#Rugby – Nationale / B.Laporte (FFR) : «Je suis pour que le 1er qui a cravaché toute la saison soit récompensé!»

L’équipe du « Le #MagSport by H2G» s’est entretenu avec le président de la Fédération Française de Rugby et vice-président de World Rugby, Bernard Laporte, dans une interview bilan sur cette première saison de Nationale. L’ex-sélectionneur de l’équipe de France, nous a donc livré son sentiment et sa satisfaction sur les débuts de ce championnat haletant jusqu’à à son ultime épilogue, et dont il avoue non sans fierté la paternité. Mais le patron du rugby français nous a aussi esquissé les réformes à venir pour le rugby fédéral (pyramide des compétitions, statut du joueur semi/pro, création Nationale 2). Bernard Laporte nous a aussi donné quelques pistes d’évolution pour la 3eme division française, entre autres sur l’architecture des phases finales et les modalités d’accession en ProD2. En clair, à Marcoussis, les hauts dirigeants de l’ovalie Francaise continuent d’opérer la mue du rugby amateur, tout en s’évertuant à impliquer et consulter les clubs.

Bernard Laporte Pdt FFR / Crédit photo : Le #MagSport – Studios H2G

 

 

L’année dernière, à la même époque, tu étais en train de ferrailler avec l’ensemble des clubs de Fédérale 1 pour monter une Nationale. Beaucoup t’avaient promis des malheurs, de ne pas y arriver et que c’était une hérésie. Un an après, je pense que tes détracteurs en sont pour leur argent, car malgré un 2e confinement, la Nationale a réussi à vivre et est arrivée au bout du bout puisque Samedi, à Bourgoin, tu as remis le premier bouclier de championnat de France de Nationale.

 

Effectivement, il y a grosso modo un an, suite à la première période de confinement liée au Covid, on avait décidé qu’il n’y aurait pas de descente mais que des montées car on sait la dynamique que ça crée dans un club. En Fédérale 1 de l’époque, il y avait 60 clubs et un matin, je me suis dit  » ce n’est pas possible, il y a trop d’écart, il y a trop de clubs et c’est peut-être justement le moment de créer cette compétition  » que j’appelle moi semi-professionnelle / semi-amateur, à savoir les gros budgets de la Fédérale 1. J’ai soumis l’idée au bureau fédéral, on en a longuement discuté puisque ça a duré plus d’une heure et puis finalement, nous avons décidé qu’il fallait prendre, non pas ce risque-là mais cette décision-là. J’ai moi-même appelé les 60 présidents de Fédérale 1 dans le week-end pour leur demander s’ils étaient d’accord pour que l’on crée cette compétition et je peux vous garantir qu’hormis 3 ou 4 clubs maximum qui ne me disaient pas non mais qui n’étaient pas certains, tous les autres m’ont unanimement dit  » oui Bernard, on comprend tout à fait, c’est peut-être le moment de le faire « . Je les remercie encore une fois car, je le redis, beaucoup ont travaillé dans l’intérêt général du rugby et pas dans leur intérêt particulier et c’est ce qui m’a fait plaisir donc, nous avons décidé de mettre 14 clubs. Pourquoi 14 ? Parce-que ceux qui vont monter vont jouer en Pro D2 et qu’un Top 12 donne 22 matchs, 24 avec les phases finales tandis qu’avec 14 clubs, on passe de suite à 26 matchs de championnat, 28 avec les phases finales ce qui correspond grosso modo à une poule de 16. C’était donc déjà habituer ces clubs-là à avoir une série de matchs conséquente durant une saison et c’est pour ces raisons-là que j’ai voulu qu’il y ait 14 clubs. J’en avais même envisagé 16 au départ mais c’était compliqué pour certains au niveau budget donc, nous avons décidé d’en mettre 14. Mais effectivement, à entendre certains présidents que j’ai au téléphone, je crois que c’est une réussite sportivement car on assiste à de très beaux matchs mais surtout à des matchs équilibrés. Il est vrai que certains disaient que ça ne durerait que 6 mois, qu’il y aurait trop d’écart entre certains et certains mais tout ça a très bien fonctionné, tout le monde est ravi et c’est une bonne chose, d’abord pour ces clubs-là. 

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Tu as quand même dû avoir une petite frayeur en Octobre, pendant le second confinement, quand la Nationale s’est arrêtée pendant un mois. Ça aurait été la pire des choses pour ce championnat qu’il n’aille pas au bout mais les présidents ont pris leur courage à deux mains et on a décidé de repartir sans billetterie, à huis-clos. C’était un pari, ils ont diffusé eux-mêmes leurs matchs en trouvant de nouveaux modèles économiques et de nouveaux modèles de visibilité pour leurs partenaires. C’est un gros effort fait par les clubs de jouer sans billetterie et d’essayer de trouver de nouvelles solutions pour faire malgré le Covid et le confinement ? 

 

Bien sûr car, à la différence des clubs professionnels, ils n’ont pas de droits TV pour le moment. Comme je leur ai dit,  » le gouvernement vous autorisera à rejouer car quasiment tous les joueurs sont sous contrat et ça ressemble à du professionnalisme  » et c’est pour cette raison-là que nous avons consulté tous les présidents au bout d’un mois en leur demandant ce qu’ils voulaient faire. Je ne dirai pas que ça a été unanime mais à 90%, les présidents ont décidé de continuer et je crois que ça a bien fonctionné car en effet, on arrive à terme avec deux clubs qui montent et qui ont eut la joie et le bonheur de se disputer ce premier trophée à Bourgoin.

 

Bourgoin, un stade mythique et c’est bien de finir cette saison là-bas. Des détracteurs diront que Bourg est plus près de Bourgoin que Narbonne mais Rajon est quand même une cathédrale du rugby ? 

 

Quand on a décidé du lieu où se jouerait la finale, on ne savait pas qui y serait donc, c’est toujours délicat. Là, l’avantage, c’est que les deux clubs montent et il y a un réel intérêt, un enjeu car, quand on est compétiteur, on a envie de gagner et qui plus est, le premier trophée de cette compétition. Mais j’ai envie de dire que l’objectif est atteint pour ces deux équipes, celui de monter en Pro D2, et la finale est un peu la cerise sur le gâteau. Et c’est vrai que c’est un clin d’œil, dans un stade mythique comme tu le disais qui a vu tellement de grands matchs professionnels. Pour moi, Bourgoin est un très bon souvenir et pour beaucoup, ça rappelle effectivement les grandes heures du CSBJ qui d’ailleurs, grâce à un président dynamique, continue à s’organiser. J’ai vu que Pascal Papé allait les rejoindre, que Sébastien Tillous-Bordes allait devenir le manager, on voit là-aussi un club qui se structure. 

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Un des petits éléments d’amélioration de la Nationale serait peut-être, comme le disait Patrick Buisson, à réfléchir dans le futur à faire évoluer les phases finales et que ces dernières deviennent une vraie finale avec de l’enjeu où se termine soit l’accession en Pro D2 soit l’une des accessions. On pourrait envisager d’avoir le premier qui monte directement pour la régularité de la saison et une finale qui détermine vraiment l’accédant en Pro D2. Ça donnerait encore plus de sel ?

 

Encore une fois, je soumettrai mais je ne serai pas celui qui décidera. Moi, je suis pour que le premier qui a cravaché toute la saison soit récompensé et après, on sait que sur un match, il y a des spécificités, par exemple, tu n’as plus la même équipe si tu perds deux ouvreurs ou deux ailiers, ce n’est pas le football. Donc, je pense que récompenser le premier permettrait de dire  » ils ont été premiers tout au long de la saison, ils le méritent, ils montent  » et qu’ensuite effectivement, on crée ce qu’on appelle des barrages, le 2e contre le 5e, le 3e contre le 4e et que les vainqueurs aillent en demi-finales ou qu’il y ait un autre match de barrage. On choisira ensemble et on verra les modalités mais, je le répète, je serai pour que le premier accède à l’échelon supérieur.

 

Autre gros dossier que vous avez commencé à lancer en collaboration avec les clubs car, depuis un an, vous vous soyez souvent en visio-conférence avec les clubs de Nationale, c’est de commencer à évoquer un statut semi-pro du rugbyman. C’est quelque chose qui peut vraiment amener une sérénité à tous les clubs, le fait de ne plus être entre le marteau et l’enclume ? 

 

Je crois qu’il fallait vraiment créer cette réelle pyramide qui n’existait pas jusqu’à présent. Aujourd’hui, on a un monde professionnel avec deux divisions, le Top 14 et la Pro D2, un monde semi-professionnel qui est la Nationale mais on a toujours en Fédérale 1 des clubs semi-professionnels qui sont amateurs. Donc, le fait de créer cette Nationale 2 permettra d’abord, s’il y avait une autre pandémie ou autre chose, que ces clubs continuent de jouer comme l’a fait la Nationale cette année puisqu’ils auraient pratiquement tous des joueurs avec des contrats, même si ce sont des contrats pluriactifs. Et puis, ça équilibrerait car ce seraient des joueurs dans la même philosophie, des contrats, des budgets à peu près similaires. Derrière, on rebaptiserait les Fédérales 1, 2 et 3 en 1ère division, 2e division, 3e division amateure qui seraient réellement amateurs et moi, ce que je veux, c’est qu’on enlève toutes les contraintes que l’on impose aujourd’hui à ces clubs-là qui ne veulent pas être semi-professionnels. L’objectif était là mais, encore une fois, on le bâtit puisqu’on fait des réunions avec tous ces clubs, c’est un projet commun et il n’est pas question d’imposer quoi que ce soit. Le but est tout simplement de mettre une réforme qui est d’actualité aujourd’hui et qui me semble nécessaire pour enlever les inconvénients à certains et garder les avantages pour d’autres. 

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Comme le dit Patrick Buisson, ton vice-président chargé du monde amateur, la pyramide des compétitions n’en était plus une, c’était devenu une toupie ? 

 

Exactement. Patrick est à l’origine de cette réforme et je profite de cette occasion pour le féliciter et le remercier. Ça fait plus de 30 ans qu’il est dans ce milieu, il le connaît et effectivement, quand il nous a montré le diapo, on s’est dit que ce n’était plus une pyramide mais une toupie, il avait raison. Là, on va réellement se reposer sur une véritable pyramide et j’ai beaucoup de présidents qui me disent  » même si cette nouvelle compétition nous fait rétrograder d’un niveau avec la création d’un étage supérieur, je vais au moins jouer contre des budgets équivalents au mien ou peut-être un peu supérieurs mais contre lesquels on va pouvoir lutter mais surtout, je vais pouvoir dire à tous mes joueurs qu’on ne joue pas le maintien mais la qualification et le titre « . Quand on est joueur, je l’ai été, c’est terrible quand on se dit qu’on joue la poule pour le maintien, on est des faire-valoir. Quand on s’engage dans une compétition, on veut d’abord se qualifier, dire  » on veut être champion », c’est prétentieux mais on veut déjà se qualifier et, si on est un peu plus costaud, on veut pouvoir gagner le titre. 

 

Autre sujet, tu l’as évoqué, ce sont les droits TV. On sait que le contrat avec l’Équipe arrivait à échéance et j’imagine qu’à la Fédé, on doit travailler d’arrache-pied pour trouver un modèle télévisuel qui permette d’être rémunérateur pour les clubs afin qu’ils aient une petite manne financière qui soit conséquente ? 

 

Oui, on travaille dessus, aujourd’hui, il n’y a rien de fait mais on travaille bien sûr dessus. Mais j’ai envie de dire qu’il ne faut pas rêver, les chaînes de télévision sont sur la Pro D2 et le Top 14 pourtant, il y a moyen quand on voit la qualité des matchs et au-delà de leur intensité, le fait que ce soit équilibré. On ne sait jamais qui va finir premier, il n’y pas un grand fossé entre le premier et le dernier.  Donc, tout ça est très intéressant et télégénique, c’est un plaisir de regarder ces matchs-là et je pense qu’à terme, quand la compétition sera installée, on trouvera des gens qui voudront la diffuser. 

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Il y a aussi de nouveaux modes avec le streaming, comme l’ont fait les clubs en s’auto-diffusant sur les réseaux sociaux. On a vu de belles réussites avec des matchs comme Albi / Narbonne qui ont fait 40 000 spectateurs en streaming ce qui n’est quand même pas mal pour de l’auto-diffusion ? 

 

Qui aurait dit ça il n’y a ne serait-ce qu’un an ? C’est une très belle chose, une très belle initiative, une très belle opportunité et ça montre encore une fois que beaucoup de gens ont envie de regarder ces matchs-là. 

 

On va également parler rapidement de la Coupe du Monde 2023, ton bébé, qui te tient à cœur et qui va être fédérateur pour tout le rugby français. On sait qu’il y a un programme Campus 2023 et que plein de clubs de Fédérale 1 et de Nationale en profitent. Tu peux nous expliquer en quoi il consiste ? 

 

Ça vient du directeur général de la Coupe du Monde, le président de l’organisme qui maîtrise et organise la Coupe du Monde. Il a signé un partenariat avec le Ministère du Travail qui met à disposition un budget équivalent à 80 millions d’euro et plus de 3 000 apprentis à disposition de la Coupe du Monde. Ces derniers, pour une grosse partie, vont aller dans les clubs, dans les Comités Départementaux et dans les Ligues pour structurer et organiser, donner un coup de main à tous ces bénévoles. Ce sont des gens qui ont des diplômes, je suis récemment allé à La Chapelle sur Erdre dans la région nantaise et j’ai vu les trois apprentis qui accompagnent la Ligue des Pays de Loire. Il y en a une que je connais car c’est la nièce de Joce Suta que j’ai entraîné à Toulon, qui est diplômée en droit et le président de la Ligue me disait  » tu ne peux pas savoir tout ce qu’elle nous apprend ni comment on va plus vite « . Ces apprentis servent à ça, ils viennent chercher une expérience professionnelle mais ils apportent surtout leurs compétences, ils viennent aussi chercher un diplôme dans le sport. Encore une fois, c’est une chose remarquable, une valeur ajoutée pour tous les clubs et que je crois, très intéressante. 

 

Et cette Coupe du Monde sera celle de tous les clubs de France ? 

 

Bien sûr, c’est la Coupe du Monde de tous les clubs, de tous les passionnés de rugby et au-delà, de toute la France et de tout le territoire. J’adore les Jeux Olympiques mais les JO sont très parisiens tout comme c’est très Tokyo au Japon, tu peux avoir un endroit ou autre comme pour la voile mais 90% des compétitions seront à Paris. La chance que nous nous avons, c’est que nous occupons tout le territoire donc c’est effectivement la Coupe du Monde de toute la France. 

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On a parlé de Patrick Buisson qui a beaucoup travaillé sur la pyramide des compétitions mais quand tu as créé la Nationale, il y a une personne dans l’ombre qui a beaucoup ferraillé. Au #MagSport, on le surnommait  » le Quai d’Orsay  » ou  » le diplomate de la FFR « , il s’agit de Maurice Buzy-Pucheu. On peut quand même lui tirer un grand coup de chapeau car, dans l’ombre, avec son entre-gens et sa gouaille légendaire, il a réussi à mettre tout le monde autour de la table ? 

 

Exactement. D’abord, Maurice est un très, très bon coordinateur et créait une très, très bonne liaison entre la Fédération et les clubs. Patrick a un peu ce profil-là, ce sont gens des gens qui ont beaucoup d’humilité, beaucoup de passion et beaucoup d’expérience, qui savent écouter les clubs comme je l’ai dit. Et puis, ils sont à l’image de cette Fédération que j’ai souhaitée, où l’on n’impose rien : on propose et ce sont eux qui disposent. Maurice a en effet fait un travail considérable et tu as raison de le féliciter et de lui rendre hommage parce qu’il est évident qu’il est à l’initiative de cette compétition de Nationale. 

 

Propos recueillis par Loïc Colombié

https://fb.watch/5YdXtw_o0I/
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Retrouvez en replay vidéo l’itw de Bernard Laporte au « Le #MagSport – Studios H2G » le 4 juin 2021

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