Albi est une des rares villes de l’hexagone a posséder un club dans les deux rugbys, à l’image de Toulouse, Perpignan et Carcassonne. Alors que depuis 20 ans les regards se portent sur les quinzistes du Sporting Club Albigeois (SCA) , Albi Rugby League (ARL), le digne héritier du Racing Club, revient sur le devant de la scène, en accédant à la finale du championnat de France de rugby à XIII.

La domination tarnaise sur le rugby hexagonal.
Après les titres de 1938, 1956, 1958,1962, et 1977, Albi pourrait redevenir une place forte du rugby à XIII autrefois appelé jeu. Les plus anciens se souviennent des exploits des orange et noir du Racing au niveau national, une équipe d’Albi qui formait alors l’essentiel de l’équipe de France et qui dominait le championnat.

Cette domination treiziste a connu son apogée, un jour de Noel 1959.
En tournée en France, les australiens champions du Monde en titre, et vainqueurs de leurs tests matchs, sont invités à déguster, non pas la dinde ou le chapon, mais la pelouse du Stade Maurice Rigaud.

Ce jour-là, les Albigeois infligèrent une défaite historique agrémentée de 5 essais, mais aussi de quelques échanges gestuels sans ballon qui étaient à l’époque inévitables, voire une tradition, sur un terrain de rugby. Cette victoire fera entrer pour toujours dans la légende les Conti, Vadon, Bescos, Tonus, Couveignes, Aymé (auteur d’un triplé).

La domination du XIII albigeois, coïncide avec la domination du XV tarnais au niveau national. Les titres s’enchaînent pour le Castres Olympique titré en 1949 et 1950, Carmaux titré en 1951 et Mazamet finaliste en 1958.

Ce leadership se retrouve aussi dans les instances des deux fédérations, le graulhétois Marcel Batigne s’empare de la FFR en 1966 puis de la FIRA de 1968 à 1989, quand l’homme d’ affaires albigeois René Mauries préside aux destinées de la Fédération de jeu à XIII de 1971 à 1981.

Les médias n’échappent pas à cette hégémonie puisque le turbulent Abbé Pistre qui fut joueur à XV à Albi et éphémère entraîneur de Castres, forme un duo d’anthologie avec Georges De Caunes pour commenter le rugby sur la Une en 1975 dans le Tournoi des 5 nations. Le grand chelem 1977 reste dans toutes les mémoires avec la présence du Castrais Gérard Cholley, du natif de Carmaux Jean-Pierre Romeu, sans oublier le remplaçant graulhétois Jacques Gasc

Les années 80 et 90 marquent un statut quo du rugby albigeois, Le Racing est toujours un bastion du XIII, au milieu des équipes comme Avignon, Villeneuve sur Lot, Tonneins, St Gaudens, Pia, Le Pontet, La Réole, Lézignan, Limoux. Le club forme des joueurs pour l’équipe de France à l’image des Anselme, Collado, Castel, tandis que le SCA oscille entre les groupe A et B.

Les années 2000, et la suprématie du Sporting Club Albigeois.
L’arrivée du professionnalisme dans le rugby à XV met fin à l’amateurisme marron. Albi n’échappe pas au phénomène et se structure autour du magnat de la grande distribution Jo Mir, et d’ Eric Béchu un entraîneur totalement inconnu du grand public à l’époque .

Ces deux hommes feront du SCA un club redoutable et redouté. Après les finales de Fédérale 1 toutes perdues en 2000,2001 et 2002, le SCA accède à la ProD2 en 2003.

En 2006, et contre toute attente, accède au Top 14. Le « petit poucet » alors composé en partie de joueurs pluriactifs s’organise, est créé une SASP. Les hommes de Béchu se maintiennent avec un jeu d’avants maîtrisé et puissant, déjouant tous les pronostics .

Alors que sportivement le maintien est acquis sur le terrain lors de la saison 2008, la DNACG vient doucher les espoirs d’une troisème saison consécutive en Top 14. La rétrogradation sportive est prononcée. Albi retrouve la Prod 2. Au même moment, le Racing Club Albigeois peine face à la concurrence et l’exposition médiatique du XV. Mais pas que.

Les résultats sportifs des volleyeuses féminines albigeoises (finalistes de la coupe de France en 2001,2003 et 2006) et de l’US Albi bien ancré en CFA et en 8éme de finale de la coupe de France en 2005 font de l’ombre au glorieux Racing qui décline.

Les années 2000 marquent une transition économique et sportive chaotique. En 2008, l’association et la SASP porteuses de l’image et de l’histoire du XIII albigeois sont condamnées par le Tribunal. Une nouvelle entité est alors créée avec Albi Rugby League et repart tant bien que mal en Elite 2, alors que le club vosin du Racing Club Lescure Arthès XII nage comme un poisson dans l’eau dans cette divison (titré en 2011 et finaliste en 2015,2016 et 2018).

Alors que la ville crie à l’injustice concernant le sort réservé au SCA, les hommes de « l’ours ariégeois mal léché » comme il aimait à se définir, retrouve le Top 14 au terme d’une saison 2009 maîtrisée en dominant en finale Oyonnax sous les ordres de l’ancien joueur et futur entraîneur castrais Christophe Urios. Le SCA redevient crédible et retrouve le Top14. Un retour douloureux qui marque la fin d’une époque puisque le club est rétrogradé sportivement au terme de la saison 2010, et du départ d’Eric Béchu après 11 ans de bons et loyaux services.

Le SCA semble condamné à la ProD2 pour longtemps. Le temps d’ une finale d’accession en 2011 perdue contre l’UBB redonne un espoir aux supporters de retrouver l’élite un jour. Mais la saison 2017 sera la dernière en Prod2. Depuis le SCA coince toujours en demi-finale de cette troisième division, et ne peut retrouver la Prod 2 malgrè les efforts d’Arnaud Méla, puis de Mathieu Bonello.

Le XIII albigeois reprend l’avantage.
De son côté, ARL commence sa remontée dans l’Élite 1 en 2015. Puis un partenariat est noué à l’international avec le club de Leeds pour préparer les joueurs au plus haut niveau. Un club affaires est créé (sur le modèle de celui du SCA en activité depuis 2012) dans un Stade de Mazicou relooké. Sous l’impulsion des dirigeants historiques Frezouls, Nadalin, Lagourcette, Maynadier, ARL retrouve des couleurs, avec en point d’orgue une finale perdue en 2023 contre Carcassonne dans la Coupe Lord-derby.

Dans le même temps, le sort s’acharne sur le SCA, alors que la saison 2024 semble être la bonne. Dans la dernière ligne droite, la SCA trébuche. Lourdement à Nice pour le dernier match de la saison régulière, puis une semaine après à la maison, contre le jeune club de Suresnes dans un match de barrage. L’échec sonne comme une fin de cycle. Un échec qui n’est pas imputable à un arbitre téléguidé ou une pandémie, c’est un échec purement sportif.

Il n’en sera pas de même pour ARL . Au terme d’une saison sportive époustouflante (2éme de la phase régulière) construite sous la direction de Joris Canton et de son adjoint Fabien Deni au physique de gladiateur, un caractère bien trempé qui rappelle celui d’Éric Béchu et avec son look à la Philippe Lucas. ces deux hommes savent mener leur barque.

Des joueurs formés localement à l’image de Tristan Dupuy, Louis Tailhades ou encore Gaétan Estruga formé en albigeois passé par le Toulouse Olympique et de retour au bercail cette saison. L’apport de joueurs expérimentés à l’image d’Illias Bergal international Franco-Algérien à VII et à XII ou encore les australiens comme Ben Shea, les frères Sam et Jack Cook et Brad Wall passé par Villeneuve et St Gaudens, sans oublier le maitre à joueur de cette équipe Tony Gigot dont le parcours rugbystique est incomparable. Ce globe-trotter du rugby à XIII formé en Avignon est passé par les Dragons Catalan, Londres et Wakefield en Angleterre, Toronto au Canada et Cronula-Sutherland en Australie. La cité épiscopale revit par son rugby à XIII. Pendant que le jaune quinziste pâli, l’orange trieiziste retrouve son éclat.

La demi-finale du championnat contre Limoux, huit jours seulement après l’échec des quinzistes, confirme la domination albigeoise (34-18) et le retour en grâce d’un club emblématique qui se fit connaître Outre-Atlantique, jusqu’en Océanie dans les années 50. La finale opposera le chef lieu tarnais à la cité rugbystique de Carcassonne dans un remake de la finale de la Coupe de 2023.

Ironie de l’histoire, il y a un demi-siècle, les deux clubs s’opposaient au Stadium Municipal d’Albi pour une finale de coupe de France. Albi en sortait vainqueur, et se voyait remettre le trophée par le président René Mauries.

Le 26 mai prochain les deux club s’affronteront à Narbonne, en cas de victoire d’Albi l’actuel président de la fédération, Dominique Baloup pourrait avoir quelques émotions, lui qui portait le maillot orange et noir au milieu des années 80.

L’histoire se répète toujours, mais jamais avec les mêmes hommes. Avec un succès en finale, Albi XIII reprendrait alors l’avantage sur les quinzistes du Castres Olympique, les deux clubs étant quintuplement titrés au plus haut niveau.

Article rédigé par Le Borgne

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