Le vice-président de la Fédération Française de Rugby en charge du monde amateur, Patrick Buisson, nous a accordé un entretien exclusif pour faire un bilan des compétitions fédérales après deux saisons émaillées par le Covid et à l’aube de la mise en place de la nouvelle pyramide des compétitions qui verra la genèse de la Nationale 2. Mais le dirigeant fédéral nous a aussi éclairé, sur les évolutions probables en nationale , le cadre qui régira la nationale 2 ou encore les réglementations en vigueur en fédérale 1. Mais Patrick Buisson nous a parlé des sujets transversaux du rugby semi Pro / Amateur sans tabou, tout en n’oubliant pas de s’exprimer sur les rumeurs journalistiques qui le désignent comme un probable successeur de Bernard Laporte. Entretien avec un des hommes forts de la FFR.

J’imagine qu’il y a dû y avoir un ouf de soulagement à Marcoussis car, pour la première fois depuis deux ans, vous arrivez à finir une saison amateure au bout du bout ?
Tu as raison, c’est la première année depuis deux ans que nous finissons les championnats. Ça n’a pas été simple mais les clubs ont fait preuve de résilience et finalement, on termine les compétitions, on établit les classements et maintenant, on passe aux phases finales donc oui, c’est un grand ouf.

Malgré quelques rebonds épidémiques du Covid, on a vu que vous aviez trouvé des solutions pour aménager les saisons avec beaucoup de plages de reports et arriver à finir tous les championnats ?
On va quand même être honnête car, dans quelques compétitions, on a dû parfois appliquer le système des péréquations. Mais, on peut quand même dire que dans la majorité des cas, toutes les rencontres ont pu se tenir et, encore une fois, c’est grâce à la résilience des clubs face à cette pandémie.

Vous aviez quand même une obligation à ce que les compétitions se tiennent coûte que coûte cette année puisqu’il y a la mise en place de la nouvelle pyramide des compétitions l’année prochaine. Vous ne pouviez décemment pas la mettre en place avec une saison tronquée ou non faite ?
Non, ce n’était pas possible de restructurer les compétitions si on n’allait pas au bout de nos championnats. Les clubs n’auraient pas accepté des accessions dans ces conditions-là, sans parler des rétrogradations, c’était impensable.

On sait que chaque vice-président du monde amateur a son grand dossier, le dossier marquant de son mandat. Pour Thierry Murie, c’était un peu l’épuration des comptes des clubs en remettant de l’ordre dans les finances via la DNACG amateur, pour Maurice Buzy-Pucheu, c’était la création de cette Pro D3 / Nationale et pour Patrick Buisson, on peut dire que c’est cette pyramide des compétitions ?
Tu vois les choses comme ça mais ce n’est pas tout à fait mon cas. Je pense que chaque personne qui était en place, que ce soit Thierry ou Maurice, a participé à l’évolution de notre Fédération, tout le monde y a participé. C’était le souhait de notre président Bernard Laporte et la mise en place de la pyramide des compétitions est la continuité de tout ce qui a été fait en amont. C’est plus un travail d’équipe, une suite qu’une chose que chaque président veut absolument apporter pendant sa mandature. Moi, je vois surtout une continuité et une évolution logique.

On voit quand même que, grâce au travail de tes prédécesseurs que ce soit sur les finances ou sur la création de la Nationale, il y a beaucoup de positif. Du côté financier, on voit de moins en moins de clubs dans le rouge bien qu’il y ait eu le Covid qui a fait que l’on craignait des vagues de faillites et du côté de la Nationale, ça a été une belle réussite puisque vous faites une Nationale 2 ?
Exactement. Aujourd’hui, les clubs ont compris qu’il fallait se mettre dans les règles, ce qui est un petit peu la sécurité et ce qui offre la pérennité aux clubs. Thierry avait fait un travail considérable pour structurer toute la partie financière ensuite, la première branche de la fusée était la compétition Nationale dont on va entamer la 3e saison. On voit que cette compétition s’installe dans le temps, qu’elle offre des matchs compétitifs et disputés, c’est vraiment la compétition qui représente le plus haut niveau amateur voire semi-professionnel ou professionnel, on appellera ça comme on veut. Derrière, il fallait encore continuer à structurer les compétitions pour offrir plus de sécurité aux clubs, on l’a bien expliqué car à chaque fois qu’un club accédait à une division supérieure, c’était un choc et même s’ils étaient relégués, c’était un choc. Aujourd’hui, les clubs de Nationale qui, malheureusement pour eux, vont connaître la relégation se retrouveront dans cette Nationale 2 qui se rapprochera forcément de la Nationale et donc, ce sera moins douloureux à vivre. En augmentant les niveaux, on va lisser les accessions et les relégations et c’est pour cela qu’on a souhaité mettre en place cette nouvelle pyramide des compétitions.

Pour rester sur le sujet de la Nationale, quand on voit que le dernier strapontin pour les demi-finales s’est joué sur la dernière journée entre trois équipes, que la course au maintien n’était pas encore jouée entre Cognac-Saint Jean d’Angély et Cognac et que, par exemple, des équipes comme Bourgoin ou Tarbes il y a trois semaines jouaient le maintien pour finalement terminer à quelques encablures de la 7eme place, c’est le symbole d’un championnat quand même très homogène et très réussi ?
Dans cette poule Nationale, c’est un peu ce qu’on voit en Top 14 et en Pro D2. Le championnat est très, très disputé et c’est vrai qu’arrivé à la dernière journée, il n’avait pas encore livré les clubs relégués et ça, c’est déjà très important car ça veut dire que tous les matchs sont disputés et que toutes les rencontres ont été très, très, très homogènes. Il y avait trois premiers mais derrière, on ne connaissait encore pas forcément l’ordre des rencontres et on ne sait pas qui va monter en Pro D2. On rentre dans les phases qualificatives, les phases de brassage, et après les demi-finales sans savoir à la dernière journée qui les jouerait. Aujourd’hui, personne n’écrase le championnat à part Massy qui a vraiment fait une saison exceptionnelle si on regarde le classement, il y a trois clubs derrière qui ont performé, Valence-Romans, Soyaux-Angoulême et Albi suivis de Chambéry et Nice qui vont aussi jouer les barrages avec eux. C’est vraiment un championnat disputé.

Tu nous parles du cas de Massy. Massy ressemble un peu à Nice l’an dernier à savoir qu’ils ont roulé sur la saison mais, malheureusement, avec le format des play-offs, ils pourraient ne pas être récompensés. Avec 22 victoires en 26 matchs, ce qui est assez colossal, on peut honnêtement dire qu’ils mériteraient de monter ?
Oui, ils mériteraient de monter mais le format de compétition est fait de telle sorte qu’on passe par des matchs éliminatoires. C’est le format de la compétition qui est monté comme ça, qui est connu avant que les clubs ne commencent le championnat, ils le savent et le connaissent.
Est-ce que ce format pourrait évoluer dans le temps et ressembler un peu plus à ce qui se faisait en Fédérale 1 Elite avec le premier du championnat qui monte et une finale qui détermine qui l’accompagne ? Et, dans l’avenir, est-ce qu’il pourrait y avoir un access-match comme ce qui se fait en Pro D2 avec l’avant-dernier de Pro D2 contre le second qualifié de Nationale ?
On a toujours fait preuve de réflexion et d’adaptation. Je ne te cache pas qu’on réfléchit justement à reproduire, par exemple, le format Pro D2 en Nationale puisqu’on cherche au maximum à rapprocher ces deux compétitions, déjà en termes de règlement. Je ne te dis pas que nous ne sommes pas aujourd’hui en phase de réflexion et voir si, à moyen terme, on ne pourrait pas appliquer le même processus d’accession. Ça récompenserait le premier qui fait une saison remarquable et après, ça donnerait soit la possibilité à un club de Pro D2 de se sauver soit à un autre club de Nationale d’accéder au-dessus. On réfléchit mais pour la saison prochaine, nous allons garder le format actuel tout en réfléchissant pour les saisons suivantes.

La Nationale est une belle réussite mais il y a quand même des critiques comme dans tout ce que l’on fait et l’une d’entre elles porte sur la visibilité du championnat. Il n’y a ni diffuseur ni visibilité donc, où en êtes-vous sur ce dossier ?
Ce qu’on souhaite pour la saison prochaine, c’est instaurer un jour de match bien défini avec un horaire bien défini. On souhaiterait que les rencontres se disputent le samedi à 18h et la Fédération, notamment le service marketing, aujourd’hui service commercial, a lancé une étude sur le marché pour diffuser les rencontres. Sur les chaînes hertziennes, que ce soit l’Equipe ou France Télévision voire Canal, il n’y a pas aujourd’hui de créneau disponible et ça n’intéresse pas forcément les chaînes de diffuser cette compétition par contre, on s’oriente peut-être vers des retransmissions sur le digital avec des chaînes sport. Aujourd’hui, on est en négociation et bien sûr que l’on souhaite donner de la visibilité à cette compétition.

On va aussi parler de la Nationale 2, la nouvelle division qui va prendre ses marques la saison prochaine. On entend parfois des clubs qui hésitent à monter, certains disent quand même oui car l’enjeu sportif et la beauté sportive du geste priment mais d’autres ne s’y sentent pas financièrement. Si d’aventure des clubs refusent, comment la Fédé le prendra t’elle et quelle est la solution pour repêcher d’autres clubs ?
Ça, ce n’est pas une nouveauté. Tous les ans, quand il y a des accessions, il se peut que des clubs qui ne se sentent pas prêts pour jouer au niveau qui leur est proposé et qu’ils ont gagné sportivement les refusent et ce n’est pas particulier à la Nationale 2 qui est un niveau de compétition. S’il y a des refus, ce sera comme d’habitude, on demandera aux meilleurs parmi les » refoulés » s’ils acceptent d’accéder à la division. On essaiera de compléter les refus par des accessions mais sincèrement, il n’y a pas beaucoup de clubs aujourd’hui qui s’interrogent sur le fait de jouer et d’évoluer en Nationale 2 la saison prochaine.
Ils se comptent sur les doigts d’une main ?
Je crois que ça se compte sur un doigt d’une main. (NDLR : Saint Sulpice sur Lèze)

Autre chose qui chamboule un peu le microcosme de la Nationale 2 naissante, c’est le découpage des poules. Est / Ouest, Nord / Sud ou une diagonale ?
C’est une grande question. La logique veut qu’on ne fasse pas ce qu’on appelle » le serpent » car ça ferait faire beaucoup trop de kilomètres à certains clubs et, encore une fois, on sait que dans cette compétition, on sait qu’il y aura beaucoup de joueurs qui seront soit pluriactifs voire amateurs. Donc, on pense quand même aux joueurs et on va essayer dans ce qu’on va proposer de limiter au maximum les kilomètres et de privilégier la conception de la poule au niveau géographique.
Quand vous avez créé la Nationale, vous n’avez quasiment mis aucune contrainte financière aux clubs pour y accéder. C’est pareil avec la Nationale 2 ?
Quand on a créé la compétition Nationale, on a privilégié le niveau sportif et donc, on le fait également avec la création de la Nationale 2. Par contre, ce qu’il faut savoir, c’est qu’à la Fédération, on travaille parallèlement à mettre une régulation en place et on va quand même demander aux clubs d’avoir des comptes équilibrés et certaines choses. On ne peut pas non plus envoyer des clubs au casse-pipe donc, aujourd’hui, c’est uniquement le niveau sportif pour y accéder mais comme d’habitude, ce que tu as précisé tout à l’heure, et comme Thierry l’avait imaginé, on va suivre les clubs et les accompagner toujours dans le but de les protéger.

Avec aussi une protection pour les joueurs, ce fameux statut du joueur semi-pro auquel vous êtes en train de réfléchir depuis quelques temps à la Fédé ?
Le statut du joueur et de l’entraîneur existe déjà, on n’oblige pas les clubs à faire des contrats. Par contre, s’ils en font, ils sont soumis à la Fédération et doivent respecter les règles du statut du joueur de Nationale, Nationale 2 et Fédérale 1. C’est la loi qui l’exige donc on suit les clubs toujours dans ce sens et toujours pour les protéger. Si le club a la chance de former des joueurs et de jouer avec son plan de succession et sans joueur sous contrat, c’est son choix et il peut le faire aussi.
Concernant la Fédérale 1, que va-t-elle devenir ? Est-ce que ce sera une division sans mêlée poussée ou est-ce qu’on continuera à pousser les mêlées ? Est-ce qu’il y aura des espoirs qui joueront en lever de rideau ou des équipes B ? Comment est-ce que tout ça va s’organiser pour la Fédérale 1 ?
La Fédérale 1 reste la Fédérale 1 et on applique la règle de la poussée en mêlée. Il n’y a aucun problème, on ne change pas les règles, c’est toujours la Fédérale 1 et on ne cherche ni à la dégrader ni à la dévaluer. En ce qui concerne les équipes B, ce sont des espoirs fédéraux mais comme on sait qu’il y a quand même 24 clubs de Fédérale 2 qui vont accéder à la Fédérale 1 et que c’est compliqué pour certains, sachant aussi qu’il y en aura peut-être 8 qui redescendront parmi ceux-là ou d’autres, on va augmenter l’âge et proposer des moins de 25 ans au lieu des moins de 23 ans. Et, comme d’habitude, on mettra des mesures dérogatoires pour permettre à des joueurs de plus de 25 ans de jouer aussi dans cette équipe B. Pourquoi ? Parce qu’on ne veut pas leur imposer brutalement des équipes espoirs avec des tranches d’âge qu’ils ne seraient pas capables de respecter. L’objectif n’est pas non plus de tuer les clubs mais de les accompagner à atteindre des niveaux.

On a vu que la Nationale allait accueillir une finale à Blagnac : un club pluriactif qui performe au haut-niveau recevant la finale, c’est quand même un beau symbole ?
Déjà, pour être clair concernant le choix de Blagnac, nous avons envoyé un cahier des charges à tous les clubs de Fédérale 1, Nationale 2 et Nationale car tous les clubs pouvaient candidater pour l’organisation de cette finale de la Nationale. Il se trouve que 5 / 6 clubs ont répondu à cet appel d’offre.
Même des clubs de Pro D2 si j’ai de bonnes informations ?
Il y avait deux clubs de Pro D2, Narbonne et Colomiers, qui répondaient au cahier des charges. Ensuite, on a souhaité privilégier un club de la compétition Nationale qui arrivait aussi en tête, à égalité avec ces deux clubs.

Est-ce qu’une équipe qui peut potentiellement être qualifiée en play-off peut candidater pour la finale ?
Oui mais ça aurait peut-être été dans les critères de sélection et on aurait peut-être juger de manière différente. On a essayé de rester neutre même si, aujourd’hui, la finale n’a aucun enjeu si ce n’est un titre, tu me diras que c’est quand même un sacré enjeu mais ce n’est pas un access-match. Donc, si Blagnac avait été parmi les deux premiers, on aurait peut-être évité de les choisir.
Le 1er Avril, on a vu nos confrères du Figaro t’annoncer comme successeur de Bernard Laporte. C’était du lard ou du cochon cette histoire ?
C’est fantastique car ce journaliste m’a appris que j’étais candidat à la succession de Bernard Laporte, c’est quand même phénoménal. Non, il faut être très clair, il reste deux ans de travail à faire et il faut absolument continuer à travailler. Les élections sont dans plus de deux ans, ce n’est pas d’actualité et je pense que Bernard Laporte, dont d’ailleurs je ne sais pas s’il souhaite continuer ou pas, désignera lui-même son successeur et on verra bien à ce moment-là comment ça va se passer.
Merci pour ce tour d’horizon du microcosme fédéral et sur toutes les réglementations qui entourent les belles divisions, les beaux championnats qui sont dans le giron de la FFR
Merci à toi et à bientôt.
Propos recueillis par Loïc Colombié

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