulême car vous avez recruté plein de joueurs tout au long de la saison. Certains disent que ça rompt l’équité mais, pour rendre à César ce qui est à César, vous jouez avec la règle puisque cette dernière vous le permet ?
Oui, on joue avec la règle et on a encore la possibilité d’en recruter encore trois je crois. En début de saison, on pouvait recruter des joueurs supplémentaires en plus des jokers médicaux, c’est vrai qu’on en a recruté en joker médical puisque c’est un jeune qui a comblé une absence de longue durée. Je peux comprendre un peu cette frustration car peut-être qu’aujourd’hui, du fait de notre passé, de la situation actuelle, du fait que l’on soit un gros budget et la vérité, c’est aussi qu’on est sur une réalité économique différente des autres. On a une capacité qui est peut-être différente et c’est vrai que nous, aujourd’hui, on a cet objectif de remonter et sans dénigrer non plus les joueurs que l’on peut avoir, on essaye de composer au mieux du fait des blessures, des absences et des manques à certains postes, on a essayé de composer la meilleure équipe pour cette fin de saison avec un retour qui fait peut-être le plus polémique, celui d’un ancien qui joue en Pro D2. On s’est forcément donné les moyens d’y arriver mais je peux comprendre les autres équipes, on a fait avec les blessures de longue date, on n’a pas été épargné mais comme tout le monde, on ne se cache pas derrière ça. On essaye de se préparer au mieux aux phases finales sachant qu’on aura peut-être un temps de retard par rapport aux autres.

Et puis, vous avez pris de l’avance pour le mercato estival ?
Oui (rires). Je pense que ce n’est pas simple, toutes les équipes qui sont en Nationale qui espèrent monter anticipent un peu mais ce n’est pas simple car on fait face à des joueurs qui ne savent pas ou qui ne peuvent pas se projeter car on a aucune certitude de monter l’année prochaine en Pro D2. Ils prennent le risque de jouer en Nationale et pour l’instant, ça se passe plutôt bien puisqu’on a des joueurs qui s’inscrivent sur les deux projets, des joueurs qui viennent d’un niveau au-dessus mais sans aucune certitude. On mise aussi beaucoup sur nos jeunes car on se rend compte qu’on a des jeunes qui tournent très bien et qui vont se qualifier pour les demi-finale de la division. Donc, on mise aussi sur nos jeunes, je pense que c’est un équilibre à trouver, on n’est pas irréprochable donc on essaye de s’améliorer année après année.
Merci pour ce point de passage à Soyaux-Angoulême et il ne reste plus qu’à souhaiter un bon match aux deux équipes
Un bon match à tous, exactement.
Propos recueillis par Loïc Colombié


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