Gianni Gaillard après 6 saisons au Sporting Club Albigeois, où il a connu tant la Pro D2 que la Fédérale1 ou encore la Nationale, a décidé de ranger les crampons au placard à tout juste 27 ans. Celui qui fut un des vice-capitaines des jaunes et noirs durant l’ère Méla, est revenu sur ses joies sportives et humaines dans la préfecture du Tarn, tout en n’oblitérant pas la grande frustration de la non-montée en Pro D2 face à Rouen (2019). Alors qu’il va relever un nouveau défi à l’ASV Lavaur en tant qu’entraîneur adjoint de l’équipe B et consultant touche de l’équipe première, Gianni Gaillard, tient à retirer de ses expériences récentes de sportif de haut niveau des sources d’inspirations. Dans cette veine, celui qui a côtoyé des grands «messieurs » du rugby, a retenu que les grand leaders étaient ceux qui loin de la maîtrise totale, sont souvent des adeptes de l’écoute et de la co-construction d’un projet. Une vertu qui servira à ce seconde ligne de devoir, tant dans ses nouvelles aventures de technicien aux côtés de Julien Lauvernet et Fabien Atché a Lavaur (Fédérale1), que dans ses nouveaux challenges professionnels. Car « bon sang ne serait mentir », et cet héritier de la dynastie Spangherro, a l’image de ses aïeux, se lance de plein fer dans le monde de l’entreprise et de l’industrie agroalimentaire. En clair Gianni Gaillard, le joueur altruiste et généreux sur un terrain, camarade et leader reconnu du vestiaire du SCA, va désormais s’atteler à transmettre aux autres, ce que le rugby lui a amené de valeurs fédératrices et de sens du partage.

Après une carrière de joueur bien remplie, même si tu arrêtes très tôt, tu as basculé directement dans le coaching. Qu’est-ce qui t’a amené à partir à Lavaur pour entraîner leur équipe B ?
Tout d’abord, j’ai monté l’année dernière mon entreprise en parallèle avec le rugby et ça devenait un petit peu compliqué pour moi d’allier professionnalisme en tant que joueur et entreprise donc, j’ai décidé de basculer cette année. Il y a eu une opportunité qui s’est présentée et c’est vrai que, comme tu l’as dit, je suis assez jeune donc c’est assez dur de décrocher du rugby. Il n’y a pas trop de transition, j’apprends un nouveau métier en même temps mais ça me permet de rester proche du terrain.

Au mois d’Octobre ou l’année prochaine, au printemps naissant, tu n’as pas peur de ressentir un peu un grand vide de ne plus jouer au rugby ?
Ça va peut-être me piquer mais je me suis engagé pour une année en tant qu’entraîneur et je tiendrai ma promesse sur l’année. Je suis encore jeune, si je me maintiens en forme, j’aurai tout le loisir de changer de voie l’année d’après mais pour l’instant, je n’ai pas de regret.

Que comptes-tu amener à Lavaur ? Ta science de la touche entre autres ?
La touche est un secteur où j’ai énormément appris, notamment avec Arnaud Méla donc je vais essayer d’apporter ça mais aussi un peu de rigueur ainsi que des choses que je retiens de l’entraînement et de ces quelques années passées avec des très grands joueurs. J’ai la chance d’avoir joué avec des mecs que je considère comme de très bons joueurs et ça, ça sert.

En parlant de grands joueurs et de très bons joueurs de touche, tu as côtoyé Matthieu André pendant de nombreuses années. J’imagine que, parfois, tu prendras le bigophone pour demander quelques conseils à ce grand expert de la touche ?
C’est ça, ça me fera une occasion de plus de l’appeler. Il est certain que Mathieu, qui a été capitaine de touche pendant de très nombreuses années partout où il est passé et qui, je pense, a lui aussi beaucoup appris avec Arnaud (Méla) en plus de l’expérience qu’il avait déjà fait partie des gens qui peuvent beaucoup m’apporter et me font réfléchir sur cet aspect du jeu que j’aime beaucoup.

Pourquoi avoir fait le choix de Lavaur ?
Parce-que je suis assez proche de Lavaur d’un point de vue géographique, que j’ai pas mal d’amis là-bas, qu’il y a un mec qui s’appelle Gaëtan Bertrand que les auditeurs du #MagSport connaissent un petit peu qui a aussi signé là-bas. Donc, il y a quelques personnes qui me font aimer ce club qui est un club très famille et surtout, qui est porté par Julien Lauvernet qui vient d’arriver cette année. J’ai eu l’occasion de discuter avec lui avant de prendre cette fonction-là et c’est l’un des grands artisans du fait que j’ai signé à Lavaur parce-que le projet me plaisait sur le papier. Fabien Atché, qui sera l’entraîneur des espoirs avec moi, m’avait contacté mais je ne voulais pas me rajouter de contraintes pour moi, j’ai des contraintes mais j’y vais vraiment parce-que le projet est top.

Quand on entend tes propos, tu marches à l’humain, à l’affect et à la flamme. Pour plonger dans un projet, il faut que tu aies un peu l’étincelle ?
Tout à fait, l’étincelle, l’humain. Et puis, je pense que Julien, qui est le patron, le manager de l’équipe une, a la bonne démarche à savoir que, pour moi, il fait confiance. Il arrive à déléguer, à accepter qu’il ne maîtrise pas tout mais tout en imprégnant sa marque et en étant garant du projet de jeu. Pour moi, c’est la force des grands leaders, de savoir qu’ils ne maîtrisent pas tout mais qu’ils arrivent à déceler un petit peu le potentiel en chacun donc ça me fait plaisir de faire partie de cette équipe.

Tu es issu d’une grande famille de rugbymen et d’entrepreneurs, les Spanghero et bien sûr, tu ne déroges pas à la règle puisque tu fais partie du monde du rugby mais tu t’es aussi lancé dans l’entreprise. Tu peux nous en parler un peu ?
Je ne sais pas, peut-être que c’est dans les gênes. En tous cas, je suis tombé dans le rugby dès le début et j’ai continué, il se trouve que j’ai un gabarit qui m’a permis d’aller un peu plus loin avec aussi un petit peu de chance puisque j’ai été épargné par les blessures. Quant à l’entreprise, j’ai appris aux côtés de mon grand-père qui m’a un peu transmis la fibre. Aujourd’hui, je suis basé à Albi, zone de Jarlard, j’ai la chance de travailler avec une équipe qui est vraiment formidable. On transforme tout ce qui est légumineuse, pois-chiches, lentilles et autres, en local à destination de la restauration collective, pour les écoles, les lycées, les établissements comme ça.

On va aussi parler de ton épopée en jaune et noir. Tu as un peu tout connu avec cette équipe du Sporting Club Albigeois, la descente de Pro D2 en Fédérale 1 Elite, les divers échecs en demi-finales pour essayer de remonter ce club en Pro D2 mais aussi la meurtrissure de Rouen ?
Quand on regarde le bilan au final des saisons, il est plutôt négatif sur le plan sportif mais aujourd’hui, honnêtement, je n’en retire que du positif car même les défaites sportives m’ont beaucoup apporté humainement. Et surtout, comme on parlait de l’humain tout à l’heure, je suis rentré, il y avait des coéquipiers et j’en ressors avec des mecs avec qui je resterai en contact toute ma vie. Donc, à partir de là, c’est gagné.

Quelle est la plus grosse amertume que tu gardes de cette aventure au Sporting Club Albigeois ? Est-ce que c’est Rouen ou bien l’année du Covid ?
C’est Rouen, comme tous ceux qui ont fait partie de cette aventure. A ce moment-là, on a un groupe magnifique en termes de joueurs, avec les coaches, c’était top, on était un vrai groupe et puis, c’est l’année où on mérite un peu. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est au fil des années que tu rends compte du poids de ce match-là car, entre-temps, la Pro D2 a quand même pris des longueurs d’avance et aujourd’hui, c’est dur. Tu le vois tous les ans, les mecs qui montent redescendent, même des équipes structurées comme Bourg qui investissent beaucoup sur les jeunes descendent et pourtant, à mon avis, elles ont vraiment le modèle qui va marcher. Donc, tu sens que c’était un peu pour nous la dernière année pour accrocher le wagon et depuis Rouen, à part peut-être l’année du Covid mais ça s’est arrêté tôt, je n’ai pas eu l’impression qu’on était vraiment totalement en mesure d’accrocher ce wagon Pro D2.

Est-ce que tu redoutes que le Sporting reste englué dans cette Nationale ?
Aujourd’hui, le niveau de la Pro D2 est très important. Je comprends les ambitions d’Albi et je les partage puisque moi aussi j’ai voulu monter en Pro D2 mais il faut quand même se poser la question de savoir pourquoi des clubs comme Bourg, qui sont structurés, intelligents, avec des joueurs performants et qui ont roulé sur la Nationale l’année dernière redescendent de suite, Massy pareil. Pourquoi ils le font ? S’ils le font en réinvestissant l’argent qu’ils récupèrent sur l’école de rugby, moi, je trouve que ce sont de belles opérations, tu fais le yoyo mais au moins, tu structures ton club. Si tu fais comme Narbonne qui tente le tout pour le tout sur une année sans rien structurer et que tu repars de zéro derrière, je ne vois pas trop l’intérêt. Donc, si le Sporting a l’occasion de monter en Pro D2, ce que je leur souhaite évidemment de tout mon cœur, il va falloir qu’ils pensent à structurer le club et à amener tout depuis le plus bas car ça part de l’école de rugby. Tant qu’ils n’investiront pas là-dessus, je pense que ça risque d’être compliqué pour l’avenir.

Quel est le plus grand et le meilleur souvenir que tu garderas du SCA ?
Je ne sais pas. Honnêtement, ce sont plus des souvenirs extra-sportifs, je ne sais pas si tu me demandes un souvenir sportif ou extra-sportif.
Les deux
En extra-sportif, il y en a quand même un paquet (rires). L’un des souvenirs sportifs les plus marquants, c’est l’année de Rouen où, contre Dijon, Toto Lacelle traverse le terrain et marque une paire d’essais qui nous permet de passer devant et de finalement nous qualifier Je pense que c’est le meilleur souvenir.

On va aussi parler de ton avenir. Si un jour les fourmis te démangent trop, tu serais quand même prêt à reprendre ta carrière dans un ou deux ans ?
Aujourd’hui, je ne regrette pas du tout mon choix et je n’ai pas du tout envie de reprendre. Après, si je m’étais arrêté à 35 ans, je t’aurais dit » c’est fini pour moi » mais je ne peux pas t’affirmer aujourd’hui que ce sera fini pour moi, je ne peux pas le confirmer à 100%. Il faut que j’arrive à rester prêt physiquement, je ne sais pas non plus comment l’entreprise va se développer ni le temps que ça me demandera. Dans tous les cas, je resterai au moins au bord des terrains.

Dans les bons souvenirs que tu as eus au Sporting Club Albigeois, il y aussi la fusion que vous faisiez avec ces supporters et ces bénévoles du comité d’animation qui vous chouchoutaient et vous maternaient quasiment ?
C’est clair qu’Albi a un terreau favorable, tu me parlais de montée tout à l’heure et la base de la base, ce sont les supporters. A Albi, ils sont parfois capricieux mais il y a un noyau de supporters hyper encourageants, qui ont été là dans des moments catastrophiques pour le club ou pour nous. Eux ont toujours été là, je les reconnaîtrais dans la rue et je saurais m’arrêter 10 minutes et boire un café avec eux parce qu’eux nous ont beaucoup soutenus dans des moments où c’était très compliqué.

On parle de cette dernière année au Sporting Club Albigeois où tu n’as pas beaucoup joué ? Pour toi, ça a quand même dû être compliqué d’être dans le groupe mais souvent sur le banc ou en tribunes ?
J’ai abordé cette année à 100%, j’ai joué au début et j’ai monté mon entreprise en parallèle mais sans jamais faire faux bond au club, sans jamais rater un entraînement et en restant toujours professionnel à 100% même si ça n’a pas toujours été facile. Après, il y a quand même eu un » passage de témoin « , en le disant gentiment, entre les gars qui étaient là avant et ceux qui sont là aujourd’hui. Donc, j’ai fait partie de cette boucle, je pense que mes performances n’ont pas forcément aidé au choix des entraîneurs de me faire jouer non plus. Je n’ai pas fait une grande année mais, en tous cas, j’ai apporté tout ce que j’ai pu.

On t’a aussi vu commenter un match à nos côtés face à Tarbes. Est-ce que ce brillant passage aux commentaires pourrait être une expérience à rééditer ?
Écoute, si tu continues à m’offrir des bières derrière la planche de son, pourquoi pas ? Ça peut être sympa. En tous cas, on a bien rigolé, c’était un bon moment mais le seul problème, c’est que dès que je passe derrière les manettes, l’équipe que j’encourage perd (rires). Donc, à part ce problème de chat noir, pourquoi pas ?

Quel conseil donnerais-tu à tes anciens coéquipiers pour cette nouvelle saison du Sporting Club Albigeois en Nationale ?
Pour les rares coéquipiers que je connais et qui sont encore à Albi, je leur souhaite de vivre une année pleine, de vivre à fond les moments. A chaque fois qu’on commence une année, on nous dit qu’elle passe vite et effectivement, elle passe à chaque fois trop vite donc il faut vivre la saison à 100% et jouer pour soi.
Propos recueillis par Loïc Colombié
