Retrouvez l’intégralité de la conférence de presse d’Alexandre Albouy (coach 3/4 du SC Albi) en amont du déplacement à Hyeres pour le compte de la 20 journée de Nationale.
Un petit retour sur ce match à Narbonne où on peut considérer qu’Albi a pris un bon point chez un concurrent ?
Le premier sentiment qui ressort, c’est de la fierté sur ce que les joueurs ont mis dans le match, le contenu reste quand même hyper important et je trouve que les joueurs ont fait une belle copie dans beaucoup de secteurs. On a eu un passage à vide après l’interception qui, je pense, a surtout été mentale et une fois qu’on s’est remis à l’endroit, la suite du match a, à mon avis, aussi été une bonne copie.
Vous faites 25 très, très bonnes premières minutes, vous étiez très bons en défense et vous vous nourrissiez des fautes de vos adversaires, vous les mettiez vraiment à mal. On sent que quand vous restez dans le plan, vous êtes sinon injouables en tous cas très, très difficiles à manœuvrer ?
Je pense qu’il y a cette interception qui nous fait plus mal à la tête qu’au score et c’est ce qu’on essaye de transmettre aux joueurs dans le sens où on ne sait jamais quel va être le scénario de match. C’est essayer d’être toujours constants, de toujours faire le meilleur que l’on peut et que les événements, qu’ils soient extérieurs ou que ce soient des faits de jeu, n’ont pas à nous faire sortir de notre jeu ni de notre cadre.
Quand on est entraîneur sur le bord du terrain et que l’on voit 3 essais inscrits en moins de 10 minutes, qu’est-ce que ça provoque chez le coach ?
Je parle pour moi et ma réaction est de trouver les solutions, de voir comment vont réagir les garçons et d’arriver à leur donner des solutions. Je pense que c’est ce qu’on a fait à la mi-temps, je parle pour le côté mental qui a été de les remettre devant les faits car il n’y avait pas non plus quelque chose d’extraordinaire. Oui, il y a eu des erreurs défensives qui ont amené des points mais on était dans le match et il n’y avait pas de raison qu’on ne reprenne pas le fil.
C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé ?
Oui, c’est ce qu’il s’est passé.
Au-delà du résultat, c’était un très beau match à voir avec du volume, ça galopait, ça tapait
Je ne le regarde pas comme vous mais j’imagine que ça devait être agréable à regarder, il y a eu des essais et de belles actions.
On tendait vraiment vers ce qui peut se faire en play-off, on s’en rapprochait quand même grandement ?
Je pense qu’il y avait deux belles équipes sur le terrain qui avaient toutes les deux envie de produire du jeu donc je pense que ça a fait une belle partie.
Tu disais » on va trouver des solutions « , il y a cette pénalité à la fin de la 1ère mi-temps qui peut paraître surprenante mais qui, en fait, te permet de rester dans le match. Je dirai que le positif, c’est que vous ne vous êtes pas effondrés suite au 21-0 mais par contre, vous ne vous payez pas entre la 40e et la 60e, vous les dominez mais vous ne vous payez pas. Il y a peut-être eu certaines choses qui ont fait que vous ne pouvez pas vous payer ?
Non, je ne crois pas. J’ai souvent été capitaine et je sais que ça n’est pas toujours évident, je pense qu’il y a une pénalité où on va en touche en début de 2e mi-temps où on aurait peut-être pu continuer car, si je ne dis pas de bêtise, je crois qu’il y avait 24-15 à la mi-temps et on pouvait passer directement à 24-18 donc peut-être qu’on aurait pu y arriver plus vite. Derrière, il y a aussi eu des décisions arbitrales dans ces moments-là qui ont été en notre défaveur et qui ne sont pas allées dans le sens de notre domination. Je ne vais pas discuter s’il y avait faute ou pas faute mais le fait est qu’il y en a eu 9 contre nous dans les rucks ce qui fait quand même beaucoup sur le match ce qui, effectivement, ne nous a pas permis de nous payer.
C’est peut-être justement ça qu’il y a à travailler ? Mathieu dit souvent qu’il faut être plus » tueur » dans les zones de marque
Je crois qu’on l’a bien fait en 1ère mi-temps puisqu’on y est allé deux fois et ça s’est bien terminé pour nous. Il faut être encore plus propre pour amener de l’efficacité.
Il faut maintenant basculer sur Hyères-Carqueiranne la Crau, une équipe pas du tout dans le même style que Narbonne et un adversaire totalement à l’opposé ?
C’est une équipe très forte sur les phases statiques, que ce soit devant ou derrière, et très forte aux duels. Il faudra que l’on soit capable de répondre à ces duels et à cet impact physique.
On a vu que c’était une équipe qui, extra sportivement, avait de gros soucis financiers mais on a l’impression que les joueurs ont envie de rendre une copie propre en disant » nous, on a fait ce qu’il fallait sur le terrain et le reste n’est pas notre souci mais c’est votre problème à vous dirigeants « . Ça peut être une source de motivation de vos adversaires ce week-end ?
Oui, tout à fait si l’équipe s’est resserrée, je considère que la force vient toujours de l’intérieur, j’en parle souvent aux joueurs, et la force doit venir du groupe, ce ne sont pas les entraîneurs qui jouent. Si Hyères-Carqueiranne La Crau a su se resserrer par rapport à leurs soucis, ça va être une force collective de plus pour eux et qui va leur donner de l’énergie. On sait qu’on va là-bas dans un terrain qui va être assez hostile et le combat sera dur. Le combat sera dur et il faudra au minimum répondre à ça.
Il faudra aussi répondre à la vitesse. On a vu à Narbonne que vous aviez répondu à la vitesse par de la vitesse, je pense à la connexion entre Enzo Marzocca et Théo Vidal qui a vraiment apporté une double solution offensive à chaque fois et qui mettait vraiment en difficulté la défense narbonnaise. C’est peut-être quelque chose à faire persévérer ?
De toute façon, et je pense que vous le voyez, on voulait remettre un peu d’équilibre dans le jeu depuis le début de la saison et je pense qu’aujourd’hui, on l’a trouvé. En fonction des compos, on essaye d’accentuer ces phases de mouvements et ça sera également important de continuer ce chemin-là contre Hyères-Carqueiranne La Crau.
On arrive en milieu de bloc et le bilan est quand même plutôt positif ?
Je ne sais pas, je ne suis pas juge (rires). Ramener 6 points de deux matchs à l’extérieur, je peux en tous cas dire que ce n’est pas négatif.
Sur le premier enchaînement de matchs à l’extérieur qu’il y avait eu, c’était moins positif. Là, on voit que vous avez progressé dans les déplacements ?
Il avait été moins prolifique, c’est certain, en termes de points comme en termes de jeu. Je vous parlais de contenu et, que ce soit à Bourg-en-Bresse ou à Périgueux, avant de parler du résultat, on était déjà déçus du contenu car si le contenu est comme ça, il est sûr que tu ne peux pas gagner. Dans le sport, tu joues contre un adversaire et s’il est meilleur que toi mais que tu as tout donné … Sur le match de Narbonne, et même si on a eu un trou d’air à un moment donné, je pense qu’il y avait de la fierté qui ressortait car, pour moi, les joueurs ont tout donné.
De récupérer un leader comme Jacques Engelbrecht tout comme Lucas Guillaume qui est sur le point de revenir et voir Evrard Oulai vraiment avancer et montrer toute son expérience, ça doit quand même vraiment être du miel pour vous de les avoir dans le money-time ?
Bien sûr, c’est la construction. J’ai passé un petit moment avec pas mal de blessés derrière, c’est en train de revenir et c’est agréable dans le sens où on peut bien travailler. Il y a un phénomène que j’ai vécu lorsque j’étais joueur qui s’appelle la concurrence et qui fait avancer beaucoup de choses. Vous l’avez entendu aussi, il faudrait 15 capitaines sur un terrain pour que ça se passe bien donc plus il y aura de leaders et de joueurs qui prendront des responsabilités communes, plus ça fera avancer l’équipe.
Quand on voit l’âge de Jacques Engelbrecht et la force physique qu’il démontre encore, on a l’impression qu’il peut avoir entre un et trois ans de plus. Est-ce que ça aussi, ça peut être un aiguillon pour certains jeunes qui pourraient avoir du mal à embrasser le caractère professionnel du joueur de rugby aujourd’hui ?
Personnellement, je suis admiratif de pouvoir continuer à jouer à ce niveau à cet âge-là et je pense que je ne suis pas le seul. Par rapport aux jeunes, si je fais ce parallèle, je pense qu’ils ont aussi un peu d’admiration envers Jacques, ce n’est pas un grand bavard mais il dégage cette humilité et ça peut justement être un très bon exemple pour les jeunes.
On va parler un peu de toi, on sait que tu n’es pas un grand fan des datas, tu ne te nourris pas exclusivement de datas et tu ne regardes pas des matchs toute la semaine à tire-larigot. Est-ce qu’on peut un peu te qualifier » d’anticonformiste » du rugby dans le rugby moderne ?
Ça dépend ce que tu appelles conformiste, je ne sais pas (rires).
C’est plutôt par rapport aux canons des entraîneurs modernes qui s’abreuvent de datas et de matchs. Toi, tu n’es pas du tout dans ça ?
Je les reçois aussi et j’y prête attention, de mes études, à la base, je suis quand même un scientifique donc c’est quelque chose qui m’intéresse. Le rugby a une subtilité, le sport en général, pas forcément que le rugby, où tout ne peut pas être quantifié à la mètre seconde – 2 ou à la hauteur de saut au centimètre ou au nombre de plaquages, il y a des subtilités, on a parlé du côté mental quand on a pris les 3 essais, ça, ce n’est pas chiffrable mais les datas sont une aide. Aujourd’hui, si on veut faire aussi bien que les autres et que les autres l’ont, on est obligé de faire avec pour ne pas avoir de retard mais on ne peut pas tout baser là-dessus.
Il faut mettre de l’humain en plus des chiffres ?
L’humain pour le côté mental mais même au niveau rugby. Un joueur peut parfois avoir des qualités qui, encore aujourd’hui, ne sont pas forcément chiffrables donc j’ose espérer qu’il y a encore l’oeil du technicien et même du spectateur qui permettent de voir des choses.
Tu es d’accord avec ce qu’avait dit Ugo Mola le soir de la finale du championnat de France » si j’avais écouté les datas, j’aurais sorti Romain Ntamack » ?
Oui, complètement. C’est que, je pense, il connaît le caractère, le tempérament, la volonté et le goût de compétiteur de Romain Ntamack et qu’il s’est dit » c’est peut-être lui qui peut me faire basculer la finale » et je pense qu’il a eu raison.
Est-ce qu’il y a des matchs comme ça au SCA que vous avez fait basculer au feeling et au flair ?
On ne fait que comme ça (rires). Il y a des fois où on s’est aussi trompé, il n’y a pas de vérité non plus mais ça reste un support, à la mi-temps, on vient nous donner quelques chiffres qui nous mettent en éveil et parfois des choses qu’on n’a pas vues et qui nous font nous dire » ah ouais ?! « . Ça met donc en éveil, ça permet aussi de réfléchir différemment mais ça ne doit pas être le seul objet de la décision.
Pour revenir sur toi, on sait que ton destin a souvent et longtemps été lié à celui de Mathieu Bonello. Il a re-signé trois ans donc qu’en est-il du tien de destin ?
En ce qui me concerne, j’ai beaucoup d’entités à rencontrer, j’ai seulement entamé les premières discussions. La seule chose que je peux vous dire, c’est que j’ai quand même pas mal galéré l’année dernière pour passer un diplôme, ça a été prenant en termes de temps et de plein de choses mais je l’ai obtenu aujourd’hui et ça, c’est mon entité. Mon premier souhait serait de continuer dans l’entraînement et j’ai plein d’autres entités à rencontrer pour pouvoir prendre une décision.
Samedi, Mathieu pestait un peu contre la Nationale c’est à dire qu’il appelait à ce qu’il y ait un cadre dans cette division, on voit de belles choses sur le terrain mais c’est vrai qu’en-dehors, il y a des cas comme Blagnac. Qu’est-ce que toi tu en penses ?
Je peux parfois passer pour un philosophe car j’adore philosopher mais par contre, il y a aussi besoin d’un cadre. Je fais souvent le parallèle avec le terrain mais sur le terrain, c’est pareil, il y a besoin d’un cadre pour que les joueurs puissent ensuite s’exprimer et aujourd’hui, dans la Nationale, je pense que le cadre n’est pas assez complet. Pour moi, le cadre n’est pas contraire à la liberté, je le vois même différemment dans le sens où ce cadre doit permettre d’avoir une liberté et que tout le monde puisse s’exprimer facilement, ne serait-ce que sur l’arbitrage, sur les contenus, sur plein de choses. Il y a encore trop de flou, les arbitres vont dire des zones grises, d’autres vont dire des trous juridiques, enfin tout ce que vous voulez, donc chacun peut s’engouffrer dans un truc. Ils ont raison, ils n’ont pas raison, je n’en sais rien puisque le cadre n’est pas encore assez propre pour moi.
Est-ce que vous êtes écoutés ? Lorsqu’on interroge les 14 staffs de Nationale, ils sont quasiment tous d’accord mais est-ce que tu philosophes et vous prêchez dans le désert ou est-ce que vous pouvez quand même porter votre voix au niveau des instances en disant » les gars, maintenant, il ne faut plus que ça continue comme ça » ?
On n’a pas trouvé l’oasis où sont les instances. Je sais qu’il y a quelques consultations mais qui sont trop peu, il n’y en a pas assez.
Tu veux dire que ce n’est pas structuré ?
Oui et ça rejoint le cadre. Il y a eu des décisions pour jouer le vendredi, on était pour mais il n’y a pas de réelles réunions pour prendre tout le monde à partie avec des choses vraiment propres.
Est-ce que ce qui s’est malheureusement passé à Blagnac ne peut pas être le warning pour dire » maintenant, il faut se poser et se mettre autour d’une table » car sportivement, ce n’est quand même pas une réussite ?
Evidemment. Quand je vois le match de samedi, et vous l’avez dit, je pense que les personnes ont pris du plaisir, les joueurs ont pris du plaisir donc peu importe le résultat, enfin, peu importe, on est déçus mais je pense que les gens au stade ont pris du plaisir. Pour arriver à un maximum de matchs comme ça, on a parlé de Blagnac mais aussi du cas de Hyères-Carqueiranne La Crau, c’est arriver à mieux structurer les choses. Il y a d’autres questions dont on a aussi besoin de parler mais quand on parle de l’access-match, ce ne sont pas les mêmes règles entre les deux, que ce soit sur le terrain ou en-dehors du terrain. Il y a plein de choses à cadrer.
Pour prendre ton contre-pied, on se souvient que quand il y a eu trop de cadre en Fédérale 1 Elite, l’ancêtre de la Nationale, elle a explosé. Il faut donc aussi trouver le bon dosage car trop de cadre peut également empêcher beaucoup de clubs de rentrer dans ce moule ?
Exactement, il faut toujours trouver le juste milieu. C’est pour ça qu’il faut tous se poser, qu’il y ait les 14 présidents ou un dirigeant, qu’il y ait les entraîneurs, qu’il y ait en fait toutes les parties pour que chacun puisse s’exprimer pour pouvoir trouver la meilleure solution. Il n’y aura pas la solution idéale mais trouver la meilleure dans chaque différente partie.
Propos recueillis par Loïc Colombié
Article en partenariat avec
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