#Rugby – Nationale / Mathieu Bonello (Albi) : «On a toujours un peu l’œil du maquignon … on ne peut pas tout donner à la technologie!»

Alors que la data est de plus en plus au service du sportif, Mathieu Bonello, est revenu sur ce débat d’actualité lors de la conférence de presse d’avant derby d’occitan. À quelques heures d’affronter Blagnac, le manager du SC Albi a mis en exergue son sens du maquignonnage ancestral pour tâter le poult d’une rencontre, tout en ne réfutant pas l’apport indéniable des nouvelles technologies. Dans cette joute entre voisin, le savant dosage entre vieux ressort et nouvelle ruse, sera à coup sûr un des facteurs de la victoire. Mais le Sporting Club Albigeois, actuel 4eme de Nationale, va aussi devoir faire étalage d’un caractère certain, s’il veut faire chuter pour à première fois de la saison à Ernest Argelès : les Caouecs Blagnacais (7eme).

Crédit photo Le #MagSport – Jacques Massine

On commence ce dernier bloc de 2023 par un derby. C’est un bon début pour ce dernier bloc qui va être très important puisqu’on va arriver à la fin de la phase aller ?

 

Oui, on va arriver à la fin de la phase aller, c’est toujours important car on sait qu’à la fin de la phase aller, on sait toujours un peu plus où en est l’équipe avec l’équilibre des matchs à l’extérieur et de ceux à la maison. C’est le dernier bloc de l’année, c’est aussi la dernière ligne droite pour les joueurs et dans ce mois de Décembre, avec les températures et les conditions climatiques, c’est arriver à continuer à avancer. 

 

Blagnac est l’équipe type de celles que l’on appelle pénibles, surtout en cette saison avec un terrain pas très agréable, une équipe contre laquelle tu as la sensation de pouvoir faire un truc mais d’où tu repars avec la défaite. Comment est-ce que tu analyses cette équipe ? 

 

Comme tu le dis, je pense qu’elle a prouvé par le passé tout comme cette année et l’année dernière qu’ils sont imbattables là-bas. Je pense qu’elle a de vraies valeurs et un vrai fond de jeu de rugby, je pense aussi qu’ils ont l’habitude de bien jouer ensemble, de savoir ce qu’ils font, comment ils le font ainsi que sur leurs gros points forts aussi. Moi, je trouve qu’ils ont un jeu qui est bon, en place et tu sens une équipe qui se connaît bien et qui maîtrise ce qu’elle fait.

 

Et qui fait aussi preuve de caractère ? 

 

De caractère, oui dans cette période, un peu tout le temps d’ailleurs et peu importe les confrontations du week-end. Dans ces moments-là, avec les conditions climatiques, un terrain que l’on connaît et qui est gorgé d’eau, ça va être un bon match d’hiver. 

 

Gagner à Blagnac, c’est comme gagner à Nice, c’est hyper difficile. Le fait de remporter la victoire ce week-end serait envoyer un signal fort ? 

 

Comme je l’ai dit, c’est une excellente équipe depuis maintenant très longtemps, tout le monde perd là-bas et on fera comme les autres si jamais (rires). Ça montre que c’est une grosse équipe qui sait bien jouer ensemble, qui a un beau jeu, certaines valeurs aussi et où c’est très, très compliqué d’aller faire un résultat, ne serait-ce que de ramener un point. 

 

Est-ce que la notion de derby a encore du sens aujourd’hui avec des joueurs qui viennent d’un peu partout ? 

 

Il y a un élément de réponse dans ta question. Je trouve que dans le rugby, ça s’est vraiment perdu car forcément, et comme tu viens de le dire, il y a des joueurs de partout alors que c’est vrai qu’à un moment donné, ces notions-là étaient belles. Je pense que c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui et puis, tu te joues chaque année donc tu t’y habitues même si on n’est pas de loin. 

 

Ce dernier bloc avant une longue pause est un peu celui qui va donner la teinte car il faut laisser une belle carte postale avant de prendre les vacances et de revenir dans une dynamique ? 

 

Bien sûr mais on veut toujours des dynamiques positives avant de prendre quelques jours. Là, les joueurs en ont aussi besoin, tout le monde en a besoin mais avant ça, il y a des matchs et il faut essayer de continuer à engranger de la confiance et de repartir convenablement car on sait que ce mois de Décembre est souvent crucial pour le positionnement en fin de saison. 

 

Dans cette équipe de Blagnac, un peu comme à Massy, il y a des têtes bien connues, je pense notamment à Simon Veyrac que tu as eu à Albi ou à Collet ? 

 

Il y en a de moins en moins mais c’est vrai que l’on croise des têtes que l’on connaît. A part ces deux joueurs, je n’en connais pas trop, trop, quelques-uns mais pas beaucoup, et je trouve que c’est une très belle équipe. 

 

Est-ce que vous avez mis à profit cette trêve pour travailler la discipline et surtout l’indiscipline car on a pu voir sur les derniers matchs que ça pêchait un peu ? 

 

C’est vrai, on l’avait dit dans le bilan d’après-match de la dernière rencontre. C’était un secteur qui était assez fort chez nous depuis même plus loin que cette année et là, sur le dernier match, on n’était pas du tout dans les standards que l’on fait d’habitude et on revient un peu dans nos travers et nos vieux démons sur la discipline. Il ne faut pas mélanger deux choses et c’est ce que j’explique aux joueurs : oui pour l’enthousiasme, l’envie, ne rien lâcher, batailler la moindre chose mais par contre dans la règle car aujourd’hui, je trouve que les arbitres prennent quand même beaucoup plus de décisions rapidement. Ils essayent d’éclaircir le match et sans parler des matchs qui vont arriver, concernant la discipline, on ne peut pas continuer dans ces standards-là. Je ne sais pas si on les améliorera sur les quelques matchs qu’il reste jusqu’à la fin mais c’est un axe que l’on a travaillé, que l’on travaille chaque semaine. On essaye aussi de faire prendre conscience aux joueurs que, parfois, il y a des choses évitables, il y a des fautes où j’ai envie de dire qu’on ne peut pas faire autrement mais en ce moment, c’est vraiment un secteur noir chez nous. 

 

On sait qu’il y a de la casse, où en est-on de ce côté-là comme pour Lucas Guillaume par exemple ? 

 

Lucas a eu plein de rechutes, on ne le reverra pas avant Janvier. Sandrick va revenir, on ne sait pas encore si ce sera pour ce week-end ou pour le prochain, on va voir mais je ne pense pas que ça sera pour Blagnac. Wandile s’est blessé très gravement donc pour lui, ce ne sera pas avant fin mars début avril, la saison est pratiquement finie, c’était vraiment une blessure très grave. 

 

Avec la victoire face à Massy, vous avez aussi retrouvé une dynamique positive donc j’imagine que tu as retrouvé des joueurs avec le smile ? 

 

C’est vrai, quand on gagne, indéniablement, la semaine ou la reprise d’après se passent bien. On était convaincu qu’on n’était pas passé loin et avec ce calendrier de 3 matchs de rang, c’est vrai que c’est particulier. Maintenant, il faut remettre le contexte, le détail de chaque match que l’on avait perdu et si j’avais pris 3 fois 40 points, j’aurais pu dire quelque chose. Ça n’a pas été le cas mais on ne les a pas gagnés et si on ne les a pas gagnés, c’est qu’on ne méritait pas de le gagner à la fin. Il est certain que la victoire permet de renouer avec du positif mais on avait aussi une certaine confiance en nous donc ça a fait du bien d’un peu tout remettre au goût du jour. 

 

Tu nous parlais de l’indiscipline sur les défaites à l’extérieur et à Carcassonne comme à Chambéry, c’est sûrement ça qui a fait basculer la pièce du mauvais côté ? 

 

Et oui. C’est terrible parce-que tu sais qu’à l’extérieur, et il faut être honnête, on ne va pas dire que l’arbitrage influence plus une équipe que l’autre mais on sait très bien que c’est plus dur à l’extérieur du fait d’être dans l’environnement du club et qu’on va peut-être encore plus te regarder ou te matraquer. Dans ce contexte-là, j’espère que plus les mois et les années vont passer dans cette division plus on va  » moins voir  » ce phénomène d’extérieur et de maison pour pouvoir prétendre à pouvoir peut-être  » moins pénalisé  » même si ce n’est pas que ça. C’est à nous de montrer les efforts et il faut que l’on en fasse encore plus à l’extérieur, être encore plus propre. On sait que c’est hostile, même le public s’il y en a, le stade que tu ne connais pas et tout ça fait que l’environnement est propice à ce que tu fasses plus de fautes, il faut donc que l’on arrive à se concentrer et à travailler sur ce secteur-là. 

 

La touche a toujours été culturellement un secteur fort d’Albi mais depuis quelques matchs, on a l’impression qu’elle s’est un petit peu délitée ? C’est en tous cas le regard que l’on a de l’extérieur

 

Le regard extérieur, c’est le vôtre car les chiffres de notre bilan sont meilleurs que l’année dernière, c’est plus dans l’utilisation du ballon. A la même période, nos chiffres sont meilleurs en l’air que dans l’utilisation par rapport à l’année dernière où on était meilleur dans l’utilisation que cette année. Ça a aussi beaucoup tourné aux postes stratégiques de la touche, on forme également des joueurs et tu ne deviens pas leader de touche comme ça ni avec des joueurs qui n’avaient peut-être pas non plus l’habitude des annonces. C’est quand même de plus en plus dur et de plus en plus regardé donc il est certain qu’il faut aussi que l’on s’améliore dans ce secteur-là. 

 

L’utilisation du ballon, ce sont peut-être les bons portés derrière les touches ? 

 

Les deux. L’utilisation du ballon, c’est quand on peut descendre, lâcher le ballon, un mec qui passe derrière, une faute, l’efficacité aussi de nos ballons portés. On est moins bons dans l’utilisation, il y a un delta qui est trop important sur ça. C’est toujours pareil quand tu es entraîneur, et tous les entraîneurs font ça, c’est un fin dosage de ce qu’on va faire à l’entraînement ainsi que des thématiques que l’on va aborder et travailler. Forcément, on en a travaillé certaines depuis le début de la saison au détriment d’autres choses et, indéniablement, pour arriver à performer dans plus ou moins tous les secteurs, il faut arriver à ce qu’on revoit à peu près chaque semaine les gros secteurs tout le temps. Là, on avait volontairement baissé certains secteurs pour pouvoir en travailler d’autres parce qu’on avait besoin d’y passer plus de temps et je pense que ce travail-là nous a aussi un peu fait défaut. Et puis, les autres sont bons, on est attendu tous les week-ends et c’est à nous de redoubler de travail et de concentration. 

 

Après le match de Massy, tu nous as dit  » je ne comprends pas l’arbitrage sur les groupés pénétrants depuis la Coupe du Monde  » ? 

 

Oui, je le pense toujours et il faut s’adapter à la règle. Même si ce n’est pas comparable puisque c’est beaucoup plus sévère tout en haut, je trouve qu’on veut un peu faire ce qui est tout en haut tout en laissant tout passer. Le rugby est une règle qui évolue et oui, à un moment donné, on ne pouvait plus laisser le mec qui nage mais maintenant, on peut carrément arriver presque du fond et se retrouver devant si on ne lâche pas la liaison qu’on avait prise au départ. Je crois que la règle est quand même dans la zone un peu grise et je trouve que là-dessus, pour toutes les équipes et pas que pour nous, il faut s’acclimater et s’adapter. Je trouve qu’il y a quand même beaucoup de laxisme dans cette zone-là mais la règle évolue et il faut que ça soit nous qui nous adaptions à ce qu’il se fait maintenant dans l’arbitrage à savoir qu’on laisse un peu  » nager  » les joueurs. Il faut s’adapter à la règle, j’avais parlé de la Coupe du Monde mais je trouve dans ce qu’on a pu voir et ce qu’on voit tout en haut, oui, ça y est mais quand même plus encadré que pour nous, dans notre niveau où j’ai le sentiment que ça l’ait un peu moins. 

 

En même temps, ton homologue de Massy disait qu’il ne comprenait pas l’arbitrage de la mêlée ? 

 

Il faut être honnête, même quand on est dans la mêlée, on ne sait pas de quel côté ça vient. On ne sait pas d’où c’est tombé, on ne sait même pas pourquoi parfois et je pense savoir ce que c’est. Pour eux, c’est hyper dur entre le mec, la mêlée, le droitier qui a juste fait ça et que finalement, c’est le gaucher qui a fait ça quand c’est lui qui s’est lié mais comme on ne voit pas son bras alors qu’on voit celui du droitier … Concernant la mêlée, je suis à la fois d’accord et pas d’accord avec lui, je n’en parle d’ailleurs pas depuis le début de la saison car franchement, c’est trop la pièce et trop dur pour les mecs. Parfois, il y a des trucs volontaires et je dis que quand il y a de grosses choses, il faut les sanctionner, comme par exemple le mec qui passe volontairement au sol ou qui est à genoux et qui se sert de cet appui pour remonter. Concernant le ballon porté, je trouve que dès l’entrée et le contact, tu vois où est le point d’entrée, je prends un exemple, sans vouloir du tout parler du dernier match, mais quand je vois qu’il y a un mec qui est relayeur au départ, donc pas dans le ballon porté, et qui finit à me tenir mon dernier du ballon porté, je me dis  » lui, il a quand même dû rentrer quelque part, il a dû se glisser « . Il n’est même pas dans la zone du ballon porté et il s’y retrouve à la fin, c’est ça que j’aimerais qu’on éclaircisse un peu. Je pense que c’est aussi de plus en plus pour éviter les ballons portés, aérer le jeu pour qu’il y ait de plus en plus de jeu. 

 

Est-ce que l’info circule entre les arbitres et les entraîneurs ? 

 

Oui, il y a toujours de l’info et ils nous le disent, c’est très bien. Comme je l’ai dit, c’est à nous de nous adapter et de parfois mieux comprendre et parfois, l’entraîneur ne veut pas comprendre (sourire). 

 

Tu nous as un peu parlé de chiffres. Dans le débat actuel sur les datas, est-ce que tu es plutôt Urios où le data est important mais n’est pas l’absolu ou école Galthié où le data est vraiment l’absolu ?

 

Je suis plus école de Christophe Urios. Je pense qu’il y a compromis, que l’idée de Christophe Urios est bonne tout comme celle de Fabien Galthié est bonne. Pour moi, c’est entre les deux et il faut nous en servir pour nous aider nous entraîneurs car, c’est indéniable, ça nous aide et ça a évolué. Par contre, on ne peut pas coacher ni entraîner qu’avec ça, quand j’entends Ugo Mola dire  » toutes les datas me disaient de sortir Romain Ntamack « , qu’il ne le sort pas et que c’est lui qui fait gagner la finale, ça veut dire qu’il y a une part d’humain et justement, notre métier est beau pour ça. On a l’info, qu’on n’avait pas avant donc tu faisais un peu comme tu le sentais mais comme on le disait, on a toujours un peu l’œil du maquignon et je trouve que ça, c’est intéressant de se le garder, on ne peut pas tout donner à la technologie.

 

Quel est le mot d’ordre pour ce bloc et pour ce match ? 

 

C’est la même chose pour ce match que pour le bloc à savoir passer l’hiver du mieux que l’on peut (rires). C’est la vérité.

Propos recueillis par Loïc Colombié

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