#Rugby – Fed1 / Eric Bonachera (SJLO): « Notre maillot est largement collé à notre cœur. »

Le Co-président du Saint Jean de Luz Olympique, Eric Bonachera, nous a accordé une interview, il revient sur la superbe saison de ses hommes. Dans une fédérale 1, qui s’arme sportivement et financièrement, le club de la côte basque tente de maintenir le cap, avec les recettes habituelles : Amour du maillot, recrutement local et détermination. Pour le club corsaire, le plus dur commence, confirmer dans une poule 4 très relevé. Mais les Luziens adorent ce statut de d’outsiders, qui leur permet de renverser l’ordre établi. Focus.
Le Co-President du SJLO Eric Bonachera / Crédit Photo Rugby Amateur
Eric Bonachera, On revient vers toi et nos amis Luziens qui nous ont, comme on dit à Albi, enquiquinés, dans le bon sens du terme, tout le long de la phase régulière de Fédérale 1. Vous avez été la surprise de Fédérale 1 de cette année 2018-2019 avec un petit bonus en Jean Prat. Déjà, un petit bilan sur cette saison qui a été assez splendide pour Saint-Jean de Luz ? 
Effectivement, on ne s’y attendait pas. On a fait partie des 8 derniers donc c’est vrai que ça a été la cerise sur le gâteau pour tout le peuple Luzien. On a apprécié et on a digéré très vite aussi, il n’y a pas de souci. On sait qu’on va retomber dans un nouvel exercice avec ses difficultés et ses contraintes, notamment au niveau des voyages. Mais on était vraiment très heureux de pouvoir montrer que, malgré nos moyens limités, on pouvait faire quelque chose. 
En clair, avec le cœur et les tripes et la passion du rugby, vous avez réussi à faire vaciller un brin VRDR (Valence Romans Drôme) qui est monté en Pro D2. C’est quand même un bel exploit pour un club qui n’était pas attendu à ce niveau-là ? 
Oui, c’était bien. On aurait peut-être même pu les accrocher à domicile parce-qu’on perd le match un peu par manque d’implication de Valence ce jour-là, qui nous a sûrement pris un peu de haut. On aurait pu gagner ce match, on le perd sur un fait de match un peu couillon, excusez moi le terme. Mais Valence Romans méritait largement sa qualification sur les deux matches, il n’y a pas de souci. Le match retour s’est déroulé dans des conditions climatiques assez bizarres, avec un vent énorme qui a même empêché les deux équipes de jouer leur rugby et notamment nous : le ballon ne pouvait pas circuler. Mais c’était très bien et Valence mérite amplement la remontée. 
Et puis, vous n’avez aucun regret puisque vous avez porté haut les couleurs du Pays Basque ? 
Oui, on n’a aucun regret. Le seul regret qu’on peut avoir, c’est qu’aujourd’hui on a été considéré comme tête de série pour le championnat de cette année. Donc, on fait partie d’une distribution au niveau poule un peu injuste à nos yeux dans la mesure où il y a un manque d’équité. Il y a une poule par exemple avec 4 promus et dans notre poule, il y a 0 promu. Bien sûr, il n’y a pas de règle à ce niveau là mais ça manque un peu d’équité quand même. 
Oui et puis de grands déplacements pour vous. Nantes, Rennes, ça vous fait des trottes pour un club qui a un budget qui n’est pas extensible ? 
C’est exactement ça en sachant évidemment que Nantes et Rennes jouent ce championnat. Mais quand on voit que Mauléon et Oloron par exemple sont à côté de chez nous, ça fait un peu quelque chose. Et aucun promu dans la poule ! Donc, ça fait une poule très compliquée, on le sait d’ores et déjà. Ca, on s’en doutait car on rentre dans nos limites au niveau rugby mais en rajoutant à cela les déplacements, ce ne sera pas la même on va dire. On fera avec. 
En plus, avec ce statut de tête de série, vous allez être attendus au coin du bois. On sait qu’il y a une grosse digue à Saint-Jean-de-Luz, dans la baie de Saint-Jean de Luz, il va vraiment la mettre à Kechiloa pour que vous engrangiez les points et continuer sur cette lancée. Parce que j’imagine que l’objectif de cette saison, c’est d’essayer de faire aussi bien que l’année dernière ? 
Si on peut faire aussi bien, ce serait merveilleux. Après, on se leurre pas, on sait que ça va être dur. Donc, continuer à bien vivre notre rugby, qu’on se mette pas la pression pour rien. On sait qu’on ne peut pas aller chercher quoique ce soit au niveau d’une montée, il y en a déjà assez dans notre poule qui veulent monter. C’est pas la peine de se mettre une pression en plus : qu’on essaye de bien vivre et de bien recevoir et de bien jouer au rugby, c’est tout ce qu’on veut. Et, si on peut faire aussi bien, ça serait super. 
Et puis, c’est une poule assez épaisse avec Cognac, Niort, Dax … Il y a du lourd, il y a du monde qui tape au portillon. 
Cognac, Nantes aussi. J’ai pu lire sur les réseaux qu’ils revendiquent une montée dans les trois ans avec l’arrivée de Vincent Etcheto je crois. Cognac, Dax, tout ça s’est largement calibré au dessus de nous, et physiquement et au niveau structurel. Effectivement, la poule sera épaisse et il faut absolument qu’on continue, avec notre noyau et avec notre manière de faire, à survivre en Fédérale 1. 
La manière de faire, c’est ce supplément d’âme qui est indéniable à Saint-Jean de Luz. Mais, on imagine que vous allez essayer aussi de vous structurer. que chaque année, vous essayez de progresser. On a vu qu’il y avait eu du changement dans le staff sportif et financièrement, vous avez passé un petit cap, augmenté le budget, augmenté la voilure ? 
Non, absolument pas. Financièrement, on est au bout de nos possibilités aujourd’hui. 
Donc, aux alentours de 700 000€ le budget ? 
750 000 comme l’an dernier. L’idée, c’est d’arriver au million d’euro mais surtout pas pour monter en Pro D2. C’est juste pour étoffer le club au niveau des jeunes , au niveau des encadrants, au niveau des structures. C’est juste ça, nous, on sait que techniquement, c’est très dur. On a un bassin économique qui est pas extensible, on a des partenaires qui jouent le jeu, on n’a pas autre chose à offrir que notre sympathie et notre manière de jouer. Les partenaires historiques jouent le jeu, on a très peu de nouveaux partenaires. On sait qu’on doit jouer avec ça, ce qui fait que nous n’avons toujours pas l’envie de faire des contrats à des anciens pro. Si on le fait, c’est cas exceptionnel et de manière réfléchie. Notamment par exemple, on fait un contrat à Clément Otazo, qui rentre au club, qui est formé dans le bassin de La Nivelle, qui est de Saint-Jean de Luz, qui rentre au club après une carrière à Bayonne et à Mont-de-Marsan. Il revient donc bien sûr, on lui fera un contrat parce qu’obligés mais c’était prévu, budgété depuis deux ans. Après, on va pas chercher, on travaille d’une autre manière. 
Avec des joueurs du cru, avec des joueurs qui ont cette identité basque ? 
Exactement. Voyez, on rentre un sud-africain sauf qu’il est fiancé à une biarrote et qu’il est déjà en France depuis 3 ans. 
Il n’aura pas de problème d’acclimatation
Exactement, aucun problème d’acclimatation. En même temps, il aura envie de montrer qu’il est capable, qu’il s’est déjà fondu dans le moule et que ça va aller. D’ailleurs, sur le marché des transferts, on ne fait pas partie du haut du panier. 
C’est pas comme Dijon ou Narbonne qui annoncent une recrue par jour quasiment ?
C’est assez affolant. Il y a une espèce d’inflation notamment avec cette règle où tout le monde s’embrêchent, avec des JIFF qui ont plus de 8 ans de présence je crois sur le territoire. En tous cas, nous, on ne peut pas, on ne peut pas et on ne veut pas. Nous, on préfère quand un jeune arrive, quelqu’un qui doit faire sa vie au Pays Basque chez nous, qui doit travailler hors du rugby et si socialement on peut l’aider, dans la recherche d’un appart ou d’un boulot, on est là. Ca, on sait faire. Après, on a un peu plus de chance que d’autres régions de France : la carte postale Saint-Jean-de-Luz est quand même extraordinaire, c’est un joli pays. C’est plus facile de convaincre quelqu’un de venir jouer à Saint-Jean-de-Luz que d’autres régions. Mais, je crois qu’on a 4 recrues pour 3 départs. 
La balance est équilibrée comme on dit
C’est ça, exactement. 
Parlons un peu du staff sportif. On a vu qu’Eric Balhadère avait fait une merveilleuse saison en tant que manager de Saint-Jean-de-Luz. Mais, il y a eu du changement puisque vous avez fait revenir au bercail Serge Milhas qui était passé entre temps par Albi. Qu’est ce qui a amené ce changement de staff sportif ? 

Et bien en fait, Eric Balhadère a fait 4 ans chez nous avec des résultats. Je pense que ce sont les meilleurs résultats qu’il ait obtenu avec un club de rugby puisqu’il nous a pris en Fédérale 2. Il a participé à l’aventure du titre avec Serge Milhas déjà à l’époque et il a gagné ses galons au fur et à mesure et a fait un résultat extra l’an dernier. On pensait au départ faire notre bail sur 3 ans, finalement, on l’a fait sur 4 ans. Il faut changer, rebattre un peu les cartes. Il n’y a aucune animosité, on s’est quittés tout à fait normalement et on a changé un peu les cartes. Serge Milhas revient au club, il est accompagné de David Irazoqui, ancien joueur du club qui s’occupait des espoirs l’an dernier, qui a été haut à son époque aussi. Et  on continue dans le même état d’esprit, avec des espoirs qui s’entraînent avec la première, les entraîneurs espoirs sont aussi d’anciens joueurs. Ce n’est pas qu’on veuille vivre absolument en autarcie, en cercle fermé. On accueille quand même du monde, il n’y a aucun souci. Voyez, il y a un jeune de Narbonne qui tape à la porte. Il va être étudiant à Libourne donc de l’autre côté de la frontière mais à 10 km de chez nous. S’il a envie de venir chez nous, il va venir, il n’y a aucun souci. Si il peut s’éclater, nous amener une plus-value, on sera très content. Mais, on ne va pas le chercher, il vient et ça se passera bien. 

Et après, pour revenir à Serge Milhas, en plus il a l’avantage, comme beaucoup d’entraîneurs maintenant qui font des break. Après son aventure à Albi, il a fait une pause de deux ans. Souvent, ça permet de prendre de la hauteur, de regénérer les chakras comme on dit de nos jours et de revenir frais avec une nouvelle vision ? 
Je mets un petit bémol, il ne pouvait pas être trop fatigué de son aventure albigeoise, elle a été courte. 
Oui, ce fut bref mais intense
Ce fut bref. Il a toujours été à nos côtés quand même de manière amicale, il est ami du club depuis 4 ans. Effectivement, il n’a plus d’ambition professionnelle donc il met son savoir à notre service et on l’accepte et on est très content de l’avoir. 
Une question qui sort du registre de Saint-Jean-de-Luz mais plus du registre national de la Fédération Française de Rugby. Vous, en tant que co-président du Saint-Jean-de-Luz Olympique, comment avez-vous vécu la démission de Thierry Murie, qui était le vice-président de la FFR en charge du monde amateur ? 

Nous, bien sûr, on est loin de Paris au niveau des décisions et tout ça. On avait trouvé, d’ailleurs je lui ai écrit par texto à Thierry Murie, quelqu’un certes dur, certes efficace, 

Mais droit dans ses bottes

Mais droit dans ses bottes et nous, ça nous allait bien. C’est à dire que, quand il dit quelque chose, il le fait. Bien sûr, il consulte, bien sûr il dirige un petit peu. Mais Thierry Murie, la première fois que je l’ai vu, la première réunion, je rentrais au club et j’ai dit  » Attention, il y a du nouveau à la Fédé parce qu’il y a quelqu’un qui veut rendre les choses un peu plus propres au niveau de la gestion comptable de nos clubs.  « . Bien sûr, les hommes peuvent passer mais Thierry Murie, il a été bon dans ce qu’il devait faire et je trouve dommageable qu’il soit parti. 

Qu’il ne soit pas allé au bout de sa mission

Complètement. Après, il y a toujours des mystères de l’info dans notre Fédérale 1. Des clubs qui annoncent 400 000€ de trou et qui sont toujours là ou 200 000€ maintenant qui recrutent et qui communiquent sur le recrutement. Ca me surprend toujours. 

Ca vous laisse pantois

Ah oui ! Comment on peut faire des contrats, comment on peut appeler des jeunes même de Saint-Jean ? Parce que là aussi, j’ai peut-être oublié d’en parler mais le fait qu’on est fait une bonne saison quand même été un peu bougé dans les lignes et on a plusieurs joueurs qui ont été appelés par des clubs un peu plus huppés que nous. 

Entre autres Juan Pablo Pietrelli qui avait crevé l’écran sur de nombreux matches

Juan Pablo (Pietrelli), notre numéro 10 Xavi Iturriria qui a terminé meilleur marqueur je pense de la Fédérale 1, notre pilier Thomas Mamou qui est parti finalement  à Anglet. Bon, on a été bougé un peu dans les lignes. Juan-Pablo, il a fait le pour et le contre, c’est très argentin. Il sort avec une petite du Pays Basque, il est bien au Pays Basque. A un moment donné, il y a même un club de Fédérale 3 qui lui a proposé un salaire ahurissant pour de la Fédérale 3 qu’il ne touchera jamais chez nous, c’est clair. Et bien Juan-Pablo, aujourd’hui, il travaille au Pays Basque, il s’y sent bien, il a des copains maintenant. Bien sûr, ça l’a fait vaciller en entendant les chiffres mais il a vite réfléchi, de même que 
Et puis, ce maillot corsaire, il colle à la peau, il colle au cœur ? 
Il y a un peu de ça. Les nouveaux qui arrivent sont toujours surpris de ça. Par exemple, nous, sur le maillot, on a le scapulaire qui est plutôt une marque treiziste que quinziste et qui existe depuis des lustres. Il est hors de question pour les anciens du club que, même par souci de modernité, on l’enlève. Ca fait partie du club, avec les couleurs basques et le scapulaire blanc. Et c’est vrai que notre maillot, il est largement collé à notre cœur. 
Pour finir, nous côté albigeois, on espère peut-être vous rencontrer en Jean-Prat. Ca voudrait dire que vous auriez fait une magnifique saison pour la seconde saison d’affilée et puis, on regoûterait aux ambiances enfiévrées de Kechiloa ? 
Ca serait super, moi aussi, j’aimerai bien. On serait hyper heureux de rejouer le Jean-Prat mais je serai vraiment heureux qu’Arnaud Méla et ses troupes arrivent à accrocher la Pro D2. Quand on voit comment s’est finie la saison pour vous, il y avait quelque chose de pas logique. 
Ca a fait couler pas mal d’encre, oui
Et au moins, sur la valeur des deux matches. On ne parle pas du reste. Rouen, c’était prévu, c’était formaté pour donc il n’y a aucun souci, ils ont fait le boulot qu’il fallait. Mais franchement, sur les deux matches, il manque quelque chose et je comprends qu’Albi ait pu se reprendre derrière, au niveau des partenaires et tout face à ça. Je crois vraiment que vous méritez de franchir et de revenir en Pro D2. Donc, je serai vraiment heureux de vous retrouver et pour nous, et pour vous. Il n’y a aucun souci. 
Et bien rendez-vous est donné, rendez-vous courant Mai on l’espère, pour une nouvelle joute entre Tarnais et Basques, toujours dans l’amitié du rugby. 
Ca marche, à bientôt

Propos recueillis par Loïc Colombié

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