#Rugby / JM Lhermet (Ovale Ensemble) : «Les 4 ans qui viennent sont un tournant pour le rugby français!»

Ancien capitaine emblématique de l’ASM, haut dirigeant pendant de nombreuses années de son club de cœur, l’ex international, Jean Marc Lhermet, a décidé de se lancer dans la bataille avec Florian Grill, pour tenter de détrôner Bernard Laporte, l’actuel numéro 1 du Rugby Français. Positionné au second rang sur la liste « Ovale Ensemble », celui qui fut un des fondateurs de Provale, nous a livré la genèse de son engagement dans cette bataille politique et le cœur du projet qu’il compte mener si les clubs de l’ovalie Francaise le portent aux affaires fédérales en octobre 2020. Alerte sur le sujet des licenciés et du rugby scolaire, ne s’échappant pas sur le sujet du « Grand Stade », cet ancien vice président de l’UCPR (Union des Clubs Professionnels de Rugby), prône un rapprochement avec la Ligue Nationale de Rugby et un apaisement des mœurs. Mais celui qui a porté par 3 fois le maillot frappé du coq, n’oublie pas de jeter un regard sur l’équipe de France , la coupe du monde 2023 et bien entendu la réforme de la fédérale 1 ayant amené la création de la division Nationale. Rencontre avec un candidat qui reconnaît certaines réussites lors du mandat Laporte, mais qui ne se retrouve pas dans la méthodologie et la philosophie de l’ancien secrétaire d’état au sports. Souvent défait sur le terrain quand ils s’affrontaient en tant que directeur sportif de l’ASM et manager du RCT, Jean Marc Lhermet vaincra-t-il le signe indien face au numéro 2 du rugby mondial? Réponse en Octobre 2020.

Jean Marc, vous avez arrêté votre carrière en 1999. Entre temps, vous avez fait foule de choses mais, pour le moment, vous êtes en seconde position sur la liste de Florian Grill pour prendre la présidence de la Fédération Française de Rugby. Depuis que vous avez stoppé votre carrière de rugbyman, quelle vision avez-vous de ce rugby ? Comment a-t-il évolué entre le rugby de Jean-Marc Lhermet et le rugby de 2020 et quel regard portez-vous sur le rugby français ? 

Ce rugby a subi une véritable révolution puisque le professionnalisme s’est vraiment mis en place au début des années 2000 avec tous les bouleversements que ça a pu engendrer à la fois sur la dimension jeu et la dimension sportive mais aussi sur la dimension relationnelle et tout l’impact que ça a pu avoir sur ce qu’est le rugby dans son ADN et dans ses valeurs. Si l’on compare le rugby d’aujourd’hui avec le rugby d’il y a 20 ans, c’est vrai qu’il a énormément évolué. C’est difficile de dire si c’était mieux ou moins bien, déjà, de un, nous n’avions pas le choix, il fallait évoluer et il fallait aller dans ce sens parce-que tout le monde prenait la voie et, si nous ne la prenions pas, nous n’existerions plus aujourd’hui. Il y a des choses qui sont mieux et il y a des choses qui sont moins bien mais, ce qui est sûr, c’est que ce rugby est différent. Il y a quand même eu quelques dérives qui sont dommageables parce qu’elles sont complètement déphasées, en tous cas, dans la vision que j’ai moi du rugby et de la façon dont il s’est construit au fil des ans depuis qu’il a été créé au milieu du 19e siècle. Je pense que ce n’est pas rédhibitoire et que, par rapport à ce qu’il s’est passé au cours des 20 dernières années, on peut garder le bon tout en essayant de corriger les dérives qu’il y a pu avoir mais ça demande beaucoup de travail. 

Vous n’avez pas peur que ce rugby ne se calque un peu trop un jour sur le modèle économique du foot ? Ce n’est pas l’un des risques ? 

Oui, forcément, lorsqu’on parle de professionnalisme et de sport professionnel, la référence que l’on évoque, c’est le foot avec les excès qu’il peut y avoir derrière cette discipline. Maintenant, même si nous avons pris des voies qui pouvaient laisser penser que l’on allait dans cette direction, je pense quand même que le rugby est un sport à part, qu’il demande dans son jeu des qualités humaines qui sont particulières. Même si elles ont été un peu modifiées de par le professionnalisme, il y a quand même un ADN dans ce sport qui fait que nous n’irons pas aussi loin que dans le foot. Par contre, il est clair que nous avons pris des directions qui ne sont pas très bonnes et qu’il faut corriger. 

Vous êtes N°2 sur la liste de Florian Grill. Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager auprès de ce dernier : l’homme, le personnage, le projet ou bien aussi, une envie de rendre au rugby ce qu’il vous a apporté ? 

Au départ, c’est essayer de faire évoluer les choses. Je suis un peu inquiet de l’évolution que prend aujourd’hui le rugby et à tous les niveaux, pas qu’au niveau professionnel. Parce-que, par capillarité, je pense que ce qui se passe au plus haut niveau a des impacts sur tout le rugby fédéral et territorial. Il y a aussi une évolution de la société qui fait que les choses ont énormément changé et que ce sport a du mal à trouver sa place dans ce contexte à la fois sociétal et sportif qui a énormément évolué depuis 20 ans. Je pense également que les orientations et la façon de faire de la gouvernance en place n’est pas en phase avec mes idées à moi. Du coup, plutôt que de rester dans mon coin à critiquer et à dire que je ne suis pas d’accord et que ça ne va pas, j’ai voulu essayer de réfléchir avec quelques autres personnes à ce qui pourrait être un nouveau projet pour le rugby français, plus en phase avec nos idées et le contexte sportif et sociétal. Et c’est vrai que mes premières discussions avec Florian Grill, que je ne connaissais pas particulièrement il y a maintenant deux ans mais que j’ai appris à connaître tout d’abord à travers nos échanges via les réseaux sociaux, ont fait que, ses idées dans un premier temps et l’homme dans un second temps, m’ont plu. Aujourd’hui, j’ai envie de m’engager avec lui dans ce projet-là parce-que je suis persuadé que c’est vraiment l’homme de la situation. 

Parlons de ce projet qui s’articule autour de deux mesures phares : l’augmentation des licenciés et, bien sûr, introduire et occuper le champ du rugby scolaire ? 

Disons qu’il y a trois axes principaux. Le premier est de relancer le nombre de licenciés, ça, c’est clair et évident. Il y a moins 54 000 licenciés en quatre ans, nous avons perdu 25% des licenciés dans nos écoles de rugby et c’est dramatique. Cela veut dire que nous sommes en train de se couper le sang dans les veines et qu’à ce rythme-là, le rugby aura disparu dans 10 ou 15 ans. La situation est vraiment alarmante donc, relancer le nombre de licenciés est la priorité et le projet scolaire fait partie de cet axe-là puisque c’est entre autres au niveau du scolaire que l’on arrivera à nos fins. Après, en plus de relancer le nombre de licenciés, un des deux autres axes est d’aider les clubs. Actuellement, les clubs souffrent, de manières différentes mais, même les clubs de 4e série aujourd’hui ont de plus en plus de mal à exister et à survivre alors que ce sont des acteurs très importants du rugby, notamment de sa dimension citoyenne. Ensuite, c’est d’aider les bénévoles : les clubs ont de plus en plus de difficultés à recruter des bénévoles parce-que la société change, parce qu’il faut plus les valoriser et donner du sens. Aujourd’hui, nos trois axes principaux sont ceux-là : relancer le nombre de licenciés, aider les clubs, leur faciliter la vie et aider à recruter des bénévoles. 

Pour préparer cette interview, j’ai regardé un peu l’historique des licences. C’est quelque chose qui est assez profond parce-que, certes, il y a eu une baisse des licenciés sur les 4 dernières années mais la plus grosse est en 2010 / 2013. Comment expliquez-vous que cette baisse de licences soit quasiment chronique sur une décennie ? 

Il faut déjà faire attention quand on parle des chiffres parce qu’en fait, lorsqu’on parle de nombre de licenciés, il faut comparer à périmètre égal. Parce-que, sur certaines années, on y a intégré ce qu’on appelait  » les pass rugby « , sur d’autres, on y mettait le rugby adapté. Il y a des modes de calcul, qui quelques fois d’ailleurs, sont utilisés pour cacher la vérité. Ce qui est sûr, c’est que si l’on regarde à périmètre constant, en prenant vraiment le même périmètre quelles que soient les années, la grosse chute est depuis quatre ans. Je ne dis pas que c’était mieux avant, je ne suis pas un nostalgique du passé, je ne suis pas là pour revenir à la période Camou où à la période Lapasset. Je pense qu’il ne faut surtout pas essayer de comparer ou de refaire les mêmes choses : la société a tellement évolué, en 15, 10 ou 5 ans que ce serait une énorme erreur que de dire  » il faut faire comme avant  » ou de se comparer au passé. Non, nous sommes vraiment pour un nouveau projet donc, mon argumentation n’est pas de dire que ce qu’a fait Laporte était et que ce qui a été fait avant était mieux. Laporte a fait des choses qui étaient des bonnes choses et d’autres qui étaient moins bonnes et ce sont celles-là que je veux essayer d’améliorer. Et, concernant la baisse des licenciés, il est clair que le déclin s’est accentué depuis quatre ans et tout n’est pas la faute de Bernard Laporte. Il y a déjà l’image du rugby qui est de plus en plus mauvaise. On a beaucoup parlé des accidents qu’il y a eu ces deux dernières années, on voit les images du Top 14 et du très haut-niveau qui sont quelques fois assez violentes et cette violence est souvent exacerbée au travers des images qui sont proposées. Donc, tout ça ne donne pas envie aux mères de familles ni aux pères de familles de mettre leurs enfants dans les écoles de rugby. 

 

Et puis, il y a aussi un fossé qui se creuse entre le monde professionnel et le monde amateur ? 

Effectivement, ça existe aussi mais l’image est vraiment importante. La problématique, et c’est ce que je reproche à la gouvernance en place, c’est que l’on n’a pas communiqué pour montrer que le rugby des écoles de rugby n’est pas celui que l’on voit chez les professionnels. L’école de rugby est un moment magique pour développer les enfants, les aider à grandir, les former et leur inculquer des valeurs mais ça, il faut le dire. Il faut passer des clips à la mi-temps des matches pour montrer toutes les vertus que peut avoir le rugby et que ce qu’on propose aux enfants des écoles de rugby n’est pas du tout ce que l’on voit à la télé. Pendant la Coupe du Monde au Japon, nous n’avons pas vu un seul clip qui montrait cela. Nous avons vu des communications qui disaient qu’on avait changé le logo de l’équipe de France, que le coq était un peu plus gros mais je dirai qu’on s’en fout, ce n’est pas ça l’essentiel. L’essentiel est de montrer que le rugby est éducatif, que le rugby qu’on propose dans les écoles n’est pas celui-là. Il faut donner envie et ça, ça a été complètement abandonné par la gouvernance actuelle qui a axé sa communication sur d’autres priorités. Je trouve cela vraiment dommage et donc, effectivement, pour relancer les licenciés, il y a cette communication qui est indispensable mais aussi le travail dans le scolaire qui est là-aussi vital. Et puis, on parle beaucoup d’aller chercher de nouveaux licenciés mais il faut aussi les garder : la moyenne d’une durée de licence FFR pratiquant est de 2,3 ans. On s’épuise à aller chercher des licenciés qu’on ne sait pas garder donc, là encore, il y a un gros travail à faire pour fidéliser nos jeunes dans les écoles de rugby et donc, travailler sur les éducateurs, la formation des éducateurs et la façon dont nous allons fidéliser nos enfants. 

Et quelle est la solution pour fidéliser ces licenciés ? 

Fidéliser les licenciés, c’est déjà avoir beaucoup plus d’éducateurs formés. Nous avons fait une petite étude et, sur une moyenne nationale, nous avons 30% d’éducateurs formés donc, des éducateurs qui ont un brevet fédéral en poche. Donc, forcément, la qualité de l’enseignement dispensé pourrait être meilleure. Un de nos chevaux de bataille est d’augmenter le pourcentage d’éducateurs formés et de le passer de 30 à 80%. Ça va déjà être un point indispensable pour fidéliser nos licenciés. Et puis, surtout, c’est redonner du plaisir. Aujourd’hui, quand les enfants vont s’entraîner, quand ils vont faire du rugby, il faut qu’ils aient la banane et qu’ils aient envie de revenir, il faut qu’ils rigolent. Et là, il faut aussi que l’on adapte notre formation rugby pour y amener beaucoup plus de plaisir, réduire la dimension compétitive qui, quelques fois, gâche tout parce qu’il y a des enfants qui ne jouent pas. Gagner devient plus important que de donner du plaisir et former donc, il faut revoir tout ça de façon à garder nos enfants dans les écoles. 

Vous parliez tout à l’heure du fait que Bernard Laporte et son équipe avaient réussi des choses. Parmi ces dernières, il y a l’équipe de France qui a eu un rebond mais aussi l’obtention de la Coupe du Monde 2023. Quelle est la position sur ces deux sujets de la liste Ovale Ensemble ? 

Je ne suis pas un bon politique et je vais en rajouter une, comme quoi, vous voyez que je ne suis vraiment pas dans cette dynamique-là, ce sont les CTC que moi, je mettrai vraiment en N°1. La réforme des CTC est une bonne réforme parce-que ces conseillers techniques vont être au plus près des clubs pour les aider dans leurs quotidiens, ça va permettre de mieux former les jeunes. Nous, ce que l’on pense, c’est que par contre, la mission des CTC n’est pas claire et qu’il faut vraiment la clarifier parce qu’ils sont un peu perdus dans leurs fonctions mais, l’idée de faire des CTC est une bonne idée. Quant à l’équipe de France, après trois ans de perdition, il faut quand même rappeler qu’elle a touché le fond il y a maintenant deux ans et, c’est l’une des problématiques de la gouvernance actuelle. Il faut reconnaître que l’arrivée de Galthié et Ibanez a l’air d’améliorer les choses. Le dernier tournoi a été positif, c’est évident, et nous avons besoin de cela. 

 

Il y avait quand même eu déjà quelques petits prémisses, lors de la Coupe du Monde, d’un renouveau et d’une nouvelle dynamique ? 

En termes de classement, nous avons quand même frôlé la 9e ou la 10e place. Ce n’était pas très glorieux par rapport à une équipe qui, aujourd’hui, a le potentiel pour vraiment être dans les quatre premiers. La Coupe du Monde nous a permis sur un match de redonner de l’espoir mais, avant l’arrivée de Fabien Galthié, les résultats ont quand même été mauvais, il faut le dire. On peut même dire qu’en termes de statistiques, si on ne se réfère uniquement qu’aux statistiques même s’il n’y a pas que ça mais aussi le jeu et la forme de jeu, les trois premières années de Bernard Laporte ont été la pire période en termes de résultats de l’équipe de France. Il faut le reconnaître, et c’est bien, et on en est content, ça a l’air d’aller mieux et on espère que cela va se confirmer. Avec une équipe qui va préparer 2023, avec des jeunes qui sont en train de monter en puissance et de répondre aux défis qu’on leur propose, c’est très bien et il faut que ça continue lors des prochains tournois et surtout cette Coupe du Monde qui arrive en 2023. Là encore, c’est une des réussites de la gouvernance en place d’avoir pu, contre toute attente, récupérer cette Coupe du Monde. C’est vraiment intéressant pour le rugby à condition qu’on la réussisse (rires). Ce n’est pas tout de récupérer 2023 mais il faut la réussir et, quand je dis réussir, c’est la réussir en termes d’organisation, d’affluences, de résultats évidemment et en termes d’héritage. Il faut que cette Coupe du Monde puisse bénéficier à l’équipe de France mais aussi à tous les clubs, du plus petit club de série jusqu’au plus grand club professionnel. Il faut que tout le monde, d’une manière ou d’une autre, puisse profiter de cette Coupe du Monde 2023. 

Qui dit Coupe du Monde dit infrastructures. Dans votre liste, il y a un certain Serge Blanco, joueur certes mythique, mais qui était aussi avec Pierre Camou dans l’ancienne direction, et qui avait un grand projet : celui du Grand Stade. Est-ce qu’Ovale Ensemble va relancer et ressortir des cartons le projet du Grand Stade ? 

La réponse est très claire et elle est négative, déjà tout simplement parce-que les finances de la Fédération ne le permettent pas. Très clairement, nous avons aujourd’hui une Fédération qui a dilapidé sont trésor de guerre. C’était une Fédération qui était assez riche, il y avait justement pas mal d’économies qui avaient été faites pour assurer l’avenir, pour développer les fondations, ce qui permet d’anticiper des problématiques de blessures et d’assumer les blessés que l’on serait susceptible d’avoir. Ce trésor de guerre a été dilapidé et, aujourd’hui, la Fédération Française n’a plus d’argent. Et donc, quoi qu’il en soit, ce projet n’est très clairement plus d’actualité. Après, cela ne veut pas dire qu’on ne va pas réfléchir à des solutions alternatives. Nous savons qu’il va y avoir des choses autour du Grand Stade : l’Etat va se désengager, qu’allons-nous faire de ce Grand Stade ? Est-ce que nous allons, avec d’autres Fédérations, réfléchir à un mode de fonctionnement différent autour de l’utilisation du Grand Stade ? Je ne sais pas. Quand je parle du Grand Stade, je parle bien sûr du Stade de France car, le projet de construction d’un nouveau stade est abandonné, fini et on n’en parlera plus. 

Avec le recul, maintenant que l’on a vécu la crise du coronavirus et tous les impacts financiers que ça a eu, si ce projet de Grand Stade s’était fait, n’aurait-il pas été un poids ou un boulet financier pour la Fédé ? 

Franchement, je ne sais pas, je n’ai pas vraiment d’avis là-dessus. Ce que je sais, c’est que ce projet est mort et enterré, il a été très bien utilisé par Bernard Laporte pour pouvoir gagner. Ça a fait beaucoup parler mais, comme je le disais tout à l’heure, ça, c’est le passé. Ça a effectivement été un élément très important dans la campagne mais moi, je regarde devant et ce que je vois devant, c’est qu’il n’y aura pas de Grand Stade. Il y aura peut-être une réflexion autour de l’utilisation que l’on va dire optimisée du Stade de France mais pas plus. 

Ça, c’était le passé et on va maintenant parler du présent et le présent, ce sont les élections. On voit qu’il y a actuellement un grand sujet : le débat sur la date des élections. Ces dernières doivent avoir lieu en Octobre, pourquoi, avec Ovale Ensemble, voulez-vous les déplacer ? Pour quel motif désirez-vous un changement dans le calendrier ? 

Le motif est très simple : aujourd’hui, il y a un code électoral qui a été voté en Assemblée Générale de la Fédération Française de Rugby en décembre dernier et qui dit que la campagne et le processus électoraux durent 9 mois. Dans la mesure où la Fédération Française de Rugby avait positionné son Assemblée élective le 3 Octobre, cela donnait un départ le 3 Janvier. Donc nous, effectivement, nous avons travaillé sur cette campagne, nous nous sommes beaucoup déplacés, nous avons fait beaucoup de réunions de terrain et nous n’avons plus besoin de nous faire connaître parce-que nous partions avec du retard. Florian Grill n’était pas forcément très connu de même que notre programme, il y avait pas de mal de choses nouvelles. Donc, nous voulions absolument le faire connaître sauf qu’il y a quand même eu un élément très important qui est venu percuter cette organisation, c’est la crise du Covid qui nous a obligés à complètement changer notre fusil d’épaule. Il y a eu une période de neutralisation de la campagne complète pendant un mois et demi puis après, une campagne qui a été complètement bouleversée parce qu’on ne pouvait pas se déplacer. Nous étions obligés de discuter virtuellement au travers de réunions via l’ordinateur et du coup, notre campagne et la campagne électorale ont été complètement modifiées. Donc, ce que nous demandons, c’est simplement que la date des élections soit décalée en fonction du temps où la campagne n’a pas pu se faire normalement. C’est simplement une logique démocratique et un respect du règlement qui a été voté par tous les clubs sur les 9 mois de campagne prévus dans le code électoral. 

Je vais me faire un peu l’avocat du diable. Il y a un petit mois, nous avons vu un sondage, qui vaut ce qu’il vaut car « Rugby Fédéral » n’est pas un institut de sondage officiel, qui vous donnait gagnant face à Bernard Laporte. A l’inverse, un autre sondage du Midol donnait Bernard Laporte vainqueur. Quand on voit que ce dernier sondage vous donne gagnant, pourquoi vouloir déplacer les élections alors que pour l’instant, à priori, vous seriez en dynamique ? Ce serait peut-être plus intéressant pour vous qu’elles se passent le plus vite possible puisque vous êtes dans le positif  et qu’en politique, puisque nous sommes en plein dedans, ça va, ça vient les dynamiques

Il faut déjà bien comprendre quelque chose : dans notre vision au niveau de la liste Ovale Ensemble, Florian Grill, moi-même, les élections ne sont pas ce qu’il y a de plus important dans notre état d’esprit. Ce qu’il y a de plus important, c’est ce qui va se passer après. Nous pensons vraiment que les quatre ans qui viennent sont un tournant pour le rugby français, très sincèrement. Ce qui va se passer à ce moment-là va conditionner la voie que va prendre le rugby, son évolution et le rugby que l’on veut construire pour nos enfants. C’est ça qui nous importe, c’est ce programme qui nous importe. Ce qui nous importe, c’est de présenter aux présidents de clubs ce que l’on veut de faire de façon à ce que, quand ils votent, ils votent pour ce projet-là. On ne leur demande de voter contre Laporte, on veut qu’ils votent pour ce projet et donc, nous avons besoin du temps nécessaire pour le présenter à tout le monde. Et nous estimons que, dans le temps qu’il nous reste, nous n’aurons pas le temps de rencontrer le reste des présidents que nous n’avons pas vu pour leur présenter ce projet-là. Pour nous, les élections sont un moyen d’arriver à cela. Il faut effectivement les gagner, c’est un moyen incontournable mais le plus important pour nous est que les présidents qui voteront pour nous valident le projet que l’on veut mettre en place. Et pour cela, nous avons besoin de plus de temps. Et puis, les sondages, vous le savez très bien car on l’a déjà vu en politique, ça vaut ce que ça vaut, ça peut changer du jour au lendemain en fonction de qui les fait, où on les fait, par qui on les fait. Donc, nous n’y accordons pas beaucoup d’importance, ce que nous voulons, c’est vraiment construire le meilleur programme pour le rugby français, pour les 4 ans qui viennent qui seront déterminants, c’est le soumettre aux clubs et aux présidents de clubs, avoir leurs réactions pour vraiment le préciser et le peaufiner pour avoir la meilleure stratégie possible. C’est vraiment cela qui nous importe et nous avons besoin de plus de temps pour le faire. 

Il y a un autre sujet qui a émaillé l’actualité de cette campagne électorale : ce sont les rapports entre la Fédération Française de Rugby et la Ligue Nationale de Rugby. Nous avons vu l’une de vos déclarations où vous tanciez un peu Bernard Laporte sur ses rapports  » virils  » avec la LNR. Comment Ovale Ensemble arrivera à remettre la grande famille du rugby dans le même giron ? Parce-que, pour l’instant, ce sont quand même deux entités qui se tournent quasiment le dos ? 

Oui, aujourd’hui, on peut le dire, c’est très clairement la guerre entre la Fédération Française de Rugby et la Ligue mais c’est la guerre depuis le début. Et ce n’est pas étonnant que ce soit la guerre parce-que, sur une situation qui n’était déjà pas forcément très évidente, et là encore, je ne dis pas que c’était beaucoup mieux avant, Bernard Laporte a jeté de l’essence sur les quelques braises qu’il y avait et ça a enflammé la relation. Dès le départ, il est arrivé en disant  » moi, je veux la tête de Paul Goze et d’Emmanuel Echalier  » qui sont le président et le directeur général de la Ligue. Il voulait reprendre, sous giron direct de la FFR, le sport professionnel, les compétitions et l’argent qui va avec mais ce n’était pas possible. Donc, là-encore, et c’est aussi un peu cela que je reproche à cette gouvernance, je l’ai déjà dit et je le répète, c’est cette méthode bulldozer de prises de décisions à coup de menton sans pour autant en calculer les répercussions et les conséquences. Ça n’a pas marché et, forcément, lorsque vous voulez prendre la place de quelqu’un en leur disant qu’ils ne servent à rien et que ça ne marche pas, ces personnes-là ne sont pas forcément enclines à discuter et à échanger avec vous. Donc ça, déjà à la base, ça a positionné la situation comme une situation de conflit entre la Ligue et la Fédé et tout ce qui s’est passé après étaient juste des négociations et des transactions pour essayer de continuer à fonctionner ensemble. Mais, ce n’était sûrement pas dans l’intérêt du rugby français, c’était dans les meilleurs compromis entre les intérêts de la Ligue et ceux de la Fédé. Nous, ce que nous voulons, c’est discuter positivement avec la Ligue et les clubs pros parce-que nous pensons qu’il n’y a pas deux rugbys. Il n’y a pas un rugby pro et un rugby amateur, il y a un seul rugby qui est le rugby français et que chacune des positions, que ce soit la partie professionnelle ou la partie amateur, doit s’enrichir et doit profiter de l’autre. Mais ça, il faut le construire et il faut le construire ensemble donc, la première chose que nous voulons faire, c’est se mettre autour d’une table et réfléchir à un projet stratégique commun. Aujourd’hui, il y a un projet stratégique de la Ligue qui a été construit par les gens de la Ligue et il y a un projet stratégique de la Fédé qui a été construit par les gens de la Fédé mais il n’y a pas de cohérence entre les deux alors qu’il y a vraiment des points communs entre la Ligue et la Fédé. Il y a la formation, les équipes de France, il y a plein de choses communes donc, ce qu’il faut en priorité aujourd’hui, c’est définir un projet stratégique commun pour le rugby français et décliner le projet stratégique de la Ligue et le projet stratégique de la Fédé de façon cohérente par rapport à ces priorités nationales qui doivent être écrites et validées par tous. La première chose quand vous voulez travailler avec quelqu’un, c’est de discuter avec et il faut essayer de trouver des points de convergence afin de s’en servir comme base de discussion et de travail. 

Un exemple concret de ces relations Ligue / FFR : à l’arrêt des compétitions, Bernard Laporte a voulu que tous les clubs de France et de Navarre montent et qu’il n’y en ait aucun qui descende. Malheureusement, entre la Fédérale 1 et la Pro D2, le fil entre rugby amateur et rugby pro a été coupé par les clubs professionnels qui ont un peu voulu rester dans un entre soi, Albi, Massy et Bourg-en-Bresse en ont fait les frais. On a vu une Fédération assez proactive pour défendre ces clubs qui sont sous le giron fédéral. Est-ce que, si vous aviez été aux manettes, vous auriez fait pareil et seriez montés au front ? Est-ce que vous seriez un peu allés rentrer dans  » les ribs  » de la Ligue pour défendre Albi et Massy 

Si nous avions été aux affaires, nous n’aurions pas du tout procédé de la même manière pour réfléchir à l’évolution des compétitions et à l’adaptation suite à la crise Covid. La première chose qu’a faite cette Fédération, c’est déjà de détruire la commission des épreuves qui était chargée de cette réflexion-là pour créer une commission exceptionnelle des épreuves qui n’avait pas lieu d’être. Ce n’est pas parce qu’il y a une crise Covid qu’il faut détruire une commission et la remplacer par une autre. Et puis, tout d’un coup, ils ont mis en place toute une série de mesures très rapides, dans la précipitation et qui n’ont pas forcément été bien étudiées. Ils n’ont pas anticipé toutes les conséquences des mesures qui ont été prises avec, et je vais mettre un petit coup d’épaule, beaucoup de motivations électoralistes et clientélistes. Parce-que,  » je fais monter tout le monde, je ne fais descendre personne, je réduis les obligations « , c’est facile à dire, c’est facile à prendre mais les conséquences de tout cela ont mal été anticipées. Donc, après, ça n’a été qu’adaptation en fonction de ces décisions rapides et impulsives qui ont été prises et, les problématiques que l’on évoque en sont les conséquences. On est parti au début sur une Fédérale 1 à 60 clubs qui était une hérésie ! Une hérésie sportive, une hérésie au niveau de la santé des joueurs, il a fallu aller chercher des équipes qui étaient 3es, 4es de Fédérale 2 pour les faire monter en Fédérale 1. Là encore, je qualifie cette décision d’irresponsable. Et après, il a fallu s’adapter et donc, une fois que l’on a fait le constat que ce n’était pas possible parce-que c’était dangereux car trop d’écart sportif, on a fait une Nationale. 

Que pensez-vous de ce championnat National ? 

Là encore, c’est pareil. Je pense que l’idée de créer un sas entre monde amateur et monde professionnel est bonne. On en parle depuis des années et je pense qu’elle est indispensable parce-que l’écart a tendance à se creuser entre les équipes professionnelles et les autres. Donc, pour réduire ces écarts, et si l’on ne veut pas à terme arriver à l’équivalent d’une ligue fermée, il faut faire évoluer les choses. Par contre, il ne faut pas le faire de façon impulsive et non réfléchie. Cette poule intermédiaire, ce sas, doit être fait avec la Ligue Nationale de Rugby qui doit participer à cette poule-là. Elle doit participer financièrement, apporter ses compétences de façon à ce que ce soit un vrai sas entre les deux structures et donc, qu’elle soit gérée conjointement entre la Fédération et la Ligue. Là, la Poule Nationale a été créée simplement parce-que nous avions trop d’équipes en Fédérale 1 et qu’il fallait réduire ces poules-là. C’est complètement aberrant et c’est à l’image de la façon de faire de cette Fédération : on prend des décisions comme cela du jour au lendemain et après, on essaie de mettre des pansements pour gommer les conséquences négatives que peuvent avoir la prise de ces décisions. Ça, c’en était une et, pour répondre à votre question, oui, je pense qu’il faut créer une structure intermédiaire entre le monde pro et le monde amateur mais pas comme ça a été fait par la gouvernance en place. 

Il y avait quand même une demande et une volonté des clubs, je pense à Bourg-en-Bresse, à Narbonne, à Dijon, qui ont été très proactifs pour qu’il y ait la création de cette Nationale. Il y avait quand même cette volonté de certains clubs professionnels qui étaient en Fédérale 1 parce qu’il y avait aussi la problématique de cette division de voir des équipes comme Albi ou Bourg passer parfois 75 / 80 points à des équipes amateurs. Certes, les équipes amateurs étaient fières de jouer contre ces équipes qui sont d’illustres bastions du rugby mais il y avait quand même aussi un danger entre des joueurs qui s’entraînaient deux fois par semaine et d’autres qui s’entraînaient 6 à 7 fois par semaine ? 

 

Je suis bien d’accord. C’est ce que je vous dis, je pense qu’il y a trop d’écart dans cette Fédérale 1, notamment suite à cette première étape d’évolution qui avait été faite des 60 clubs et qu’il faut penser à quelque chose. Mais, il faut penser quelque chose, et on rejoint le problème évoqué tout à l’heure, avec la Ligue Nationale de Rugby. Quand vous êtes en conflit avec cette dernière, vous n’êtes pas en situation idéale pour négocier ce genre d’organisation. Donc oui, il faut réfléchir à quelque chose d’intermédiaire mais le contexte actuel de relations entre les deux institutions fait que c’est compliqué à mettre en œuvre aujourd’hui. 

Pour revenir sur la question antérieure, avec le fait qu’Albi et Massy, et même si ça avait été d’autres clubs, aient été recalés pour monter en Pro D2, cela ne vous donne pas l’impression qu’un signal assez néfaste de ligue fermée ou d’entre soi a été envoyé par la Ligue ? Ça casse un peu ce lien qui est fort entre le rugby amateur et le rugby professionnel dont la finale de Top 14 en est la quintessence car on y voit tout le rugby à sens large qui se fédère.

Très sincèrement, je ne pense pas qu’il y ait une volonté délibérée de la part de la Ligue Nationale de Rugby d’empêcher des clubs de monter. Je suis persuadé que ce n’est pas la réalité. Il se trouve qu’il y a eu cette crise qui est passée par là et qu’il fallait s’adapter à cela. Oui, la Ligue aurait pu dire, comme la Fédération,  » on fait monter tout le monde et ne descendre personne  » mais après, il faut assumer le fonctionnement derrière, augmenter encore ce monde professionnel et augmenter la bulle financière. On ne parle pas beaucoup de cela mais tout ce qui a été mis en œuvre par la gouvernance actuelle ne fait que grossir cette bulle financière dont on sait qu’elle est délétère à moyen terme pour le rugby français. Donc la Ligue n’a pas voulu rentrer dans ce jeu-là de dire  » on va faire plaisir à tout le monde, on va faire monter des équipes et peu importe ce qui se passera après « . Non, elle, elle a réfléchi aux conséquences que ça pouvait avoir et elle a pris cette décision. On peut le regretter et je comprends la réaction de ces équipes-là qui se sentent un peu flouées mais je ne pense pas que ça ait été fait de façon délibérée avec cette volonté de fonctionner entre soi et de créer cette forme de ligue fermée, je ne le pense vraiment pas. 

Comment auriez-vous opéré cette réforme de la Fédérale si vous aviez été aux commandes ? 

Je pense vraiment que, ce qu’il aurait fallu faire compte tenu de la situation, c’est geler les championnats au moment où la crise est apparue et de repartir sur la saison prochaine sur les mêmes bases. Personne ne montait, personne ne descendait et on reprenait le championnat 20 / 21 avec le classement de là où il s’était arrêté l’année d’avant. Compte tenu du contexte, c’était difficile, à moins de faire ce qui a été fait à savoir faire plaisir à tout le monde avec les connaissances que l’on connait et qui sont, à moyen terme, très compliqué pour le rugby parce qu’on a créé une pyramide qui n’en est plus une. On a complètement déshabillé  la base et les championnats territoriaux ce qui est très mauvais pour les petits clubs. Nous aurions continué en faisant un championnat sur deux ans au lieu d’un an et à partir de là, en fin de saison prochaine, nous aurions repris sur un rythme normal. Sachant aussi que la reprise du championnat est quand même fortement aléatoire et qu’aujourd’hui, cette crise Covid n’est pas complètement terminée. Compte-tenu de l’incertitude qu’il y avait sur autant de paramètres, c’était pour moi, je pense la meilleure des solutions à prendre. 

Parlons aussi de cette catégorie espoirs, qui fait débat depuis quelques années. Si Vous arrivez aux commandes avec Florian Grill, quelle va être la position d’Ovale Ensemble sur cette catégorie espoirs ? 

C’est vrai que c’est un sujet assez sensible dont on parle beaucoup et sur lequel on a du mal à apporter des solutions. Là encore, on voit par rapport aux dernières réformes qui ont été mises en place que les espoirs ont un peu été la variable d’ajustement. Au niveau de la catégorie d’âge pour commencer puisqu’on devait réduire et pour simplement des histoires d’obligation sur lesquelles on est revenu, cette catégorie n’évoluera finalement pas au niveau des âges, avec tous les risques au niveau de la santé des joueurs que ça peut induire. Ensuite, pour limiter les coûts puisqu’on s’est aperçu a posteriori que la décision prise de faire monter un maximum d’équipes créait une inflation et donc, forcément, on a décidé de faire voyager ensemble les équipes premières et les équipes espoirs. Donc, finalement, on s’aperçoit bien qu’il n’y a pas de réflexion constructive sur cette catégorie alors que c’est une catégorie clé parce-que c’est vraiment le marchepied entre les jeunes et les seniors. C’est là que tout se passe, que ce soit à haut-niveau qu’au niveau des petits clubs donc ça mérite une vraie réflexion. Nous, nous pensons que cette catégorie doit être revue et notamment en termes d’âge. Je pense vraiment qu’il faut réduire la plage de la catégorie espoirs, qui est très large aujourd’hui, pour des raisons qui sont d’abord de santé du joueur et de la protection de son intégrité physique. On s’aperçoit que les accidents qui ont eu lieu par le passé ont souvent été dus à des écarts de morphologies et de gabarits et donc, on s’aperçoit que des jeunes de 18 / 19 ans et des jeunes de 23 ans voire même plus puisqu’il y a des pros autorisés à évoluer dans ces catégories-là, on a des écarts qui pourraient être éventuellement dangereux. Donc, réduisons cette catégorie : nous considérons qu’il ne sert à rien de garder des joueurs qui n’ont pas forcément le niveau entre 20 et 23 ans pour jouer dans leur équipe fanion. On peut effectivement les prêter ou les muter dans des clubs qui correspondent à leurs niveaux de façon à finaliser leurs formations. Ça ne veut pas dire qu’ils ne reviendront pas un jour dans leur club phare mais peut-être que le surplus de formation dont ils ont besoin pour prétendre à jouer au niveau supérieur, ils vont l’acquérir plus facilement dans un autre club plutôt que dans le même club mais dans une catégorie espoir dont on se pose des questions sur les réelles vertus formatrices. Moi, je serai assez enclin à réduite cette catégorie et à favoriser les mouvements de joueurs de façon à ce que ces derniers aient plus de facilités et de possibilités de s’exprimer dans des équipes seniors d’autres clubs qui correspondent à leurs niveaux. Ça ne veut pas forcément dire qu’ils vont quitter ad vitam aeternam leurs clubs parce-que je sais que la notion de fierté d’appartenance est quelques fois très forte. Mais, nous avons des systèmes de doubles licences et de prêts qui existent, il faut les envisager et les développer de façon à ce qu’on puisse mettre le jeune dans l’équipe dans laquelle il va prendre le plus de plaisir et qui correspond le plus à son niveau. Et en plus, le deuxième avantage de cela, c’est qu’on voit quelques fois sur des bassins ou des territoires des équipes qui sont en sureffectif et d’autres qui ont du mal à boucler leur équipe donc, cela permettrait justement de  » faciliter la vie  » de certaines équipes qui sont un peu justes en effectif que d’avoir ces jeunes joueurs qui viendraient peaufiner leurs formations chez eux. 

Quand on vous entend parler, on a l’impression d’entendre l’ancien fondateur de Provale ? Il y a aussi un peu de ça qui est resté car il faut rappeler qu’avec Emile Ntamack, vous êtes l’un des fondateurs de Provale. La défense de l’intégrité des joueurs, c’est quelque chose qui vous tient à cœur on dirait ? 

C’est clair que ça me tient à cœur au niveau de ma sensibilité humaine mais je pense aussi que c’est vital pour le rugby. On ne peut pas se permettre aujourd’hui d’avoir des accidents comme on a pu avoir ces dernières années. Je crois que l’image de ce rugby se détériore de plus en plus, à la fois au travers du jeu qui est proposé à haut-niveau mais aussi de l’accidentologie qu’il peut y avoir. Donc, il est très important aujourd’hui de se pencher sur ce problème au travers d’évolution de règles comme ça a pu être fait mais aussi au travers de cette capacité à fluidifier les mouvements de joueurs de façon à ce qu’ils trouvent vraiment le niveau qui correspond le plus à leurs gabarits et à leurs qualités de façon à ce qu’ils prennent du plaisir en premier lieu et s’éclater mais aussi qu’ils puissent jouer en toute sécurité. 

On va aussi parler de votre adversaire même si, comme vous le disiez au début, vous n’êtes pas là pour faire de l’anti-Laporte mais pour proposer un projet alternatif. Bernard Laporte était un demi et vous un 3e ligne et souvent, les 3es lignes chassent les demis. On sait que pour vous, en tant que directeur sportif de Clermont, lui a un peu été votre bête noire en Coupe d’Europe lorsqu’il était manager de Toulon. On connait votre côté compétiteur mais n’y a-t-il pas aussi un côté un peu revanche dans ce combat-là ? 

Non, pas du tout, nous sommes sur un autre champ et plus sur le rectangle vert. Comme je le disais précédemment, c’est bien autre chose qui se joue, c’est l’avenir du rugby et ce qui a pu se passer avant n’interfère aucunement dans ce dont on parle. J’ai aussi eu l’occasion de bien combattre contre Eric Champ quand il jouait à Toulon et moi à Clermont et pourtant, nous défendons la même cause et nous sommes au coude à coude dans ce combat-là. Non, ça n’a vraiment aucun rapport, c’est simplement un combat d’idées. Je n’ai rien contre l’homme Bernard Laporte mais je ne suis pas en phase avec la façon dont il gère ce rugby et dans la façon dont il le voit dans le futur. Et je trouve que c’est ça qui est assez clair et intéressant dans cette campagne, c’est que l’on a vraiment deux visions qui sont radicalement différentes. On voir clairement, et surtout en ce moment, que Bernard Laporte a une vision du rugby qui se construit par le haut. Il veut financiariser le rugby, aller générer des ressources par le haut-niveau, au travers de l’équipe de France, de la Coupe du Monde des clubs et de fonds d’investissement et avec cette promesse de faire  » dégouliner  » comme il le dit cet argent. 

La fameuse théorie du ruissellement ? 

Tout à fait sachant que, quand il y a ruissellement, il y a frottement et il y a souvent pertes au passage (rires). Nous, nous ne sommes pas du tout sur ce modèle-là, nous sommes sur un modèle qui est complètement inverse. Nous pensons que le rugby se construit par la base, par la formation, par les clubs. Tous les clubs ont leur importance, il n’y a pas que la compétition : le rugby, c’est aussi l’éducatif, le citoyen et le développement. Le rugby de demain sera fort si la base est forte et l’équipe de France sera forte si la base est forte. Aujourd’hui, toute cette jeunesse qui arrive en équipe de France et qui est en train, sur la durée on l’espère, de redonner un semblant de vigueur à cette équipe de France ont été, pour la plupart, formés et détectés dans des petits clubs. Si ces petits clubs n’existent pas demain, ces joueurs-là iront faire un autre sport, du hand, du judo ou autre chose mais on ne les aura jamais pour le rugby. Donc nous, nous pensons que c’est la base qu’il faut solidifier et consolider, ce sont les bénévoles et les petits clubs qu’il faut aider, relancer le nombre de licenciés et que l’avenir du rugby est là. Il n’est pas forcément au travers de fonds d’investissements ni dans le fait de gonfler la bulle financière, nous ne sommes pas là pour financiariser le rugby. Pour nous, l’économie n’est pas un objectif mais un moyen : oui, effectivement, il faut qu’il y ait de l’argent mais c’est l’argent qui doit nous servir à construire la base, ce n’est pas un but en soi. 

En parlant d’économie, le fait d’élargir la palette de matches amicaux à l’Automne pour générer de nouveaux revenus pour la Fédération Française de Rugby dans ce contexte assez particulier du coronavirus fait dire à certains que Bernard Laporte a plus la casquette de N°2 du rugby mondial que de N°1 du rugby français. Mais, en même temps, il défend les intérêts économiques de la Fédération. Quelle est votre position sur ce grand débat de fond qui existe en ce moment sur cette plage de matches amicaux en Octobre ? 

Pour moi, ça illustre parfaitement aujourd’hui le combat de Bernard Laporte. Son combat, c’est un combat de World Rugby, il est aujourd’hui en train de défendre les intérêts de World Rugby. Il a sûrement, je pense, des velléités futures pour des postes à haute-responsabilité dans ce domaine-là, même si il en a déjà un intéressant et aujourd’hui, il défend cela et non le rugby français. Qu’on aille organiser des matches de l’équipe de France de façon à générer des ressources, pourquoi pas, mais ça se fait encore en discutant. Les clubs étaient prêts à ouvrir une plage pour jouer cinq matches pour l’équipe de France, ce qui n’était pas prévu à la base, mais c’est quelque chose qu’ils étaient prêts à faire. Et bien non, il faut que World Rugby en impose 6 et avec un passage en force. A un moment, oui, c’est bien d’essayer d’aller chercher des ressources, parce-que c’est important d’avoir de l’argent, surtout dans la situation actuelle mais pas à n’importe quel prix, pas en créant la guerre. Parce-que, la situation de conflit dans laquelle il positionne le rugby français aura à moyen terme beaucoup plus d’effets négatifs que le positif que va apporter la recette d’un match dont on ne sait pas combien d’argent il va rapporter puisqu’on ne sait toujours pas combien de personnes on pourra mettre dans un stade au mois d’Octobre ou au mois de Novembre. Peut-être bien que la recette ne va être que quelques cacahuètes … C’est encore cette façon de faire brutale, sans concertation, sans partage, sans discussion, qu’on remet en cause dans la façon dont cette Fédération est gérée. 

Nous allons également parler de Clermont parce qu’on ne peut pas avoir Jean-Marc Lhermet sans parler de l’ASM. Vous avez pris un peu de distance avec le club de Clermont, entre autres pour mener cette campagne. Est-ce que le terrain et le Stade Michelin ne vous manquent pas ? 

Si, forcément, c’est un virage mais ce combat de la Fédération me tient tellement à cœur. Je pense qu’aujourd’hui, nous sommes plein d’ambitions et, c’est ce que l’on dit avec Florian, pour moi, c’est l’avenir du rugby qui se joue aux prochaines élections. Donc, cet enjeu me motive, me prend beaucoup d’énergie, je m’y implique à fond et du coup, la transition est plus facile.  C’est un nouveau challenge pour moi, c’est un nouveau combat que je mène d’une façon un peu différente mais qui me passionne. Je suis à l’ASM depuis tellement longtemps que ce club me tient à cœur, que chaque fois que je pénètre dans le Stade Michelin, j’ai des frissons et ça me fait vraiment quelque chose. Mais, c’est une autre aventure, différente, passionnante, qui elle aussi me prend les tripes donc, la transition se passe très bien. 

Si vous arrivez aux manettes, comme on dit dans le jargon, en étant N°2 sur la liste, vous avez de grandes chances d’être vice-président de la Fédération Française de Rugby. Quelle serait la première mesure que vous mettriez en place avec Florian Grill et toute votre équipe ? 

C’est difficile d’en sortir une. Ce que nous avons déjà fait, pour être justement dans le concret et montrer que nous serons opérationnels tout de suite, qu’il n’y aura pas quelques mois de latence pendant lesquels rien ne va se passer, c’est d’identifier 60 actions à mettre en place dans les 100 premiers jours de façon à ne pas perdre de temps. 

Il y a un côté mitterrandien avec les 100 premiers jours, 60 propositions

Peut-être (rires). En tous cas, ce que nous voulons, c’est être concret. Comme je l’ai dit, pour nous, les élections sont un moyen d’arriver à notre fin et vraiment mettre en place une nouvelle organisation et une révision pour le rugby français. Donc, nous voulons montrer que nous sommes prêts avec des choses vraiment concrètes à mettre en œuvre. Ce n’est pas que du discours, il y a beaucoup de présidents qui, au cours de notre tour de France, nous ont fait la remarque d’avoir l’impression d’avoir été un petit peu trompés ou bernés par les mandats précédents par rapport à des propositions qui ont été faites et pas tenues. Nous, nous disons que nous mettrons en œuvre ces 60 propositions dès le départ et notamment tout ce qui concerne les points forts de notre programme à savoir le scolaire qui, pour nous, est prioritaire. Nous voulons aussi mettre en place une forme de  » label club  » pour lequel nous allons débloquer 16M d’euro sur la mandature pour aider les clubs à se structurer selon un modèle qui est celui que nous prônons, à savoir la compétition mais aussi l’éducatif , le développement et le citoyen. Nous allons donner des avantages financiers, matériels et sportifs aux clubs qui se construisent selon ce modèle-là. Et puis, travailler aussi autour de la préparation de la Coupe du Monde 2023 et de son équipe de France parce-que c’est la vitrine, c’est un rendez-vous que l’on ne doit pas manquer et, très clairement, un virage pour le rugby français; Et donc, ça va demander dès le début une attention toute particulière. 

Merci Jean-Marc Lhermet pour ce long entretien riche en informations, qui nous a permis, à nous comme à nos lecteurs, de découvrir une partie du projet et du programme et de la vision de l’équipe d’Ovale Ensemble

C’est une partie parce qu’on a 300 actions définies, qui sont sur un site ovaleensemble.fr et que tout le monde peut aller voir. C’était donc une toute petite partie mais une partie importante et, en tous cas, merci beaucoup pour cet échange qui était très intéressant. 

Propos recueillis par Loïc Colombié

https://hearthis.at/radio.albiges/magsport-7-aout-2020/

Retrouvez l’intégralité de l’itw de Jean Marc Lhermet lors de l’émission « Le #MagSport – RadioAlbiges » du 7 août 2020.

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